Mrs Craddock de William Somerset Maugham
(Mrs Craddock)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Les désillusions du mariage
Un peu surprise que personne n'ait songé à critiquer Somerset Maugham, je me jette donc à l'eau avec l'un de mes favoris, écrit en 1902, Mrs Cradock. J'ai découvert cet auteur anglais assez tardivement, avec ses nouvelles, et depuis, enchantée par mes lectures, j'explore ses romans.
Cette Mrs Craddock, au début, pourrait immanquablement évoquer l'univers de Jane Austen, au moins dans la peinture de l'aristocratie de province, mais les relations hommes-femmes sont ô combien plus perverses et féroces que chez Jane Austen. C'est la passion qui pousse la jeune et belle Bertha Ley, issue de l'aristocratie, à épouser son métayer, Edouard Craddock, bravant les conventions et la désapprobation générale, et dont l'image forte et virile ne cesse de la hanter. Il n'est pas de son niveau social, et elle le sait, et ni de son niveau intellectuel, et cela, elle le découvrira à ses dépens. Contrairement à ce qu'elle redoutait, Edouard devient la coqueluche du voisinage, sa bonhommie joviale et son heureux caractère lui valant l'amitié de tous, tandis que sa jeune épouse est jugée hautaine et orgueilleuse. Hélas, Edouard Craddock s'inquiète plus du confort de ses vaches laitières que de sa ravissante épouse, préfère les opérettes à Mozart, ne lit que le journal local alors que Bertha est férue de littérature, et surtout, oppose son pragmatisme et son bon sens terrien au caractère fantasque et romantique de la jeune femme. Il faudra plusieurs années, et quelques drames (dont celui de la perte de leur bébé) pour que Bertha réalise toute l'étendue de son erreur. La passion de Bertha, pourtant tenace, finira par s'éteindre face à ce bloc d'indifférence qu'est devenu son mari, et leur vie, rythmée par d'amères désillusions et de nombreuses déconvenues, finira par sombrer dans la routine.
Maugham a trempé sa plume dans l'acide, certes, mais c'est avec finesse et sensibilité qu'il nous dépeint les illusions du mariage, et sa cruauté est toujours teintée d'un humour typiquement Brittish. Pour ma part, j'ai vraiment aimé ce roman, non seulement pour le sujet mais aussi pour l'écriture. Dans la plupart des oeuvres de Somerset Maugham, les hommes ont presque invariablement le mauvais rôle. Et l'auteur, qui était homosexuel (ceci expliquant cela), s'est glissé sans peine dans cette âme féminine, car il y a un peu de lui dans ses personnages féminins. Ici, il s'identifie volontiers à la tante, Miss Ley, femme riche et intelligente, dotée d'un jugement sûr et jamais avare de remarques acerbes et piquantes sur les relations humaines.
Un beau personnage de femme en tout cas, et un excellent roman que je conseille vivement.
Les éditions
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Mrs Craddock [Texte imprimé] W. Somerset Maugham
de Maugham, William Somerset Couturau, Paul (Traducteur)
Éd. du Rocher / Rocher littérature
ISBN : 9782268005812 ; 1,63 € ; 01/01/1988 ; 344 p. ; Broché -
Mrs Craddock de Somerset Maugham
de Maugham, William Somerset
le Livre de poche / Biblio romans
ISBN : 9782253932260 ; EUR 8,20 ; 01/11/1994 ; 309 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (4)
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C’était une autre époque
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 20 mars 2019
Bertha très romantique et nourrie d’une image qu’elle a de l’amour déchante assez vite face à la froideur et au caractère rustre de son conjoint. Ainsi, alors que ceux qui lui avaient déconseillé ce mariage semblent revenir sur leur point de vue compte tenu du sérieux de l’époux, Bertha désespère de ce mari sans finesse et qui lui porte peu d’attention.
Cette œuvre de jeunesse de l’auteur est écrite dans un style qu’on attendrait d’un roman du 19ème siècle, soit du Flaubert épuré ou du Stendhal lissé tout en y apportant un ton ironique sur l’institution du mariage.
Ce roman souffre manifestement de son manque d’actualisation et reste rédigé dans un style, certes assez facile, mais tout de même un peu désuet.
D’autres romans de cet auteur qui a marqué son époque de son vivant mériteront peut-être une critique plus élogieuse.
Eau de rose ?
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 15 décembre 2016
Dans une ambiance toute victorienne Bertha Ley épouse son métayer dont elle s'est éprise.
Mr Craddock est un homme robuste et simple mais peu à peu le jeune couple glisse vers l'incompréhension que génèrent leurs différences.
Au début du livre une odeur de bibliothèque rose envahit le lecteur. Quelques jolies descriptions en plus, des analyses fouillées et puis l'histoire commence à donner la véritable vision du roman.
J'ai aussi pensé à Madame Bovary mais en version plus british, avec une odeur de thé au lait, et des scrupules encore plus envahissants.
Ecrit en 1900, le manuscrit donna des frissons aux éditeurs. Il fallut deux ans de négociations et le retrait de passages jugés choquants (mais qui feraient rire aux larmes un enfants de 12 ans de nos jours), pour que le texte amputé parût. Un succès considérable l'attendait.
Il se lit encore, plus d'un siècle plus tard avec délice.
Le bonheur de Bertha...
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 4 août 2013
Le personnage de Bertha en est un des plus intéressants qu’il m’ait été donné de rencontrer à date. Elle ne va pas sans me rappeler Emma Bovary ou Thérèse Desqueyroux. Passionnée au début de son mariage, ne pouvant vivre un seul instant sans son époux qu’elle adore, Bertha connaîtra les désenchantements de vivre avec un homme qui ne possède ni sa culture ni sa sensibilité mais qui est un homme simple, n’aspirant qu’à vivre une vie conventionnelle et confortable avec une épouse soumise et aimante qui remplit son devoir envers lui avec joie et obéissance. Mais Bertha n’arrivera jamais à correspondre à cet idéal féminin de son époque pour son plus grand malheur. Elle ne tardera pas à réaliser que son mariage est devenu pour elle une prison abjecte et fera tout pour y échapper. Mais tel un oiseau battant furieusement des ailes contres les barreaux de sa cage, Bertha y laissera des plumes et s’éteindra tranquillement, laissant croire à son entourage que la maturité venant, le bonheur simple lui suffit.
Roman terrible, bouleversant dont la fin est d’une cruauté et d’une dureté sans nom.
« Bertha s’efforçait cependant de réprimer les sarcasmes qui lui montaient constamment aux lèvres. Elle chérissait au plus profond de son cœur la colère et la haine que son époux engendrait en elle, considérant comme une satisfaction le fait d’être enfin libérée de son amour. Quand elle se tournait vers son passé, elle constatait que les chaînes qui l’avaient entravée jusqu’alors lui étaient devenues intolérables. Et elle savourait sa vengeance en dépouillant son idole de son manteau d’hermine, de sa couronne et de tous les ornements de sa souveraineté. Dans sa nudité, Edward lui apparaissait pitoyable. »
Les désillusions du mariage ...
Critique de Brunissende (, Inscrite le 14 février 2006, 52 ans) - 16 février 2006
C'est mon premier Somerset Maugham et je ne suis pas déçue.
Ce qui pourrait au départ être lu comme un roman à l'au de rose lambda par un lecteur non perméable à l'ironie, s'avère en réalité un joli récit acide sur le mariage et les illusions engendrées par la passion.
C'est un livre très sympathique, de lecture agréable, un récit sans drames et sans tourbillons littéraires, qui permet de passer un bon moment.
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