Les somnambules de Christopher Clark

Les somnambules de Christopher Clark

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par JulesRomans, le 28 octobre 2013 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 66 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 093ème position).
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Défaites une organisation de l’Empire, sinon faites la guerre

Du 14 janvier 1912 au 21 janvier 1913 Raymond Poincaré est Président du Conseil (comprendre Premier ministre) et nous sommes au moment où se déroule la Première Guerre balkanique. La Serbie a poussé à cette occasion ses pions, un peu loin sur les bords de l’Adriatique, au goût de l’Autriche-Hongrie. Raymond Poincaré assure que si cette dernière menace la Serbie et que la Russie se déclarant sa protectrice, un conflit généralisé en découlait alors la France entrerait dans cette guerre aux côtés de la Russie.

L’Autriche-Hongrie a très mal dirigé le nouvel ordre balkanique issu de la paix de 1913 avec le traité de Bucarest. Certes elle a évité à la Serbie un accès à la mer, contenu les appétits du Monténégro en imposant (avec la complicité des Italiens) un état albanais dont les frontières depuis mécontentent tout le monde, cependant elle se sent menacé. Non seulement elle craint le panslavisme attisé par les Serbes mais également l’agitation dans ses provinces roumanophones qui reçoit une aide de Bucarest.

Plutôt que de songer à se réformer, mais peut-on attendre de François-Joseph vu les circonstances où il est arrivé au pouvoir en 1848 et son âge de 83 ans en 1913 qu’il se lance dans un projet qui bouleverserait la domination exercée par les peuples allemands et hongrois sur des Slaves qui toutes ethnies confondues sont plus nombreux que leurs dominateurs réunis. L’Autriche-Hongrie a choisi de faire la guerre et guette l’occasion, la Russie sait qu’avec Poincaré (maintenant Président la France) la soutiendra dans un bras de fer contre Vienne au sujet de l’avenir de la Serbie et l’Allemagne qui a su calmer le jeu en 1913 est inquiète du fait de la Loi des trois ans qui vient de s’appliquer en France.

Voilà l’essentiel de ce que vous apprendrez ici, sans la dose de suspense des intrigues fictionnelles mais avec un sacré développement des caractères des acteurs principaux et une mise en exergue de certains moments clés où la main de l'homme d'état passe par la culotte des militaires. Le simple pékin vous dira que si on a eu la guerre de 1914, c’est par la faute aux Serbes, lisez ce livre et cela vous amènera à le contredire brillamment la prochaine fois qu’il s’aventure sur le sujet.

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Hallucinant, mais trop détaillé

8 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 9 février 2017

Historien réputé, Christopher Clark, a mis dans ce livre des années de travail et de recherches. Il a tout lu: articles des journaux de l'époque, rapports, messages codés ou non, lettres, courriers diplomatiques, ouvrages de ses confrères, etc. Il en a tiré une sorte de théorie sur les causes de la guerre de 1914-18: (p.363) "Certes il est capital de comprendre que cette guerre aurait aisément pu ne pas avoir lieu et pourquoi, mais il est tout aussi important d'expliquer comment et pourquoi elle a en fait éclaté."
Tout son texte balance entre ces deux extrêmes et il décrit par le menu les affres, les interrogations, les incertitudes, les certitudes des très nombreux protagonistes. Il en dessine les ressorts psychologiques, les interactions, les hésitations, les retours en arrière et les décisions. Il rejette en final toutes les tentatives d'explication par l'attribution de responsabilités et de culpabilité pour finir par expliquer le déclenchement de la guerre par (p.550) "des processus multilatéraux d'interaction", dans lesquels les incertitudes ressenties par chaque gouvernement sur les positions à prendre par ses alliés et ses adversaires ont joué un rôle majeur. "Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n'a pas été un crime, mais une tragédie... la crise qui a entraîné la guerre de 1914 était le fruit d'une culture politique commune." Clark tire de toutes ses lectures et méditations que tout le personnel décisionnaire de l'époque était d'une légèreté confondante (p.552) "où que nous jetions le regard dans cette Europe d'avant-guerre, nous rencontrons cette légèreté désinvolte. En ce sens, les protagonistes de 1914 étaient des somnambules qui regardaient sans voir, hantés par leurs songes mais aveugles à la réalité des horreurs qu'ils étaient sur le point de faire naître dans le monde."
La lecture de ce livre m'a à la fois passionné et irrité. Pour fonder son approche, Clark, en bon historien, a dû tout examiner. Cela en fait la profonde valeur. Mais, du coup, il a restitué dans son texte une large partie de ses recherches, ce qui en rend la lecture très difficile. Le lecteur est plongé dans une foule de détails et de personnages dont, 100 ans après, il n'a que faire et auxquels sa mémoire et sa compréhension ne s'accrochent pas. De là vient le sentiment de l'inutilité d'un très nombreux passages et le manque de vues synthétiques. C'est donc à une lecture ardue qu'il faut s'adonner pour en tirer l'essence principale.
Deux remarques s'imposent à moi:
- concernant la France, la question de l'Alsace-Lorraine n'est jamais évoquée comme une cause possible ou une justification de l'entrée en guerre, ce qui me paraît curieux,
- un parallèle est parfois fait par l'auteur avec les situations contemporaines, ce qui ne laisse pas d'inquiéter. Mais celui-ci rappelle qu'existent de nos jours des instances internationales qui n'avaient pas encore pris place à l'époque. Il n'évoque par contre pas le fait que, depuis, la culture politique et sociale des dirigeants a bien changé. Heureusement.

Remarquable étude

10 étoiles

Critique de Faonta (Etterbeek, Inscrit le 30 avril 2012, 89 ans) - 29 août 2014

Ce travail considérable est véritablement d'un intérêt majeur pour comprendre la genèse de cette horrible conflagration.
Sa lecture est aisée malgré le nombre impressionnant de références qu'il contient. Il s'arrête début août 1914

Il dépeint les atmosphères politiques, sociologiques et économiques des différents pays protagonistes et esquisse bien les comportements de certains acteurs principaux en fonction de leur personnalité et de leur histoire même.

Si l'on joint à cela la lecture de "Les aigles foudroyés" de Frédéric Mitterrand (France 2 édition et Robert Laffont) et l'ouvrage de J. Keegan ( La première guerre mondiale) on a une vue assez complète de divers aspects de cette dramatique période.

Vraiment très intéressant.

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