L'homme du Kentucky

Chris Offutt est originaire des collines situées à l'Est du Kentucky, au cœur du parc national Daniel Boone, cette contrée perdue est peuplée par des hommes qui "[.] vivent sur les vestiges d'un monde qui garde encore une mentalité d'Ouest sauvage". Incapable de tenir en place et convaincu qu'il n'a aucun avenir dans le pays de ses ancêtres, Chris décide de quitter sa famille, à l'âge de 19 ans, la tête pleine de rêves, en pensant à Daniel Boone et à sa quête d'espace.
Sa première destination le conduit à Manhattan où il espère devenir acteur, il débarque dans un univers qui lui est totalement étranger, avec ces codes et ces mentalités individualistes. Il rencontre une femme, Jahi, qui lui sert de guide à travers le dédale des rues de New York et d'initiatrice aux jeux de l'amour. Mais cette aventure tourne court et il regagne sa colline, totalement dépité par ce monde turbulent et imprévisible.
Ne tenant toujours pas en place, il repart de nouveau bien décidé, cette fois ci, à "filer droit devant, comme Daniel Boone, afin d'avoir plus de place pour respirer." Il va vivre de petits boulots, n'hésitant pas à reprendre la route à chaque fois qu'il sent qu'il va tomber dans le piége de la routine d'un travail fixe ou d'une femme réclamant de l'amour. Ses pérégrinations, à travers tout le pays, vont durer 10 ans, au terme desquels il rencontrera Rita avec qui il décidera de se fixer et de fonder une famille.
Récit autobiographique d'un homme solitaire, qui tente de vivre en dehors des chemins tout tracés, fuyant une société enlisée dans ses contradictions sociales, culturelles et humaines, dont les fils invisibles qui l'unisse à la vie et à la nature s'effilochent, laissant les individus désemparés face au chaos identitaire.
Son odyssée, dont il consigne dans son journal les moindres événements de manière convulsive, est une succession de rencontres, avec des individus souvent excentriques, quelquefois tordus, parfois généreux, mais qui tous, à leurs façons, lui donneront l'envie insatiable de poursuivre sa quête, même s'il est conscient des difficultés qu'il lui faudra surmonter dans un pays qui a "[.] morcelé l'Ouest sauvage, à l'aide de fils barbelés, pour mieux le massacré."
Le récit est structuré par l'alternance des chapitres concernant son errance, et ceux consacrés au récit de l'attente de la naissance de son enfant. Rita et lui, après maintes hésitations de sa part, ont décidé d'avoir un enfant pour créer ce lien magique qui élève le couple au rang de famille.
C'est dans une cabane tapi au fond des bois, prés d'un fleuve, qu'ils se sont retirés du monde, Chris espérant y trouver la source d'inspiration propice à voir se réaliser son rêve d'être écrivain. Durant ses nombreuses promenades matinales il va méditer aux implications de sa future paternité, et à la manière dont il lui faudra répondre aux attentes du petit être, pour qu'il puisse s'épanouir au monde qui l'entoure.
Emmenant son fils, alors âgé de trois mois, dans une balade à travers les bois il dit ceci : "Je veux tout lui expliquer. Je veux lui dire ce qu'il faut faire, et plus important encore, ce qu'il ne faut pas faire. Je lui donne une feuille, qu'il goûte dans le plus grand calme. ll ne peut rien apprendre de mes erreurs, il ne peut apprendre que des siennes.", un peu plus loin : "Je pense à toutes les choses que je veux lui dire. Et je ne dis rien".
Un bon roman sur l'errance d'un homme en quête d'un signe susceptible d'insufflé un sens à sa vie, sur le sens de la paternité, de cette projection optimiste d'une partie de soi, vers un avenir que l'on souhaite meilleur, comme si cet acte était une tentative de concrétisé une immortalité de l'âme, un défit au temps et à ses lois naturelles.

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  Le fleuve et l'enfant [Texte imprimé] Chris Offutt trad. de l'américain par Anne Wicke

  de Offutt, Chris Wicke, Anne (Traducteur)
  Gallimard / Collection Folio.
  ISBN : 9782070417889 ; 2,98 € ; 31/01/2002 ; 375 p. ; Poche

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