Le pauvre d'Assise de Níkos Kazantzákīs

Le pauvre d'Assise de Níkos Kazantzákīs
(Ho ftôkhoulis tou theou)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Sciences humaines et exactes => Spiritualités

Critiqué par Cyclo, le 30 décembre 2013 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 10 étoiles
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Éloge de la pauvreté, de la simplicité et de l'amour

L'auteur dédie ce roman à Albert Schweitzer, l'équivalent pour notre temps du pauvre d'Assise.
"Le pauvre d'Assise" est un roman âpre, qui suit les pas de François d'Assise, du jour où il décide d'abandonner père et mère, richesse et beaux vêtements pour se consacrer à Dieu et à la sainte pauvreté, la sainte simplicité et l'amour parfait. On suit ses pérégrinations, ses difficultés à se réaliser dans le jeûne et la prière. Tout est vu par son premier « disciple », frère Léon, qui raconte l'histoire.
Quelques extraits qui m'ont particulièrement plu :

"Il ne faut dire à chacun que ce qu'il peut supporter. Le reste est tentation."
"– Où allons-nous, frère François ? Demandai-je. – Quel besoin avons-nous de le savoir ? répondit-il. Le Seigneur en a décidé pour nous. Tu connais ces grandes fleurs jaunes qu'on appelle héliotropes et qui regardent le soleil, en tournant continuellement leur visage docile dans la direction de Dieu ? Faisons comme elle, frère Léon, regardons Dieu, constamment, et il nous montrera le chemin."
"– Aie confiance dans l'âme humaine, frère Léon, et surtout n'écoute pas les gens sages. L'âme humaine peut l'impossible."
"– Quelle liberté ! me fit joyeusement François. Nous sommes les gens les plus libres du monde, car nous sommes les plus pauvres. Vois-tu, frère Léon, la pauvreté, la simplicité et la liberté ne sont qu'une seule et même chose."
"À la vue de François, [l'évêque] essaya de prendre une mine renfrognée, mais en vain. Car il aimait beaucoup ce Saint rebelle, qui avait abandonné tout ce que l'homme chérit en ce monde pour adopter tout ce qu'il hait et tout ce qui lui fait peur : la solitude et la pauvreté."
"[François] sentait qu'il n'est pas de grande ou de petite tâche et que poser un caillou sur un mur en ruine, c'est redresser le monde qui menace de tomber, redresser l'âme qui chancelle."
"François s'étonna : – Pourquoi pleurez-vous, mes frères ? Personne ne répondit. – La vie est-elle si douce ? Ou bien croyez-vous si peu à la vie éternelle ?"
"– Là où je suis né, je veux aussi mourir. – Ne parle pas de mort, frère François. – De quelle autre chose l'homme doit-il parler ?"
"– Amer est le moment de la séparation, frère Masséo, très amer. Mieux vaut partir comme des voleurs."
"Car comment savoir qui il était réellement ? Le savait-il seulement lui-même ?"

Nikos Kazantzaki, dont j'avais intensément aimé "Le Christ recrucifié" et "Alexis Zorba", est un immense écrivain. Pas évident d'écrire un roman sur François d'Assise, sans tomber dans l'hagiographie pieuse et pesante. Ici, il recrée le Moyen-âge avec beaucoup de subtilité et de rigueur, il n'oublie pas les Cathares, ni les Croisades (où François d'Assise est horrifié de voir que les croisés ne vont là-bas que pour piller), ni les divers courants religieux qui agitaient alors la chrétienté.
Une lecture vivifiante, à lire lentement, et propice à la méditation.

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