Paludes de André Gide
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Peut-on imaginer Tityre heureux?
Petit livre étrange paru en 1920 qui s’écrit pendant le temps où on le lit, chose d'ordinaire inconcevable qui nous fait aussi bien dire que ce livre qu’on a lu n’a pas existé. D’ailleurs, à la fin l'auteur en commence un autre : Polders. C’est l’occasion pour Gide d'interroger notre existence à travers celle médiocre de Tityre, d’après Virgile, qui trouve plaisir à contempler son jardin marécageux. L'impossibilité inhérente à cet ouvrage tient peut-être au fait qu’on ne peut s'imaginer Tityre heureux.
« Tous nos actes sont si connus qu'un suppléant pourrait les faire et, répétant nos mots d’hier, former nos phrases de demain. » remarque l'auteur. C'est donc moins une vie médiocre que par trop prévisible que notre narrateur entreprend de questionner.
Sommes-nous à jamais comptables de nos actes, ne pouvons-nous pas poser des actions qu’on n'aurait plus à assumer ensuite ? Ou exprimé dans les termes mêmes de Gide :« Ne pourrons-nous jamais poser rien hors du temps que nous ne soyons pas obligés de refaire ? »
C'est tout le problème de l'acte gratuit réactivé ici sur un mode léger, doux-amer. L'auteur parle du livre qu’il écrit à ses amis et connaissances et celui qu'ils s'imaginent, les commentaires et interprétations qu'ils en font, s’intègrent dans ce livre à écrire, ce work in progress dont le principe est à la base de plusieurs romans modernes.
Le narrateur prête une attention presque maniaque à ses faits et gestes ; il note ses obligations futures de façon justement à déjouer l'ordinaire de sa vie quitte à se réjouir d'un "imprévu négatif".
Ironie de l’histoire en question, l'existence aventureuse que prône l’auteur sera prise au pied de la lettre par l'un de ses amis. Quant à l'auteur, il reste sur le carreau de la vie à faire briller sa petite surface de quant-à-soi. Mais il peut désormais passer à l'écriture d’un autre ouvrage car sa leçon a porté : il n’a pas écrit en vain Paludes.
Les éditions
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Paludes [Texte imprimé] André Gide
de Gide, André
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070364367 ; 5,70 € ; 06/09/1973 ; 160 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (3)
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C'est le public qui révèle les oeuvres...
Critique de Cuné (, Inscrite le 16 février 2004, 57 ans) - 22 mars 2005
Tout ça parait facile à lire, de prime abord compréhensible au tout premier degré, et pourtant j'ai relu de grands passages plusieurs fois en échappant souvent la finalité, et ce, malgré l'usage intensif de mon dictionnaire devant les nombreux mots inconnus....
Le narrateur écrit Paludes, dans lequel il parle de Tityre, sorte de non-héros contemplatif et content de son sort. En parallèle, mais en même temps toujours à l'intérieur, il voit ses amis et disserte, noircit son agenda, et tente de partir en voyage. Son agenda est symptomatique de sa vision de l'idiosyncrasie, il vous faudra le lire pour vous délecter de ces idées de génie !!
Poirot-Delpech parlait de «traité narquois de la velléité et du fiasco» pour Paludes, c'est exactement ça.
Je n'ai pas eu de révélation en entrant ainsi par Paludes dans l'univers de Gide, je ne peux pas dire que j'ai plus apprécié que ça, que ça s'adressait à moi, mais une chose est sûre, j'ai été dûement impressionnée, et je n'en resterai pas là avec Gide.
Heureux, Tityre?
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 23 mai 2003
Car ce récit est celui de l'inassouvissement, de l’impuissance. Tityre le velléitaire entreprend d’écrire « Paludes » au début du livre ; à la fin, il abandonne ce projet pour en commencer un autre qui n'en est que le clone : « Polders ». Dans les deux cas il y a enlisement. Tityre s’embourbe dans des illusions qu'il prend pour des projets, des gribouillis qu'il prend pour de l’écriture, des distractions qu’il prend pour de l'action.
Tityre, navrant derviche tourneur des lettres, reclus sans gloire, vertueux par impuissance ou par manque d’imagination, tend depuis un siècle un miroir à ceux qui espèrent plutôt que de vouloir, à ceux qui croient que l'univers n'est pas, comme l’écrivait Joyce, dans une coquille de noix, mais dans le dé à coudre de leur nombril qu'ils passent le plus clair de leur temps à se gratter d’un doigt pensif en se disant qu’il en sortira toujours quelque chose.
Merci, Kinbote!
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 21 mai 2003
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