L'ignorance de Milan Kundera

L'ignorance de Milan Kundera

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nothingman, le 25 avril 2003 (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 16 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (405ème position).
Visites : 18 297  (depuis Novembre 2007)

La complainte des retours d'exil

L'ignorance,voici le nouveau roman de Kundera. L'ignorance de quoi? L'ignorance de son passé, le sombre oubli des années antérieures. C'est ce à quoi sont confrontés les protagonistes de ce roman. Les histoires croisées de deux émigrants tchèques. Irena, veuve et mère de famille exilée depuis vingt ans en France pour son plus grand bonheur.Elle a refait sa vie avec un entrepreneur suédois prénommé Gustaf. Josef, ensuite, veuf lui aussi qui s'est construit une vie tranquille au Danemark. Et puis un autre personnage très touchant, celui de Milada, cette Tchèque au passé douloureux.Et comme toujours chez Kundera, ces personnages vont se croiser, s'aimer, se brusquer, s'étreindre dans une folle symphonie douce-amère.
Iréna et Josef vont tous les deux tenter le grand retour d'exil, renouer avec un passé quitté brusquement suite à l'envahissement de la Tchéquie par les Russes. Ils s'étaient aimés il y a vingt ans et vont se retrouver dans le hall d'un aéroport. Tous les deux confrontés au grand retour, comme Ulysse de retour en son Itaque natale. Mais les retours sont difficiles. Ainsi, ils doivent faire face à l'ignorance de leurs souvenirs respectifs. Ainsi, ce passage savoureux où Iréna renoue avec d'anciennes amies tchèques dans un café praguois. Elle leur offre du Bordeaux millésime 82 mais ses amies pour lui faire payer sa fuite passée ne vont boire que de la bière durant tout le repas. Elle vit cela très mal, comme le rejet de sa nouvelle culture, le rejet de sa présence, le rejet de son retour. Et Josef de constater: "J'imagine l'émotion de deux êtres qui se revoient après des années. Jadis, ils se sont fréquentés et pensent donc être liés par la même expérience, par les mêmes souvenirs. Les mêmes souvenirs? C'est là que le malentendu commence: ils n'ont pas les mêmes souvenirs; tous deux gardent de leurs rencontres deux ou trois petites situations, mais chacun a les siennes; leurs souvenirs ne se ressemblent pas;ne se recoupent pas; et même quantitativement, ils ne sont pas comparables: l'un se souvient de l'autre plus que celui-ci ne se souvient de lui; d'abord parce que la capacité de mémoire diffère d'un individu à l'autre...mais aussi....parce qu'ils n'ont pas l'un pour l'autre, la même importance". Tout l'univers de Kundera se retrouve cristallisé dans cet extrait. Les deux héros comprennent alors l'impossibilité de recommencer quelque chose dans cette Tchéquie qu'ils ne semblent plus reconnaître et qui elle, semble les refuser.
Et Prague, la belle, l'éternelle, est le quatrième personnage de ce roman. La ville où tout se joue et se déjoue. Prague que Kundera n'hésite pas à égratigner. L'auteur constate que la capitale tchèque au sortir de l'idéologie communiste, a épousé frénétiquement des thèses capitalistes et mercantiles, au point de faire de Kafka l'icône favorite des marchands de tee-shirt locaux. Des digressions aussi sur les années communistes en Tchéquie, sur les exilés,...
Kundera, qui n'a jamais renoué avec la Tchéquie, signe la son roman le plus noir et le plus désabusé mais peut-être aussi le plus touchant. Kundera, un auteur à ne pas ignorer!

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Une oeuvre qui sent le vécu de l'exil. Autobiographie?

9 étoiles

Critique de Rouchka1344 (, Inscrite le 31 août 2009, 33 ans) - 2 septembre 2010

Lire un Kundera, c'est relire ceux qu'on a déjà lu de lui. On retrouve sa façon de faire: ses personnages sont un prétexte pour raconter ce qu'il a à dire et non le contraire. Ils sont toujours au second plan. On retrouve ses thèmes chers. On retrouve ses digressions.
Moi qui avait oublié "L'immortalité", je m'en suis parfaitement rappelée en lisant "L'ignorance".

Une œuvre sur l'exil et le retour. Une œuvre qui parle à tous ceux, y compris l'auteur lui-même, qui ont du un jour quitté leur foyer, leur pays, leurs racines.

Une œuvre sensible, franche et enrichissante.

Un grand Kundera.

Partir... Revenir...

8 étoiles

Critique de Jo (Quelque part au coeur des Ardennes, Inscrite le 30 décembre 2003, 47 ans) - 21 mars 2010

Ce livre est mon premier contact avec l’auteur. J’avoue avoir plongé dans ces pages à la lecture des critiques précédentes et je ne suis pas déçue.
Les vies de Josef, Irena et Milada durant leur jeunesse ou l’âge adulte s’entrecroisent en France et à Prague. L’on rencontre également poètes et musiciens tout au long de ces quelques années de l’Histoire.
J’ai abordé cette lecture sous l’angle de l’absence, du départ de chez soi, de l’émigration et des retrouvailles, ce qui m’avait marqué dans les précédentes critiques et qui me touche personnellement. Le moins qu’on puisse dire est que je n’ai pas été déçue… Cette réflexion parcourt toutes les pages du livre, et s’attarde à la fois sur les points de vue des émigrés et des gens restés au pays ; sur l’intérêt ou le désintérêt porté à la vie de l’Autre pendant son absence…
L’évocation de la ville de Prague est également très intéressante.
Merci à tous de m’avoir donné l’envie de cette lecture…

