L'ogre de Jacques Chessex

L'ogre de Jacques Chessex

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tophiv, le 13 mai 2003 (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 544ème position).
Visites : 6 680  (depuis Novembre 2007)

le Goncourt 1973 - un choc

"Détruire son père. En faire un tas de cendres au fond d'une urne. Comme du sable. De la poussière anonyme et sans voix."
Jacques Chessex est né en 1934 dans le canton de Vaud (Suisse). En 1956, son père de suicide. Ce traumatisme est au coeur de son oeuvre à travers laquelle il cherche à comprendre , à explorer les raisons de ce geste. En 1973, il publie ce roman et devient le 1er auteur suisse récompensé par le prix Goncourt.
Jean Calmet, 38 ans, est professeur de latin à Lausanne au début des années 1970. Il assiste à la crémation de son père. Il prend alors la mesure de sa solitude et après s'être cru enfin libéré de son père, il prend conscience de son aliénation envers son passé, envers cet homme tyrannique qui lui inspirait la peur. Peu à peu, il sombre dans la folie ou plutôt dans un désespoir profond. Sa rencontre avec Thérèse, jeune étudiante de 19 ans qui devient sa maîtresse, ne fera qu'aggraver sa chute. Incapable d'aimer, d'accéder au bonheur, il s'enfonce lentement vers le suicide...
Tout d'abord, on remarque le style imagé, aux références littéraires et mythologiques, à la noirceur féroce et brutale, on surprend quelques belles phrases poétiques sur la campagne lausannoise et le lac léman puis on sombre dans le cauchemar de ce professeur de latin.
On retrouve ici, comme dans "la lettre au père" de Kafka mais sous une autre forme, l'influence d'un père tyrannique inspirant frayeur et soumission à sa progéniture. Chessex explore le parcours vers le suicide, ses raisons. De ce roman terrible de douleur et de détresse, on ressort sonné, choqué, comme après une rupture, un deuil, un dégoût, la gorge serrée par le malheur de cet homme, incapable de vivre, détruit, rongé par son "héritage".
Au passage, ce livre m'a rappelé un film qui m'avait marqué, adolescent : le locataire de Roman Polanski pour son atmosphère à la folie latente, à la paranoïa exacerbée.
J'ai souvent lu des livres émouvants, sentimentaux, drôles ou tristes, des romans éveillant le frisson de peur, inspirant l'émerveillement, provoquant la réflexion mais il est rare qu'un livre me bouscule, insinue en moi cette petite boule au ventre, cette tension triste, ce léger malaise. L'ogre est l'un d'eux.

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Les éditions

  • L'ogre [Texte imprimé], roman Jacques Chessex
    de Chessex, Jacques
    B. Grasset / Les Cahiers rouges (Paris. 1983)
    ISBN : 9782246111436 ; 8,95 € ; 02/04/2003 ; 208 p. ; Broché
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Tuer le père, même quand il est déjà mort

10 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 26 juillet 2021

Un des romans les plus sombres, déprimants, oppressants que j'ai pu lire, que cette histoire d'un homme traumatisé par le souvenir de son père récemment décédé, un vrai "ogre" qui lui foutait les jetons par sa sévérité, qui était plus qu'autoritaire, et se permettait même de baiser les filles avec qui il fricotait (au moins une). Un père respectable, respecté, craint, qui, même mort et incinéré, continue de le marquer. Au point qu'il ne peut avoir une vie sentimentale normale...
Ecriture redoutable pour ce très court roman (pas besoin de plus que ces 200 pages) qui a obtenu le Goncourt en 73 et le mérite totalement. C'est d'une noirceur d'encre, la fin est assez prévisible (ne pas lire l'avant-propos situé dans l'édition "Cahiers Rouges" de Grasset, visuel sur le site, qui raconte tout le roman) mais efficace. Un grand roman.

Le rouleau compresseur

8 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 7 novembre 2012

La prose de Chessex n’est pas joyeuse. Des phrases aux multiples adjectifs toujours orientées vers la lourdeur et le dramatique. Je crois qu’elle plaira surtout à ceux qui comme moi aiment la littérature gothique et l’horreur.

Car chez Chessex même le noble métier de docteur devient source de dégoût, « … tous ces pubis pareils à des traînées de suie sur la peau blême figuraient une effrayante galerie blafarde sur laquelle régnait le maître de la chair douloureuse et humiliée. »

Pour un écrivain friand de descriptions explicites, la source du tourment de Jean Calmet demeure nébuleuse. À travers ce brouillard de non-dits et d’atmosphères funéraires, on devine les secrets de l’inceste, d’une homosexualité latente et la fragilité émotive.

La fin est une suite logique. Mais, j’aurais préféré une évolution du personnage vers la révolte. Hélas, les âmes blessées ne se cicatrisent pas toutes.


(Prix Goncourt)

Ouf j'ai presque terminé

5 étoiles

Critique de Bobo (, Inscrit le 10 décembre 2009, 65 ans) - 11 février 2011

Autant certains prix Goncourt méritent cette distinction, par exemple l'Epervier de Maheux, autant pour ce livre ce choix me laisse perplexe.

Le thème a été mille fois traité : le père castrateur responsable de sa vie minable tant sociale que sexuelle.

C'est long, nombriliste et surtout ennuyeux.
Allez courage il me reste 10 pages
Bonne fin de journée

Les noeuds de Chessex

5 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 23 octobre 2007

Il y a toujours une vaste part autobiographique dans les romans de Jacques Chessex, même lorsqu'il part à la chasse aux faits divers et les réécrit à sa sauce.
Ici, Jacques Calmet, ça ressemble à Jacques Chessex, pas seulement les initiales, mais ces noeuds paternels à démêler, ce passé dans lequel il s'englue, ces longues errances de la pensée à la recherche de tourments qui pourraient nourrir cette tendance à la flagellation.

Jacques Chessex écrit bien, enfin je trouve. Je déplore simplement le fait que trop souvent, il aime à contempler longuement son nombril et monter en épingle des problèmes que d'autres ne soulèveraient même pas. Il y a une tendance à la dramatisation et à la victimisation qui peut agacer par moments. C'est encore le cas ici.
Il crée un personnage assez simple, presque banal, comme il en existe des milliers. Un prof qui apprécie son métier, la jeunesse mais n'aime pas vraiment la vie, qu'il subit passivement. Pour donner du relief à ce Calmet, Chessex utilise le syndrôme du père disparu, étouffant et castrateur. Un procédé qu'il visitera de nombreuses fois dans les romans qui suivront celui-ci.
Cela ne signifie pas que c'est mal écrit, Chessex a un certain charme de plume, mais malgré tout, je ressens de temps à autre avec lui un effet de supercherie qui m'irrite.
Malgré tout, le roman présente des qualités indiscutables, je le reconnais, mais je n'ai pas été séduite outre mesure, ce sont des choses qui arrivent! :)

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