Les vivants de Annie Dillard

Les vivants de Annie Dillard
(The living)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Heyrike, le 16 décembre 2013 (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans)
La note : 8 étoiles
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Les grandes espérances

En 1855, Ada et Rooney arrivent enfin, après un long périple en chariot à travers le continent nord-américain, dans le campement de Whatcom situé sur la côte nord-ouest, non loin de l'actuelle ville de Seattle. Whatcom se résume à une succession de cabanes en rondins disséminées dans l’immense forêt qui drape cette contrée. Accueilli chaleureusement par la famille Rush, qui fit partie des premiers colons blancs venus s'installer ici quelques années auparavant, ils vont pouvoir compter sur leur aide pour commencer à cultiver leurs terres. Ici la solidarité est de rigueur pour pouvoir espérer survivre. Les relations avec les peuples indiens Lummis, Nooksack et Skagits sont très cordiales et basées sur un respect mutuel, même si parfois il faut aux colons beaucoup de patience lorsque ceux-ci s’immiscent dans leur quotidien pour observer leur drôle de mode de vie. Les indiens, tout comme les colons, craignent en revanche les tribus situées plus au nord, qui n’hésitent pas à traverser la frontière Canadienne pour piller, tuer et réduire en esclavage leurs prisonniers.

La vie s’organise autour des activités de la mine de charbon et de la scierie qui engloutit les arbres de la région. La ruée vers l’or va permettre à Whatcom de connaître un essor aussi prodigieux qu’éphémère. Les temps difficiles ressurgissent de plus belle, mais chacun va lutter d’arrache-pied pour voir son rêve s’accomplir.

Au fil des années, Whatcom s’agrandit et commence à voir poindre l’espoir d’une prospérité lorsque celle-ci est pressentie pour devenir le terminus de la ligne de chemin de fer de la compagnie Northern-Pacific, synonyme de richesse pour les hommes entreprenants. La spéculation foncière va bon train, chacun y va de ses conjectures.

A travers l’existence des membres des familles Fishburn, Rush et Sharp, on parcourt une page de l’histoire Américaine où les grandes espérances sont perpétuellement soumises aux coups de boutoirs des spéculateurs prêts à tout pour s’octroyer des parts de profit immense, quitte à broyer les rêves des hommes de bonne volonté. Dans cette société en pleine effervescence on assiste à la grandeur et à la décadence d’une communauté démembrée par l’idéologie du capital et du rendement maximum.

Les bouleversements économiques et politiques qui secouent le pays provoquent un sentiment de malaise parmi la population de Whatcom et introduisent un sérieux doute sur l’avenir de leur communauté. John Sharp et Clarence Fishburn entrevoient la fin d’une époque où tout était possible pour quiconque s’attelait à la tâche, désormais tout semble dépendre du monde de la finance, nouveau credo d’une nation éprise de réussite individuelle au détriment des nombreux laissés pour compte tout juste bons à combler les ornières des champs de bataille du capitalisme sauvage.

Même leur vie de couple n’a pas résisté à l’assaut des années, le dialogue s’est effiloché petit à petit jusqu’à rendre inaudible la parole de l’être chéri autrefois. Une immense solitude s’est installée. Les édifices qu’ils ont bâtis autrefois et qu’ils croyaient aussi solides que leurs convictions, n’étaient en fait que des châteaux de cartes, la force des courants souterrains a fini par saper les fondations de leurs aspirations de jeunesse. Tout ce qui compte dorénavant c’est de continuer à demeurer vivant.

Un magnifique roman qui nous plonge en pleine conquête de l’ouest sur une période qui s’étale de 1853 à 1897. Le contexte y est très bien décrit, entre les aspirations des premiers colons en quête de nouveaux espaces de liberté et de prospérité, les relations avec les peuples indiens dont les territoires s’amoindrissent au fur et à mesure de l’arrivée des colons et la venue avec grand fracas du progrès qui enthousiasme dans un premier temps les habitants et investisseurs de tout poil jusqu’à la déconfiture finale. La psychologie des personnages est finement explorée jusque dans les moindres replis, donnant une dimension profondément humaine et touchante à la fois aux parcours de chacun. Sans oublier les sublimes descriptions de la nature qui incarne à elle seule un personnage essentiel, donnant une intensité très forte au récit en occupant bien plus qu’un rôle d’arrière-plan.

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