Un chien mort après lui de Jean Rolin
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Demain les chiens?
En exergue:
Dans son livre, Le Mythe de l'homme, Bounce demande : Si l'Homme avait suivi une autre route, n'aurait-il pas pu, avec le temps, connaître un aussi grand destin que le chien?
Clifford D. Simak Demain les chiens
Dès le premier chapitre ( est-ce la motivation de cet ouvrage, on n'en sait rien, si on sait que les récits divers portent sur une douzaine d'années, c'est difficile d'en connaître la chronologie, mais c'est possible , parce qu'il situe cette première histoire dans les dernières années du XX ème siècle), l'auteur se fait attaquer par un chien au Turkménistan..
On le retrouve tout de suite après en 2006, écrivant une lettre à un photographe tanzanien, John Kiyaka, auteur de la photo de couverture dans l'édition Folio et demandant des détails sur la présence de chiens féraux en Afrique. Et comme il n'a pas d'autre support d'écriture, il le fait sur la page de garde d'un livre qu'il lit, de Philip Gourevitch sur le génocide rwandais, intitulé "Nous avons le plaisir de vous informer que demain, nous serons tués avec nos familles". Quel titre... Occasion de se souvenir que ce même Gourevitch avait été surpris, au Rwanda, de l'absence presque totale de chiens. Abattus, en effet, car ils dévoraient les morts..
Je m'arrête tout de suite, car tout cela est énoncé sur quelques pages seulement, et le reste est à l'avenant. Alors je comprends très bien que ce livre puisse sembler indigeste, tant il fourmille de détails jetés au fil de chapitres que l'on peut relier à des présences ( dans quel but?) dans des pays différents, et à un thème commun, ces fameux chiens errants.
C'est un livre que j'ai lu lentement, chapitre après chapitre, je ne suis pas certaine que j'aurais été capable de le lire d'une traite sans accuser très vite une sensation de trop , ou de pas assez, ou même d'ennui. Comme quand quelqu'un vous raconte ses histoires de voyage, ou de guerre, que ça fourmille de détails, mais que vous, vous êtes tellement en dehors , et lui, tellement encore dedans.
Seulement, déjà il y a le style, l'écriture et la façon, dans chaque chapitre-tableau , de faire apparaitre ces chiens comme s'ils surgissaient soudain, sans prévenir ,et je connais un peu, où j'habite , le problème des chiens errants est loin d'être résolu . Les chiens errent moins que le lecteur, d'ailleurs, à la poursuite de l'écrivain , eux sont implantés dans tous les lieux où il évolue , on les sent à l'affût , pas loin des hommes,et généralement les hommes pas les mieux lotis par la vie, leur but est d'ailleurs le même, survivre.
Errance géographique, donc, et errance littéraire. Dans tous les livres lus ( ou relus pour l'occasion?) Rolin a relevé, traqué des histoires de chien. Et ses souvenirs littéraires parsèment les récits, donnant lieu d'ailleurs à quelques notations assez drôles ( il est toujours aussi ironique envers lui-même!). Bien sûr, parmi les nombreux écrivains cités, on retrouve Flaubert :
«Parmi les auteurs français qui au XIXème ont sacrifié au rite du voyage en Orient, et qui tous ont écrit sur les chiens errants, peu l’ont fait avec autant d’insistance que Flaubert.»
Et l'idée de Jean Rolin:
J'avais formé le projet de réaliser un film muet , composé uniquement de longs plans fixes, intitulé Gustave Flaubert chasse le chien au Caire. Tel que je me le représentais, ce film était appelé à ne toucher qu'un rare public ..Ah, vraiment? :)
Ou encore cette histoire en Australie de la découverte d'un bélier mort , soi-disant victime d'un chien sauvage ou d'un dingo. Mais… fin observateur , Jean Rolin note que le reste du troupeau n'a pas l'air effrayé d'une part, et qu'en plus , l'abdomen du bélier est très dilaté. Quel rapport? Et bien si.. Car là, eurêka, Jean Rolin dont les connaissances en bétail sont assez limitées, il le reconnait , a des souvenirs littéraires par contre très précis. Et dans un roman de Thomas Hardy, Loin de la foule déchaînée , des moutons présentaient le même symptôme et avaient été sauvés par l'héroïne, Bathseba..
Pour Rolin, même diagnostic, le bélier est mort de maladie et non d'une attaque canine. CQFD, j'imagine l'oeil de l'éleveur s'il a développé sa théorie…
Et enfin, où veut-il en venir.. je n'en sais rien non plus, en fait , ce qu'il me raconte me fascine par la façon dont il le fait, et c'est suffisant. Il parle de la vie, de la survie, des hommes, des chiens et de tout ce qui les entoure, c'est vaste!
Et si, citant Malaparte, il écrit:
Il n'y a pas de voix humaine qui puisse égaler celle des chiens dans l'expression de la douleur universelle. Aucune musique, pas même la plus pure, ne parvient à exprimer la douleur du monde aussi bien que la voix des chiens.
il en revient quand même toujours à l'homme, citant Vassili Grossman dans Carnets de guerre, dans une scène qui, pour lui, manque quand même de chiens(!!) sa visite éclair à la propriété de Tolstoï, en pleine débâcle de l'Armée rouge:
Sortant de la maison, Grossman se dirige alors vers le jardin , vers la tombe de Tolstoï: " Au-dessus d'elle les avions de chasse hurlent, les explosions sifflent. Et cet automne majestueux et calme. Comme c'est dur. J'ai rarement ressenti une douleur pareille."
Mais aucune voix de chien ne vient exprimer cette douleur mieux que la voix humaine ne saurait le faire.
Les éditions
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Un chien mort après lui [Texte imprimé] Jean Rolin
de Rolin, Jean
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070420636 ; 2,98 € ; 07/05/2010 ; 320 p. ; Poche
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