Frankie Addams de Carson McCullers
( The member of the wedding)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Crise existentielle à 12 ans
Eh bien dites donc, ça se bouscule dans la tête de Frankie ...
Grande bringue de 12 ans dont la maman est décédée à la naissance, Frankie soumet Bérénice, la cuisinière noire, au feu des questions existentielles qui la travaillent depuis le début de l’été : qui est-elle, quelle est sa place dans le monde ?
Ces interrogations sont avivées par la visite du frère de Frankie, Jarvis, venu présenter sa fiancée, Janice.
Le mariage, prévu une semaine plus tard, obsède Frankie.
Simple jalousie ?
Non, c’est plus subtil : « ils sont tous deux mon nous à moi ».
Tout le monde a un « nous ».
Quand Bérénice dit « nous », elle pense à son demi-frère et à sa grand-mère.
Quand son père dit « nous », il pense à sa boutique.
Mais Frankie n'a aucun « nous » auquel se rattacher.
Même son jeune cousin de six ans, John Henry, qui passe pourtant beaucoup de temps avec Frankie, ne forme pas un « nous » avec elle.
Jeune fille en mal de sentiment d’appartenance, Frankie se raccroche à l'idée que dans une semaine, les jeunes mariés l’emmèneront avec eux de par le monde.
La veille du mariage est un jour particulier.
Frankie commence par changer de prénom quand elle constate que les prénoms Jarvis et Janice commencent par deux lettres identiques.
Dorénavant, il faudra l’appeler F. Jasmine.
Ensuite, elle part en ville, déterminée à y accomplir en un jour ce qu’elle aurait fait si elle y était restée toute sa vie.
Elle parle à des inconnus, évoquant le mariage et son départ : plus jamais elle ne remettra les pieds dans cette ville !
Mais F. Jasmine est oppressée.
De retour à la maison, elle échange ses expériences de la journée avec Bérénice qui va mettre les mots justes sur ce tourment diffus.
On peut établir un parallèle entre deux choses : D'une part, F. Jasmine vit cette journée comme une tranche intermédiaire, une zone tampon entre son passé et son futur qu'elle imagine radicalement différent.
D'autre part, elle-même est à un moment charnière : encore enfant, elle ne l’est plus vraiment…
Petit à petit, F. Jasmine est confrontée à l'idée que nous sommes tous prisonniers de nous-mêmes.
Elle tente de fuir en échafaudant des projets avec son frère, mais en même temps elle ressent déjà, sans pouvoir la nommer, l'irréductibilité de notre condition : nous sommes nous-mêmes, quoi que nous fassions, et nous sommes seuls face à cela.
Implacabilité aussi du temps qui passe, des instants vécus que nous pourrons jamais rattraper.
C'est à ce moment-là, au plus fort de leur solitude respective, que tous trois, Bérénice, F. Jasmine et John Henry, de concert, sans s'être donné le mot, entament un sanglot.
Leurs pleurs confondus transcendent leur isolement, leur enfermement personnel, mais ne l’annihilent pas.
Je pourrais encore pousser plus loin l’analyse, tant ce livre aux répliques anodines et aux faits terre à terre est riche.
Comme quoi, la complexité n'a pas besoin de se dire de façon alambiquée, la simplicité lui va beaucoup mieux…
Les éditions
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Frankie Addams [Texte imprimé], roman Carson McCullers trad. de l'anglais, États-Unis, par Jacques Tournier
de McCullers, Carson Tournier, Jacques (Traducteur)
Stock / La Cosmopolite (Paris).
ISBN : 9782234053052 ; 5,00 € ; 11/10/2000 ; 320 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (5)
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En quête de soi
Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans) - 25 juin 2013
Frankie, une enfant en quête d’elle-même, d'une vie, une "autre" vie: le difficile passage entre enfance et adolescence.
Transition
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 16 avril 2012
Frankie Addams nous raconte une journée d’une jeune fille de 12 ans, Frances, en pleine phase de transition entre l’âge adulte et celui de l’enfance.
Cette journée symbolise à elle seule ce passage si délicat et l’auteur s’attache à nous la rendre de la plus fidèle et précise des manières, un peu trop à mon goût d’ailleurs.
Là peut être se situe le défaut majeur de ce livre, intéressant certes, mais ô combien lassant tant l’action se laisse désirer. Non pas que je sois un amateur de rebondissements et d’action pure et dure, loin s’en faut, mais force est de constater que parfois, assez souvent même, l’ennui m’a guetté.
