Muette de Eric Pessan
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Artémis en pays de Loire
Avec ce texte, Eric Pessan raconte l’aventure, les mésaventures, d’une jeune fille à peine adulte mais encore très adolescente à la cherche de la place que ses parents ne lui ont pas réservée dans notre monde. Dans une campagne des Pays de Loire, Muette quitte sa maison, elle part, elle ne fait pas une fugue héroïque, pathétique, dramatique, comme au cinéma ou aux actualités télévisées, non elle part tranquillement comme si elle sortait pour une longue promenade. D’ailleurs, elle ne va pas loin, elle a une cachette que personne ne connait, où elle peut vivre toute seule comme une grande, loin des « fais pas ceci, fais pas cela, fais ceci, fais cela, tu obéis c’est tout » que lui assènent sans cesse son père et surtout sa mère.
Muette a besoin d’exister en dehors du carcan familial, besoin d’une intimité pour prendre du plaisir sans rendre des comptes à quiconque, besoin d’être considérée pour autre chose qu’un encombrement, qu’une charge inutile, qu’une entrave pour sa mère. Elle culpabilise, elle est la source de tous les maux qui accablent ses parents, des paysans rustres, frustes, lourdauds, insensibles mais travailleurs ; elle n’était pas désirée, elle arrivée beaucoup trop tôt, sa mère était encore très jeune, elle rejette sur sa fille toutes les difficultés qu’elle a rencontrées à cause de cette grossesse prématurée. Muette est hypersensible, elle est concernée, affectée même, par tous les drames rapportés par les médias, elle prend tout à cœur, trop à cœur. « Arrête un peu, ça ne sert à rien de se faire du mal pour des choses qui se déroulent de l’autre côté de la planète ».
Dans son repaire, Muette se retrouve seule, seule confrontée à elle-même, à son histoire, à son passé, à l’absence de ceux qu’elle voudrait interpeller par sa fuite. Dans ses rêves, elle se transforme en un faune, Artémis des bords de Loire, pour se fondre dans la nature, se soustraire au genre humain porteur de tous les maux et tous les vices qui polluent le monde et le conduisent à sa perte. Elle cherche l’authenticité, la vérité, l’humanité sous sa forme originelle, la sérénité. La mue de Muette : « Elle fixe si longtemps son reflet qu’elle ne reconnaît plus rien de son visage. Sous ses yeux s’ouvre un passage, et quelqu’un d’autre émerge peu à peu de derrière sa peau ». Elle s’émancipe, se libère, tente d’échapper à sa mère à qui elle ressemble trop, « tu es bien comme ta mère », elle craint de reproduire ses comportements qu’elle a déjà infligés à ses poupées quand elle était enfant.
« Muette, c’est juste une question de silence, d’extrême retenue et de regard qu’il n’est jamais possible d’accrocher », juste une adolescente qui n’est pas totalement sortie de l’enfance et qui n’arrive pas à entrer dans le mode adulte ; juste un être pur et candide, un petit faune, qui veut croire encore en un monde qui n’existe que pour les animaux, pour ceux qui ne font jamais le mal par plaisir mais simplement par nécessité.
« Muette » c’est aussi un texte épuré, dépouillé, concis, précis, un vocabulaire choisi, toujours très juste, un rythme régulier qui tient le récit sur le fil de l’intrigue et des émotions qu’il génère, un texte parsemé des lieux-communs, réflexions populaires qu’on emploie quand on n’a rien de plus intelligent à dire, que ses parents lui infligent pour seule conversation, pour seules explications, comme pour ramener sans cesse le lecteur à ce dialogue impossible entre les parents et leur enfant.
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Les critiques éclairs (2)
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Envoûtant ?
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 14 mars 2016
L'auteur a choisi de lentes séquences, épurées. Le style est bon, agréable mais il faut quand même reconnaître qu'il ne se passe pas grand chose.
Les critiques parlaient d'un livre envoûtant, ce ne fut pas le cas pour moi.
Je change donc je fuis...
Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 1 mai 2014
Elle pense, elle repense, et puis elle imagine ce qu'ils doivent dire, ses parents indignes qui ne savent pas l'aimer.
Terrée dans une grange, seule et heureuse de l'être, Muette se fond dans la nature, apprend la survie la plus élémentaire, se complait dans un silence bienfaisant.
Tel un petit animal, elle opère sa mue, celle du passage de l'adieu définitif fait à l'enfance jusqu'à l'entrée fragile dans un monde nouveau, et celle, plus symbolique, plus mystique, presque ovidienne, qui consiste à émerger transfigurée, changée, métamorphosée après une transformation, et à poursuivre sa route dans un rapport au monde différent.
Muette est muette, mais Eric Pessan réussit à nous la dire si bien qu'on croit la connaître,cette adolescente complètement à fleur de peau, qui reste mystérieuse tout en étant terriblement attachante.
La jolie musicalité de ses mots, ainsi que la justesse du ton et du rythme, font oublier que Muette n'en prononce aucun, alors qu'on a pourtant frôlé de très très près ses émotions et son extrême sensibilité.
Un très beau livre.
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