L'iguane de Denis Thériault

L'iguane de Denis Thériault

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 16 mai 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 964ème position).
Visites : 5 844  (depuis Novembre 2007)

Le Deuil de deux orphelins

L'Iguane est un roman qui illustre L'Eau et les Rêves de Gaston Bachelard et qui corrobore L'Interprétation des rêves de Freud. Cette lecture pénètre l'univers imaginaire qui fournit aux humains un monde qui les fait vivre. Un monde qui forge une identité, un monde qui établit des filiations, un monde qui soigne, parfois en vain, les blessures laissées par les agressions issues des dérives humaines ou des éléments de la nature.
Dans ce roman, deux jeunes amis de la Côte-Nord se cherchent une filiation, dont le destin les a malheureusement privés. Luc a perdu sa mère qui s'est noyée et l'autre, le jeune narrateur, a perdu son père, atteint de «motoneigite», au cours d'une de ses randonnées par un jour de blizzard. Double malheur : cet accident a plongé sa mère, qui l'accompagnait, dans un coma profond. C'est la donne qui enclenche un voyage fantastique aux pays des rêves afin de trouver la solution aux deuil de ces deux jeunes, que les hasards ont rendu orphelins.
Dans une première partie, l'auteur noue une amitié entre les deux protagonistes, tout en les campant dans le décor maritime d'une petite ville située le long du fleuve St-Laurent. Le rapprochement de ces deux enfants d'onze ans s'explique du fait qu'ils se complètent. Luc représente la part du rêve et le narrateur apporte une sécurité affective en vivant entre deux grands-parents, qui accueillent avec plaisir l'ami de leur petit-fils, victime de la violence d'un père qu'il surnomme le Chien.
Dans un second temps, cette amitié débouche sur la santé de la mère dans le coma. Luc a la ferme intention de la libérer de son état, qui se détériore de plus en plus, obligeant ainsi le médecin à prendre la décision d'envoyer sa patiente dans un hôpital loin de Ferland, ville fictive où habitent les héros. Il n'est pas dit que l'ami du narrateur ne fera pas tout en son pouvoir pour que ce projet ne se concrétise pas. Du fond de son antre secret, il concocte un plan cabalistique pour redonner la santé à la mère de son ami avant qu'elle ne parte. Grâce à un rituel inventé pour célébrer son iguane empaillé, il atteindra ses fins. La mère ouvrira les yeux, et Luc acquerra une maman adoptive en redonnant la sienne à son ami. Avec ce personnage, le roman pénètre l'univers naturellement fantastique des enfants.
Enfin, du coma de l'une, on passe à la noyade de l'autre. Cette dernière partie révèle toute la tragédie humaine, dont Luc acquitte les frais. Le roman se transforme en mythologie des eaux, où se cache sa génitrice. Le retour à l'état de foetus pour mieux renaître est exploité avec brio. Neptune n'a qu'à bien se tenir avec l'arrivée, au sein des océans, de ce Québécois aux yeux bridés, curiosité qui fait partie de la dynamique du dénouement que Freud apprécierait beaucoup.
Dans ce conte fantastique ancré sur les berges du fleuve, l'auteur a exploité à fond la métaphore pélagique. Avec Anne Hébert, Arlette Cousture et Gilles Tibo, Denis Thériault a entamé le Requiem de la mer avec un lyrisme gonflé aux stéroïdes littéraires. N'était-ce de ce défaut qui est l'envers d'une qualité poussée à l'extrême, L'Iguane serait un petit chef-d'oeuvre sur le monde des eaux et du rêve qui vient mettre un terme au deuil de deux jeunes orphelins.

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Le goût de l’eau

6 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 26 mai 2010

Il y’a des phrases magnifiques dans ce roman. Des mots qui évoquent les vents et les odeurs de la côte. Le style particulier - disons du lyrisme aquatique – complimente merveilleusement l’univers de l’enfance qui est au cœur de l’histoire, de même que cette quête périlleuse dans les refuges du passé comme une remontée du courant.

Un exemple : « Pénétrant dans l’obscur aquarium, je l’ai trouvée consciente, flottant seule dans le noir. Elle pleurait sur son malheur et, comme c’était aussi le mien, nous avons lié nos larmes. Le lit de ma mère était un radeau fragile que soulevaient de puissantes vagues de douleur. »

Toutefois, à la longue, cette prose constamment bercée par le rythme des flots donne le mal de mer... On perd le lien affectif avec les personnages, le drame ne nous atteint pas et le charme de la magie de l’imaginaire s’estompe.

(Prix du jury France-Québec, Prix Anne Hébert, Prix Odyssée)

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