Les vieillards de Brighton de Gonzague Saint Bris
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Les vieillards, ces enfants sans avenir ( Paul Morand)
Le titre du livre est beau, quoiqu’un un rien rébarbatif, à première vue.
Et pourtant, rien de convenu ni d’appliqué, ni d'ennuyeux dans cette description poignante du séjour d’un petit Français de 5 ans dans un asile de vieillards d'une des plages les plus réputées de l’Angleterre.
Cet asile est réservé aux sujets britanniques de confession catholique; les soeurs, peu nombreuses, y font leur office. Au réveil, elles apportent sur des plateaux les petits déjeuners. On y côtoie, dans une misère morale et physique fréquente, des hommes et des femmes généralement de la haute société. Et aussi, cette canaille de Somerset, au regard d'acier, qui est celui qui persécute d’emblée le petit garçon : sarcasmes, pinçons, Il lui arrive de forcer le petit à ingurgiter deux verres de whisky, avec la complicité du cuisinier gay Oscar. Celui-ci détestait sa fonction et préférait traîner au lit. S’il avait accepté le poste de cuisinier proposé par les bonnes soeurs, et fait semblant de connaître ce métier, c’est afin de poursuivre tranquillement sa vie de désordres et de plaisirs. Il lui arrivait d’interdire dès le matin, la consommation de vin à un pensionnaire atterré
Le docteur Algernon Matthews prodiguait ses soins aux vieillards avec une patience, un amour , un désintéressement remarquables. Le découragement lui venait parfois , devant l'ampleur de la tâche, devant les pensionnaires dont la moyenne d'âge était de quatre-vingts ans. “Ce n'était pas rien de faire lever les vieillards, de les laver, des les habiller, de leur donner à manger et de procéder à des soins plus pénibles de propreté. Il fallait se soucier de leurs escarres, de leurs ulcères et surveiller leurs misères."
Devant les souffrances de certains, le Docteur Algernon pensait, accablé : “ décidément, seul le diable peut inventer une fin de vie aussi cruelle."
La forte personnalité féminine du livre est Lady Beckford, "toujours avec son éternel grand air" une belle dame de l’aristocratie anglaise, énergique sinon impérieuse, une vieille dame riche qui possédait un Gainsborough qu'elle avait fait transporter de son château dans sa suite de l'asile. Il lui arrivait d’aller écouter un concert. Elle n’avait pu entendre ce morceau de musique, un air de Purcell, qui lui aurait rappelé sans doute l'événement sentimental le plus heureux de sa vie, un homme qui avait été son unique passion. C'est pourquoi Lady Beckford, en robe du soir, s’avançait dans la nuit, vers la mer , en capeline rose ( la mer est omniprésente dans ce livre).
Elle échangeait ses souvenirs avec le Grand Will, " chenu parmi les chenus, semblable à un arbre vert."
Le jeune narrateur aimait ce vieil homme qui se retrouvait en lui , lui donnait une seconde jeunesse. A sa manière, après une vie d'écrivain, le Grand Will allait retrouver le goût de la vie, et la donner.
Il aimait, lui aussi, remuer ses souvenirs amoureux, par exemple Allegra, un prénom qui était une invite à l'amour. " De son souffle, il avait effleuré sa bouche, ses lèvres entrouvertes. Ses mains, parties de sa taille étroite, avaient caressé ses seins gonflés comme des voiles. "
La cohabitation de tous ces vieillards est aussi pittoresque et c’est en quelque sorte le sujet du livre. Les pensionnaires, Anglais jusqu'à la moelle, évoquent avec humour , dérision et tristesse, leur propre passé. Dans un cadre de manoirs anglais gothiques. ils repassent en vue les grands hommes de leur histoire, les grandes figures de l'aristocratie.
Les excentriques et les figures moins fortes se côtoient: Faïence-Folie, l’ancienne aux amours faciles au grand coeur. L’abbé Corentin qui depuis déjà sept ans, disait la messe dans la petite chapelle devant des fidèles un peu déments, au regard fixe. "De temps en temps, l’abbé laissait flotter son regard vers la mer à travers un vitrail brisé , par le losange duquel passaient les oiseaux." L’abbé Corentin fixait ses malades de ses grands yeux rayonnants:. Il avait la rage d’aimer.
