11 novembre: Du souvenir à la mémoire de Rémi Dalisson
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Il revient à ma mémoire des souvenirs familiers
Voici un livre qui propose l’histoire du 11 novembre comme fête française nationale chômée. Il devient une journée "de commémoration de la Grande Guerre et de tous les morts pour la France" par la loi du 20 février 2012. Alors que le 8 mai en France ne fut chômé qu'entre 1953 et 1959 et depuis 1981, le 11 novembre l’a été sans discontinuité depuis sa création. La loi du 24 octobre 1922 a fait ce jour férié pour la "commémoration de la victoire et de la Paix".
Toutefois comme fête légale, symbolisant la victoire française dans la Première Guerre, nous aurions pu avoir celle d'un début septembre qui commémore la victoire de la Première bataille de la Marne. En effet depuis 1915, avec comme figure individuelle Charles Péguy mort le 5 septembre 1914 à Villeroy, des cérémonies officielles ont lieu où la minute de silence est introduite en 1916 (page 39).
Par ailleurs la loi du 24 juin 1920 promulguée par le président Paul Deschanel dispose que la République française célèbre annuellement la fête de Jeanne d'Arc et du patriotisme, le deuxième dimanche de mai en mémoire de l’anniversaire de la délivrance d'Orléans le 8 mai 1429. Notons que cette loi (jamais abrogée, d'où obligation de pavoiser) est votée à l’initiative de Barrès député nationaliste lorrain (1889-1893) puis parisien (1906 à 1923) et de Léon Daudet de l’Action française à la courte carrière de parlementaire (1919-1924).
Toutefois Jeanne d'Arc est canonisée en 1920, et Pie XI la proclame même sainte patronne secondaire de la France le 2 mars 1922, cela obture totalement la perspective de voir Jeanne d’Arc porter une fête nationale de la République française. Notons qu’auparavant l’ensemble de la gauche la portait dans son cœur rappelant qu’elle avait été trahie par son roi et condamnée par un tribunal d’Église. Le 11 novembre était d’ailleurs traditionnellement la fête de Saint-Martin et près de son tombeau à Tours, une plaque signée du maréchal Foch rend grâce à Dieu pour la victoire de 1918.
En huit chapitres l’auteur montre l’évolution qu’a connue cette cérémonie. Dans l’Entre-deux-guerres, bien que tous les Français lui accordent un mérite (mais pas le même), elle est assez souvent suivie dans les grandes villes (Marseille se faisant très remarquer) ou la banlieue parisienne par des manifestations hostiles envers la République (venant des deux extrêmes) quand ce n’est pas des heurts entre militants communistes et activistes de l'Action française ou des Croix-de-feu.
Si la série télévisée "Un village français" par ricochet a remis en honneur le 11 novembre 1943 à Oyonnax, Rémi Dalisson est là pour rappeler que dans de nombreuses autres communes dont Grenoble (auprès du monument aux Diables bleus) des gestes de défi à l’occupant allemand se manifestèrent. Les autorités de Vichy continuent à célébrer le 11 novembre dans la zone libre; celle-ci étant envahie également à partir du 11 novembre 1942, on voit que le gouvernement de Pétain, et Laval en particulier inciter en 1943 à évoquer les morts de 1914-1918 le 1er novembre.
À partir des années (et pour longtemps) qui suivent la mort du maréchal Pétain, avant chaque célébration de la fin de la Première Guerre mondiale, un secteur de l’opinion réclame le transfert de ses cendres à Douaumont. Le tennisman Jean Borotra (commissaire général à l’Éducation générale et aux Sports de juillet 1940 à avril 1942 ) est alors en première ligne dans ces demandes rituelles comme il le fut au sens propre de 1916 à 1918. Les années soixante sont celles où on voit plusieurs poilus être saisis par la mort en pleine cérémonie.
Les dernières années du septennat de Giscard d’Estaing ont la particularité de montrer des associations d’anciens combattants qui boycottent (sic) les cérémonies du 11 novembre pour protester du triste sort que ce dernier entend faire du 8 mai. Les célébrations sous Mitterrand sont qualifiées de retour à la tradition.
Voilà qu'à partir de 1995 on assiste à un éclatement mémoriel dont les hommages aux fusillés pour l’exemple (mutins ou pas) sont l’exemple le plus frappant. Rémi Dalisson détaille le contenu de la loi du 20 février 2012 et s’interroge sur ses conséquences à venir. Si rendre aux morts de la Grande Guerre fait l’unanimité, célébrer ce jour-là (comme nous invite le législateur) ceux qui sont tombés dans les conflits de la décolonisation ou dans les interventions armées récentes peut poser problème. La signification du 11 novembre se balance aujourd’hui « entre bellicisme ou pacifisme, glorification de l’armée ou redéfinition de sa fonction » (page 242).
Armand Colin a gardé l’habitude fournir des index de lieux et de personnes cités, il faut l’en remercier. Ceux qui voudront rechercher si dans une commune de leur choix, les cérémonies du 11 novembre ont eu une année un aspect particulier, s’en réjouiront.
Les éditions
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11 Novembre: Du Souvenir à la Mémoire
de Dalisson, Rémi
A. Colin
ISBN : 9782200277871 ; 22,90 € ; 25/09/2013 ; 312 p. ; Broché
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