La Libellule de ses huit ans de Martin Page
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Une ironie douce comme un couteau
« Avec un acharnement désinvolte qui n’allait pas sans de petites souffrances et un peu d'angoisse, elle s’entraînait à la réalité comme à un sport de compétition. Même si elle manquait d'abdominaux sociaux, la plupart du temps elle réussissait les exercices nécessaires à une existence paisible. » Elle, c’est Fio, l'héroïne du dernier roman de Martin Page. Fio Regale, une sorte d’Amélie Poulain en négatif, une marginale géniale, une artiste de l'escroquerie et du pinceau qui a eu la chance de vivre une enfance malheureuse : ça fait bien dans une bio.
Elle vit à Belleville dans un appartement où loge aussi Pelam, le caméléon que, bien sûr, elle ne voit jamais. Les autres logements de l’immeuble sont habités en alternance par Zora, l’amie qui déteste tout le monde sauf Fio, et ça pourrait donner à l'histoire des côtés « Thelma et Louise » si Fio suivait Zora ailleurs qu'à la crêperie voisine ; si elle l'accompagnait dans ses grandes entreprises anarchistes, médiatiques et dangereuses. Mais Fio a autre chose à faire : elle escroque et elle peint. Si bien qu'un jour, sa peinture est remarquée par Ambrose Abercombrie, le découvreur de talents, qui décide de faire d'elle la coqueluche du tout Paris. Une exposition est mise sur pied, une polémique lancée : le mythe Fio Regale est en marche. Résistera-t-elle à la pression, la jeune fille pure dont la figure personnelle s’incarne en cette libellule qu’un jour d’orage, quand elle avait huit ans, elle vit imprudemment s’envoler vers le ciel tandis que toute l’eau du déluge se préparait à inonder la terre ?
On retrouve dans « La libellule de ses huit ans » les éléments qui avaient charmé les lecteurs de « Comment je suis devenu stupide » : un mélange d'extrême classicisme du style et d'inventivité surréaliste, une marginalité sans tapage et ce pessimisme souriant qui est souvent la marque des plus grands. Depuis le succès de son premier roman, Martin Page a côtoyé ces beaux esprits qui flairent le jeune talent, font commerce de l’art, encensent et décrient, bref parisianisent. Il nous livre une satire particulièrement acide de ces cocktails mondains où les esprits purs se sentent vite étouffés, et l’on ne peut s'empêcher de penser que la peinture est une métaphore de la littérature.
Et puis, le regard Martin Page. Cet art de regarder vraiment les choses, avec fraîcheur, comme un enfant doit les voir, comme un petit prince égaré au pays des businessmen est seul capable d'observer les roses. « Parmi les millions d’appartements de la ville, la clé de Fio n’en ouvrait qu’un seul, et elle devait à un inexplicable coup de chance que ce fût justement le sien. » « Au tableau, on lui apprit combien font sept fois six, que la capitale de l’Islande est Reykjavík, que l'eau est H2O ; dans la cour de récréation, elle apprit qu’un est contre tous, que la capitale de la vie est la mort, que la sueur est la formule chimique de la peur. » C’est surtout ça, la magie Martin Page. Une magie qui agit surtout au début du roman – et c’est alors un véritable émerveillement -, un peu moins ensuite : est-elle moins présente ? Ou est-ce le lecteur qui s'habitue, qui se mithridatise ? Pour le savoir, lisez « La libellule de ses huit ans » en sachant au préalable, comme dirait Christophe Spielberger, « jeter vos vieux yeux ».
Les éditions
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La libellule de ses huit ans [Texte imprimé] Martin Page
de Page, Martin
le Dilettante
ISBN : 9782842630683 ; 16,00 € ; 03/02/2003 ; 250 p. ; Broché -
La libellule de ses huit ans [Texte imprimé] Martin Page
de Page, Martin
J'ai lu / J'ai lu
ISBN : 9782290336007 ; 4,50 € ; 01/08/2004 ; 158 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (2)
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Fio
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 18 mars 2014
Martin Page nous conte l’histoire d’une note, d’une nuance ; d’un personnage verlainien qui ne « pèse ni ne pose », une plume balancée dans le froid. Fio ou celle que l’on a cru apercevoir.
Voici ce qui est dit sur le site de l'auteur à propos de ce roman à part. Pourquoi à part? Car peu courant de par ses qualités littéraires, son style léger comme une brise. Il y règne une sorte de poésie douce amère. Son personnage central, Fio, être insaisissable se laisse cueillir comme un doux songe. Est-elle réelle, imaginaire? A-t-elle réellement vécu ou est-ce ce monde qui ne pourrait vivre sans Fio, mystère.
Martin Page, un auteur original à découvrir.
Le sourire de Fio
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 12 septembre 2004
Quelques années plus tard, on retrouve une jeune femme tout ce qu'il y a de plus normale : des études de droit; un appartement rue de Belleville; une propriétaire,ex top-model excentrique et misanthrope devenue sa meilleure amie. Fio a même découvert un moyen pas très honnête pour gagner sa vie. Envoyant des lettres anonymes au hasard, elle réclame des rançons aux gens pour de pseudo-secrets cachés. Afin de ne pas éveiller les soupçons lors de la réception des rançons, elle peint dans des parcs. Un jour elle se fera repérer par le grand critique d'art Ambrose Ambercombrie qui va en faire son nouveau poulain. Devenue une "star" de l'art contemporain bien malgré elle, Fio va faire connaissance avec la société mondaine. Une société creuse préoccupée par l'apparence et le mensonge, obnubilée par de dérisoires luttes intestines . Autant dire que Fio, jeune fille simple et lunatique ne saura pas se reconnaître dans cet étrange milieu.
On retrouve avec plaisir, chez Martin Page, ce mélange à la fois de drôlerie et de justesse qui étaient présents dans ses deux précédents romans. Avec cet auteur, l'imaginaire est au pouvoir. Mais le ton a ici un peu changé. L'auteur se veut plus virulent, composant une véritable satire sociale du milieu artistique et de la vie mondaine. Avec ce personnage exceptionnel qu'est Fio, Martin Page prône un retour vers des émotions simples, des choses simples, vers la vraie vie,...
Et toujours aussi , chez Martin Page, ce sens exacerbé de la métaphore et de la formule. Pour terminer, je ne résiste d'ailleurs pas à vous faire part de cet extrait : " Adèle (La mère de Fio), constatant qu'elle avait des dons pour le professorat, continua à apprendre aux riches que les pauvres existent, et avec un grand souci d'éducation, allégea plusieurs banques de leur graisse aurifère par des séances de liposuccion de billets. La police lui reprocha de ne pas avoir de diplôme de professeur pour exercer son nouveau métier; elle la pourchassa pour ce manque d'éducation. C'est ainsi que le papa de Fio, qui ne s'appelait alors qu'Henry, rencontra Adèle....." .
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