Les mois passent, et le petit garçon, qui observe tout cela, attend toujours le bonheur de retrouver ses parents; En attendant, une soeur le met en rapport avec une gamine de sept ans.
Le rêve de cette rencontre, on ne sait pourquoi, s'évanouit très rapidement. L’enfant retombe dans la fréquentation quotidienne et stérile de tous ces êtres au bord de la mort.
Il vieillit parmi eux et comme eux. Il est malheureux.
Un peu chargée : l'équipée du Grand Will au troisième étage, celui des déments, avec le jeune enfant. Le Docteur Matthews maugrée : qui vous a permis de monter? Pourquoi avez-vous amené l'enfant ?" Assise devant une petite table, une vieille tremblait de tous ses membres, agitée comme une chèvre. En face d’elle, le chef d'orchestre pianotait en chantant avec fougue. Un héros de la guerre des Boers arpentait le couloir, l’oeil fixe, les bras fièrement croisés, ses décorations épinglées sur son pyjama. Une unijambiste, qui disait avoir été danseuse étoile, essayait de montrer ses moulinets. Un dément à quatre pattes aboyait en léchant les murs. “
L’enfant de cinq ans, au bout de longs mois, finira par retrouver ses parents . A lui de remonter la pente et de retrouver une jeunesse, une vraie jeunesse.
Gonzague Saint Bris décrit, écrit court. Inutile de faire la fine bouche, l’auteur a du métier. Il s’approche autant que possible de l’inconscient collectif des anglais. Il connaît et aime les vieux. C'est un romancier matois mais de grand style.
Un mélange de caricature, de réalisme et surtout de poésie. Les bonheurs d'écriture foisonnent, les mots et les phrases sont souvent délectables. A l’égard de ses personnages, il est tendre et sarcastique, jamais moqueur ni blessant.
Tout cela est très british.
Les éditions
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Les vieillards de Brighton [Texte imprimé], roman Gonzague Saint Bris
de Saint Bris, Gonzague
B. Grasset
ISBN : 9782246635116 ; EUR 18,50 ; 02/05/2002 ; 331 p. ; Format Kindle
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Les critiques éclairs (1)
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Agréable à lire et instructif !
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 15 août 2017
Ce roman de Gonzague Saint Bris, agréable à lire et instructif, est en partie autobiographique. L’écrivain vient de mourir en ce mois d’août 17, d’un « banal » accident de voiture à l’âge de 69 ans.
Extraits :
- C’est vrai, j’avais un caractère difficile, je restais enfermé des heures sans jamais demander pardon. Je croyais que la colère était ma noblesse. J’explorais mes haines intérieures. Mais il faut bien avouer que j’étais un violent. Un jour, mon père surprit dans une lutte acharnée avec mon frère aîné dont je croyais qu’il était le préféré de mes parents. J’étais en train de frapper sa tête contre les carreaux de la cuisine.
- Quand je naquis, j’étais tellement laid que ma mère craignit que je ne fusse une réincarnation de Gandhi qui venait de mourir. (…) ( plus tard) Je marchais courbé comme celui que Winston Churchill avait qualifié de « fakir à demi-nu ». Mais, ni saint, ni martyr, j’étais en piteux état.
- Somerset hurla au visage de Faïence-Folie, en la couvrant de postillons : « Catin décatie ».
- Faïence-Folie lui glissa : « Viens, je vais te traire les couilles ».
- En 1820, Brighton n’était encore qu’un havre pour privilégiés. Il fallait à un Londonien moyen six heures de mauvaise diligences et douze shillings pour l’atteindre. Le lundi de Pâques 1862, ce sont cent trente-deux mille visiteurs qui envahirent la station pour un prix de trois shillings. Qui est à l’origine de ce bienfait chrétien accessible à tous ? Le chemin de fer qui nous fait égaux devant Dieu. D’aucuns diront qu’il abolit les privilèges ! Pour moi, c’était une grâce su ciel.
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Cinq choses à savoir sur Gonzague Saint-Bris :
http://gala.fr/l_actu/news_de_stars/…
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