Gustave Cuneo d'Ornano : Le dernier bonapartiste charentais de Jean-Louis Berthet

Gustave Cuneo d'Ornano : Le dernier bonapartiste charentais de Jean-Louis Berthet

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par JulesRomans, le 1 décembre 2013 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 66 ans)
La note : 8 étoiles
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Dans le jeu des familles d’Ornano je demande Gustave le Charentais dans les Cueno

Antoine-François est né en 1759 puis mort en 1840. Sa carrière militaire commença par la guerre en Amérique débouchant sur la création des USA et se termina en 1816. Peu avant à Antibes en mars 1815, en tant que responsable de la garnison, il avait emprisonné les soldats qui lui demandaient de se rallier à Napoléon qui venait de débarquer. Contrairement à ce qui est parfois écrit (ailleurs qu’ici, mais page 63 une phrase peut s’interpréter dans ce sens) il n’est pas parent avec Isabelle Bonaparte qui est une tante du futur empereur des Français. Cette dernière épouse Ludovic d’Ornano et est la mère du général Philippe Antoine d’Ornano qui se maria avec Marie Waleska l’amante polonaise de Napoléon ; de cette union descend Michel d’Ornano maire de Deauville jusqu’à ce qu’il soit un candidat malheureux à la mairie de Paris contre Jacques Chirac. Parmi les autres familles d’Ornano, on a aussi celle qui donna des généraux à Henri II et Louis XIII ; un drame familial qui les a concernés a fait l’objet d’un opéra d’Henri Tomasi intitulé "Sampiero Corso".

Jean-François Cuneo d’Ornano eut onze enfants entre 1742 et 1760 avec Marie-Catherine Centurionne, parmi ceux-ci Antoine-François ; la France les a reconnu comme appartenant à la noblesse avec le titre de marquis pour l'aîné de la famille. Ce dernier prend sa retraite en Italie et son fils François part le rejoindre à Rome en 1820, il a auparavant servi dans les armées impériales de juin 1813 à avril 1814, et a été employé à la préfecture de la Seine. De manière presque concomitante le pape chassé de ses états rentre à Rome et le prince Louis-Napoléon est élu président de la République française. François Cuneo d’Ornano se rend seul à Paris en 1853 puis en 1855 il part avec sa famille pour la France mais il la laisse en province. Dans la capitale, on ne lui ouvre pas un boulevard (sic) et si l’auteur se demande bien pourquoi nous pensons l’avoir deviné. Il est fort possible que l’attitude de son père à Antibes le desserve en vue de l’obtention d’un emploi public auquel il aspire et que lui ne semble pas avoir pris une part très active aux combats en faveur de Napoléon Ier sous les Cent-Jours.

Jean-Louis Berthet va nous conter comment son fils Gustave (né en 1845) proche de Gambetta avant 1870, va devenir parlementaire de la Charente et le rester non de 1870 à 1906 comme le dit le dos du livre mais de 1876 à 1906 (date de sa mort). Trois pistes s’ouvrent pour l’explication, tout d’abord le fait qu’il porte en horreur les communards, un sincère attachement à la religion catholique respectée dans l’ensemble du camp conservateur et farouchement attaquée par une partie des républicains et enfin le fait qu’il va se trouver prendre des responsabilités dans la presse bonapartiste.

Jusqu’en 1879, date de la mort du fils de Napoléon III, celle-ci compte de nombreux lecteurs et un journal propre dans pratiquement chaque département. Par la suite le mouvement qui désirait voir un Bonaparte revenir à la tête de l’état se divise entre d’un côté plébiscitaires laïcs et acceptant la république et de l’autre impérialistes catholiques et d’une manière générale socialement conservateurs. Gustave Cueno d’Ornano est parmi ces derniers restés quasiment seuls présents sur la scène politique, même s’il accepte la république et si son principal souci est localement de défendre l’agriculture et en particulier le vignoble qui donne le cognac. Il désirait conserver le régime républicain à la condition qu'il devienne démocratique et plébiscitaire, c'est-à-dire soumise au référendum national.

Ce livre vient rappeler que des îlots furent complètement rétifs aux opportunistes dont Jules Ferry fut le chef. Des départements comme la Charente, la Charente-Inférieure, le Gers et la Corse passèrent directement du bonapartisme au radicalisme. Ici et là une circonscription d'un département comme la Nièvre, l’Oise, le Pas-de-Calais, la Dordogne, le Tarn-et-Garonne (département créé par Napoléon Ier en 1812), l’Orne ou la Vienne résistèrent dans leur acceptation de la république.Pour connaître la représentation parlementaire des bonapartistes entre 1885 et 1900 on lira le chapitre V de "Politique et poids du passé dans la France fin de siècle" paru aux presses universitaires de Limoges en 1998.

Le mouvement boulangiste profita de ce terreau et après son échec, certains notables cessèrent de se revendiquer d’un régime plébiscitaire pour se fondre dans l’univers conservateur comme Armand de Mackau dans l’Orne. Gaëtan de Royer dans un très intéressant article "Au coeur du mouvement bonapartiste durant l’épisode boulangiste:le témoignage de Clément de Royer, représentant personnel du prince Victor" que nous avons personnellement trouvé montre comment le bonapartisme fut emporté dans la vague qui balaya le boulangisme :

« Conscient des limites de l’intransigeance impérialiste et de l’union conservatrice, le prince Victor décide d’adopter clairement l’étiquette plébiscitaire, plus à gauche, pour souligner l’attachement qu’il accorde désormais à la volonté nationale, devant la volonté dynastique ; en1893, il reconnaît implicitement le régime républicain. Mais ce repositionnement intervient à contretemps : trop tard pour l’électorat – 13 députés seulement sont élus en 1893 -, et trop tôt pour les notables du parti, majoritairement issus d’une époque révolue ».

Certains parlementaires bonapartistes de la Belle Époque avaient commencé comme candidat officiel sous le Second Empire comme Jean-Marie Georges Girard de Soubeyran qui est réélu, sans interruption de 1863 à 1893, député de la Vienne pour le Loudunais et des cantons voisins de cette petite région. Ce dernier était d’ailleurs le petit-fils de René Savary ministre de la police de 1810 à 1814 (il succède à Fouchet) et de Félicé de Faudoas une créole qui avait été une amie d’enfance à Paris d’Hortense de Beauharnais.

En de nombreuses occasions, l’auteur nous explique que les idées constitutionnelles de Gustave Cueno d’Ornano sont en partie reprises dans les textes qui depuis 1959 et 1962 (élection du président au suffrage universel) servent de socle au régime de la Ve République. On peut regretter que cet ouvrage ne nous propose pas, à côté de ses photographies du personnage, de reproduction d’une première page ou d’un dessin d’humour d’un des journaux dans lequel a écrit notre personnage. Quitte à ne nous offrir qu’une seule illustration, il aurait pu nous présenter cette affiche publicitaire de Jules Chéret destinée à promouvoir l’achat du "Petit Caporal" ; elle évoque le style de Job et on peut la voir là

http://opac.lesartsdecoratifs.fr/fiche/…

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