McCullers m’a souvent assommé avec les nombreux dialogues entre Frankie et Bérénice, je pense notamment à la phase de discussion dans la cuisine, même si l’on en apprend un peu plus sur les personnages, au final beaucoup de pages pour pas grand chose. Peut être que l’intention était de rendre le récit plus « poétique », plus imagé, à la manière d’un Sôseki, mais là où l’auteur japonais excelle McCullers m’a laissé de marbre.
Autre bémol, là où d’autres critiques se sont enthousiasmés devant les descriptions du sud américain je dois avouer mon étonnement, justement je trouve que ce roman manque cruellement d’une atmosphère, j’ai traversé cette lecture comme un fantôme. Oui, clairement ce livre manque de caractère !
Cependant il y a tout de même du positif, je pense à Frankie, son caractère, ses pensées, ses envies très bien rendues, aux quelques péripéties, la traversée de la ville, la rencontre avec le soldat…
Au final un livre qui se laisse lire mais vraiment sans plus.
Se dévore d'une traite
Critique de Janiejones (Montmagny, Inscrite le 20 avril 2006, 39 ans) - 14 mai 2007
"Les mots inconnus"
Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 10 juillet 2004
Ce roman est resté pendant plus de dix ans confiné dans ma bibliothèque, tout cela parce que je n'avais pas trop aimé "Le cœur est un chasseur solitaire" (sans doute étais-je passé à côté du sujet). Une erreur de ma part, car ce roman est absolument formidable. L'auteure a composé un récit au style faussement facile, réussissant à faire "jaillir les mots inconnus" qui recèlent la complexité du passage de l'ancienne à la nouvelle vie.
"Ecoutez, dit [Frankie] . Voici ce que j'ai essayé de vous dire. Ne trouvez-vous pas étrange ce fait que je suis moi et que vous êtes vous. Je suis [Frankie] et vous vous êtes Bérénice. Et nous pourrons nous regardez l'une l'autre, nous toucher l'un l'autre, rester ensemble pendant des années dans la même chambre. Cependant, toujours, je suis moi et vous êtes vous. Je ne peux être rien d'autre que moi et vous ne pouvez être rien d'autre que vous. Avez vous pensé quelquefois à ça ? Est-ce que ça ne vous paraît pas étrange ?"
Bérénice […] répondit "J'ai pensé à ça quelquefois"
Quel est mon nous à moi ?
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 17 juin 2004
Ainsi commence ce roman de Carson McCullers que je n'hésite pas à qualifier de génial.
Dans une petite ville de Géorgie qui s'ennuie paresseusement dans la chaleur torride d'une fin d'été, Frankie Addams, 12 ans, passe le plus clair de son temps en discutant dans la cuisine avec Bérénice, la cuisinière noire, et John Henry son cousin de 6 ans. Frankie Addams se sent seule : elle est orpheline de mère, elle a grandi trop vite et puis peut-être aussi parce qu'elle se pose des questions que les autres ne se posent pas.
Un jour, son frère militaire arrive à la maison avec une fiancée et une grande nouvelle : il va se marier. Ce jour là Frankie Addams entrevoit une nouvelle vie et se persuade qu'elle va les accompagner dans le nord, vivre avec son frère et cette fiancée si belle dans un pays ou il y a des hivers et de la neige.
Le roman se déroule dans la journée qui précède le mariage. Il ne se passe rien d'extraordinaire dans cette journée mais justement c'est ça le plus beau dans ce livre, l'attente du dénouement, de ce fameux mariage. Comme l'a très bien fait remarquer S-G-d-P dans sa critique, McCullers aborde les questions les plus importantes avec simplicité et je dirais avec génie. A travers cette adolescente l'auteur capture avec une sensibilité extrême les peurs et la solitude que chacun ressent parfois lorsqu'il se sent exclu, différent ou prisonnier de lui-même. Comme le dit Bérénice, la formidable cuisinière noire : "Tous on est comme des prisonniers. On vient au monde dans un endroit ou dans un autre, et on ne sait pas pourquoi. Mais on est quand même prisonniers. Toi, tu es née Frankie. John Henry, il est né John Henry. Et peut-être qu'on voudrait s'évader et être libre. Mais on a beau faire, toujours on reste prisonnier. Moi je suis moi et toi, tu es toi, et lui il est lui. Chacun de nous est comme prisonnier de lui-même."
J'aime beaucoup aussi la façon de McCullers de décrire son pays, le sud américain et sa langueur, c'est grandiose. Voilà un extrait révélateur de son style.
"Derrière les vitres, l'après-midi flamboyait et de loin en loin un vautour planait paresseusement dans le ciel aveuglant. Ils croisaient des routes de traverse rouges et désertes, creusées de fondrières d'un rouge plus sombre, et de vieilles baraques délabrées perdues dans la solitude des champs de coton."
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