Les amateurs de Brecht Evens
(Die liefhebbers)
Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers
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L’art pour tous (ou quand les nains deviennent des géants)
Un prof d’arts plastiques se voit proposer de prendre la tête d’ un projet artistique « in situ » dans le cadre d’un festival dans la campagne flamande. Les participants se révèlent des êtres plus ou moins inadaptés socialement… pourtant tous vont vivre une expérience aussi catastrophique qu’extraordinaire…
Comment juger un tel OGNI (objet graphique non identifié) et par quel bout le prendre, nom d’un petit homme vert !? C’est une sorte de mélange entre le livre pour enfants et le conte philosophique, dans lequel l’auteur décide de massacrer (presque) tous les codes du 9ème art. L’objet est assez plaisant mais totalement hybride, on a parfois l’impression de regarder un livre d’art naïf avec des aquarelles pleine page insérées aléatoirement au fil de l’histoire. La seule chose qui rappelle la BD est qu’on a bien affaire à une « juxtaposition d’images fixes en séquences » (ou « art séquentiel ») selon l’expression de Scott Mc Cloud (« L’Art invisible »). L’auteur ne s’est évidemment pas donné la peine de mettre ses dessins en boîtes (non, ses boîtes à lui sont dans l’histoire, il a l’air vraiment fasciné par les boites !), je veux dire en cases, préférant la jouer « no limit ».
Et puis il y a même une histoire aussi, et même si j’ai un peu pris peur au début, je me suis finalement laissé prendre au jeu. En fait, Brecht Evens nous raconte un projet un peu bancal réunissant une bande de bras cassés qui a priori n’ont rien à voir les uns avec les autres. De cette rencontre improbable va naître une étrange alchimie qui va finir par galvaniser les esprits, avec tous les problèmes d’égo que cela peut engendrer, pour donner au final une œuvre monumentale des plus inattendues…
Dire que j’ai adoré serait exagéré, mais je dois admettre l’audace de l’entreprise. En fin de compte, je ressors assez partagé. Par exemple, j’ai plutôt bien apprécié les « tableaux » pleine page aux couleurs magnifiques, qui dégagent une vraie magie, naviguant entre le post-hypo-naïf et le néo-exo-impressionniste, à moins que ce ne soit du pseudo-péri-pointillisme (ne cherchez pas ce que ça veut dire, c’est moi qui ai inventé ça...). D’autres fois, j’ai trouvé ça au mieux sans intérêt et au pire rebutant, avec cette vague impression (un peu agaçante) que l’artiste, un rien feignasse, a abstractisé une bonne part de ses délires à l’aide une truelle (et des couleurs parfois criardes aussi), une façon peut-être de souligner qu’on a bien affaire à un objet anticonformiste…. et « amateur » ! Cet ouvrage est, vous l’aurez compris, plein de paradoxes, un peu comme si Evens se jouait constamment du lecteur et cherchait à titiller son approche de l’art et à démasquer le snob qui sommeille en lui. Même les dialogues, simplistes voire nunuches, vont parfois côtoyer l’absurde…
A relire peut-être pour en apprécier toutes les subtilités. Une chose est sûre, ceci devrait attirer les amateurs d’art et ceux qui aiment l’inédit.
Les éditions
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Les amateurs [Texte imprimé] Brecht Evens traduit du néerlandais par Vaidehi Nota et Boris Boublil
de Evens, Brecht
Actes Sud / Actes Sud BD
ISBN : 9782330002596 ; 26,80 € ; 09/11/2011 ; 120 p. ; Album
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Un artiste dans la campagne
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 1 avril 2015
Sous son apparence scénaristique plus lisible que son premier album Les Noceurs, le flamand Brecht Evens parvient cependant, avec Les Amateurs, de nouveau, à nous interpeller : son personnage central, Pieterjan se moque-t-il de ses camarades et de leur sûreté de goût en leur proposant de construire un nain de jardin géant en papier mâché ? Ou bien Brecht Evens nous dit-il au contraire que l’art est une activité qu’il ne faut pas prendre au sérieux et que l’important est de s’amuser ?
On ne peut nier en tout cas que Brecht Evens manifeste une certaine tendresse envers les personnes loufoques, mais parfois irritants, qui gravitent autour de Pieterjan. Celui-ci nous apparaît quant à lui plus ou moins sympathique, car il ne se gêne pas pour malmener les membres de la communauté afin de leur inculquer un peu de professionnalisme. Tout cela donne un ton assez décalé, donnant à ce rassemblement d'artistes un air de centre de vacances assez cocasse.
L’esthétique de Brecht Evens reprend les fondamentaux des Noceurs, utilisant toutes les nuances de l'aquarelle, donnant à la couleur une place centrale dans la narration. C’est une esthétique de la forme et de l’informe, un graphisme parfois même rebutant (je reprends le mot que Blue Boy a utilisé dans sa critique car il est très juste) serait-on parfois tenté de dire, mais qui nous vaut encore paradoxalement des planches étonnamment sensibles, intenses et d’une grande expressivité.
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