Pour une école qui aime le monde : Les leçons d'une comparaison France-Québec (1960-2012) de Denis Meuret

Pour une école qui aime le monde : Les leçons d'une comparaison France-Québec (1960-2012) de Denis Meuret

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Essais , Arts, loisir, vie pratique => Divers

Critiqué par JulesRomans, le 16 janvier 2014 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 66 ans)
La note : 10 étoiles
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France-Québec un beau match de qualification

La première partie de l'ouvrage traite de la situation de l'école au Québec et en France à la fois dans les années soixante et cinquante ans plus tard au début du XXIe siècle, pointant en particulier pour les frais de scolarisation que la dépense par élève est plus forte au Québec mais que cette province ayant une population plus âgée que celle de l'hexagone, le poids financier par habitant est plus léger.

Le second ensemble montre comment à leur manière chacune des entités tente d'élaborer un nouveau modèle de scolarisation à la fin des Trente glorieuses. La troisième partie étudie les conséquences des choix différents entre les deux pays à travers les rapports et textes réglementaires.

Il est mis en parallèle le rapport Parent (pour le Québec) et le colloque d'Amiens (pour la France). Lors de ce dernier, tenu en mars 1968, le recteur Mallet à l'ouverture déclare que :

« La meilleure façon d'éviter les révolutions c'est encore de les faire, disait un humoriste anglais qui ne manquait pas d'un sérieux sens politique ».

Le ministre de l'éducation nationale de l'époque Alain Peyrefitte conclut à cette occasion par ces mots :

« C’est seulement par cette réforme des méthodes de l’enseignement, que l’école peut remplir aujourd’hui sa mission de toujours, celle d’initier à une culture ; or cette initiation, aujourd’hui, ne peut qu’être une invention : il s’agit d’aider à la mue de la société, d’apprendre à vivre dans l’incertain sans angoisse ni indifférence, d’éduquer le sens critique, d’enseigner l’ironie, de fortifier à la fois l’autonomie et la sociabilité. Dans cette liberté, naîtra une nouvelle culture, qui sera une culture de notre temps. »

Ce qui mériterait d'être pointé et ne l'est pas ici (l'auteur n'étant pas aussi historien de la chose politique), c'est d'abord quel fut en France le contre-coup des événements de Mai 1968. Les élites de la droite globalement réformatrices en matière scolaire jusqu'au début 1968 (désirant adapter l'école à un marché de l'emploi changeant), deviennent nettement plus réservées face à la peur d'un changement à l'école qui faciliterait l'explosion d'un nouveau Mai 1968. Par ailleurs serait à mettre en avant également l'action d'un homme, à notre connaissance le premier qui fut longtemps un enseignant de lycée (fils d'un professeur d'école primaire supérieure, ce qui correspond au collège), en charge de la présidence de la République entre 1969 et 1974 qui, avec l'aide de son ministre de l'éducation nationale Olivier Guichard (en poste de 1969 à 1972), torpille au niveau du secondaire la plupart des innovations amenées par Edgard Faure.

Il est vrai et il est bon de le rappeler que dans l'enseignement primaire des expérimentations individuelles au niveau de la classe furent plus ou moins tolérées très temporairement. La plus irresponsable nous est connue par son auteur Jules Celma qui en tira un livre dont le titre "Journal d'un éducastreur" fut certainement le seul trait de génie en matière de pédagogie qu'il n'eut jamais. À noter que le contenu de ce livre inspira quelque peu Claude Berri pour son film "Le maître d'école" avec Coluche dans le rôle principal.

Le contenu de cet ouvrage "Pour une école qui aime le monde" est riche, il reste à le découvrir par soi-même. Personnellement nous avons retenu entre autres affirmations qu'au Québec on pense que :

«- tout le monde peut apprendre. Il en résulte que l'on peut ouvrir l'école sans qu'elle renonce pour autant à être exigeante et que l'école est responsable des progrès de ses élèves 

- la société, l'économie se trouvent mieux d'être composés de personnes plus imaginatives, créatrices»
(page 164)

et par ailleurs :

« Deux grands types d'explication ont été proposés au "malgouvernement" de l'école française : le corporatisme des enseignants ou la faiblesse des gouvernants ». (page 165)

« Au Québec le gouvernement de l'école n'a pas besoin d'émaner d'une instance supérieure au ministre de l'Ėducation pour avoir une chance d'être efficace » (page 165)

On l'a deviné les résultats français sont très médiocres par rapport à ceux du Québec et peut-être pas pour les raisons que certains attendraient. Rappelons que vers 2014, la population de la Belle Province est de 8 millions d'habitants alors que l'on compte 64 millions de Français hexagonaux, mais que cette différence d'échelle pèse beaucoup moins que l'influence d'un certain pragmatisme anglo-saxon au Québec.

Bien qu'écrit par un professeur de sciences de l'éducation, cet ouvrage s'écarte de tout verbiage et est d'une lecture qui nous semble fort accessible à tous ceux qui se piquent d'avoir une opinion sur le système scolaire. Il est dommage de penser qu'il sera peut-être lu beaucoup plus par ceux qui ont déjà une vision nuancée du sujet, que d'autres qui pourraient (s'ils le voulaient bien) en apprendre beaucoup plus que les premiers.

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