Réflexion, émotion, illustration

9 étoiles

Critique de Soleada (, Inscrite le 21 janvier 2007, 35 ans) - 11 juin 2008

Kundera ou la plume enivrante. Grâce à un procédé alliant l'illustration et la réflexion, le livre nous paraît à la fois léger et intelligent. Une histoire défile sous nos yeux accompagnée des réflexions ou d'interrogations de l'auteur.
Cette oeuvre a comme sujet l'immigration et le retour au pays. En ce siècle d'immigration, de nombreux lecteurs peuvent se sentir concerner de prés ou de loin par ce livre. Personnellement j'ai été touché par ce livre, Kundera a su poser des mots sur ce sentiment présent dans ma famille depuis des générations. Peut être a t il su traiter ce sujet avec brio, parce que justement lui est immigré? Une pointe d'autobiographie , qu'on retrouve chez beaucoup d'auteurs et qu'on ne peut reprocher à personne, surtout si traiter avec tant de qualité.
A déguster, à méditer !
(...avec toutes ses autres oeuvres...)

Déjà vu ?

8 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 6 février 2008

En lisant ce livre j'avais constamment une vague impression de déjà lu, jusqu'à tomber sur l'un ou l'autre passage marquant ou là je me suis dit que oui, en effet, j'avais déjà lu ce roman.

C'est dire qu'il ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Cet opus n'est pas dans la même catégorie que la valse aux adieux je trouve.

Mais on lit ce livre avec plaisir et les réflexions mi-pertinentes mi-humoristiques de Kundera sont savoureuses. Comme le dit très bien Kinbote cet auteur excelle à mélanger le roman avec l'essai. Quoiqu'au bout du compte il me reste plus l'impression d'avoir lu une romance gentillette et humoristique plutôt qu'un ouvrage philosophique, il y a un petit côté cabotin chez Kundera qui décrédibilise un peu le discours.

Néanmoins un véritable bonheur de lecture, et ça ne se refuse pas !

limpide et fluide

6 étoiles

Critique de Soili (, Inscrit le 28 mars 2005, 51 ans) - 17 septembre 2006

Raconter le retour d'exil de personnes après une longue période d'absence d'une vingtaine d'années, voila le coeur du livre.
L'histoire se passe après la chute du communisme et le retour qui redevient possible.
L'analyse des sentiments liés a l'exil et au retour est détaillé avec minutie et limpidité. Toutes les interrogations sont passées au crible de façon très intéressante.
D'un sujet qui a priori ne me touche pas personnellement, Kundera a su par son discours intelligent en faire un livre très agréable, cela donne envie d'en connaitre plus sur l'oeuvre de cet auteur.

mince comme un cheveu, ample comme l'aurore

8 étoiles

Critique de Bertrand-môgendre (ici et là, Inscrit le 9 mars 2006, 68 ans) - 2 avril 2006

« à mesure que des pans de sa vie s’effondrent dans l’oubli, l’homme se débarrasse de ce qu’il n’aime pas et se sent plus léger, plus libre » Mais que devient l’émigré réfugié politique lorsque après vingt ans d’exil, il retourne dans son pays, face à ces anciennes amitiés, à sa famille ? Doit il endosser son fardeau culpabilisant son départ, effacer son autre vie qui n’intéresse personne ? Dans son pays natal il garde le statut de celui qui a abandonné les siens ; dans son pays d’accueil il s’est débattu bec et ongles, pour se fondre dans la masse, travailler sans rechigner, pour un jour espérer oublier de repartir chez lui lorsque le pays est à nouveau libéré.
Kundera nous décrit la misère de ses individus apatride à vie, à travers deux personnages emmurés dans leur inexistence profonde, irréversible.
« Loin du temps, de l’espace, un homme est égaré, mince comme un cheveu, ample comme l’aurore …(Queneau) » voici, Joseph, à qui la mémoire sélective lui permet d’oublier ses souvenirs détestables, d’effacer la réalité engoncée dans l’immobilisme larmoyant, et de s’abreuver du présent jusqu’à plus soif.
« …les deux mains en avant pour tâter le décor » (Queneau) c’est ainsi que Iréna qui traverse la vie sans intéresser personne, retrouve par hasard ce Joseph, une vague rencontre probable, sur laquelle elle s’imaginait construire un avenir plus radieux, espérant ensemble, se souvenir de demain.
Mais l’Ulysse en question, en proie aux désillusions tardives, ne peut se résoudre à élaborer un quelconque projet, et préfère imaginer sa Bohême comme autant de routes à parcourir, de carrefours à traverser et de rencontres à s’enrichir.

Avec Kundera, "il faut savoir apprécier des grands crus de la littérature et déguster l'eau de vie de la philosophie" bertrand-môgendre

Nostalgie de la patrie

8 étoiles

Critique de Neithan (, Inscrit le 19 juin 2005, 36 ans) - 2 août 2005

L'ignorance est mon premier roman de Milan Kundera... Et j'avoue ne pas avoir été déçu car Kundera réussit, avec une écriture simple, à nous faire ressentir des sentiments forts tels que la nostalgie, le remord, l'amour d'un pays malheureusement à jamais voué au passé...

Car en effet, quand bien même le retour au pays est possible grâce à la chute du communisme, trop de choses ont changé et le retour d'Ulysse à Itaque n'est plus concevable de nos jours... Plus rien n'est pareil, les objets ne sont plus à leur place, plus aucun jeune ne serait prêt à se sacrifier à sa patrie, seuls restent l'éloignement des souvenirs et la diminution de la nostalgie...

Des thèmes aussi variés que la nostalgie, le remord, l'enfance, le souvenir, la souffrance, l'émigration, l'étiquetage que subissent les émigrés dans leurs nouveaux pays sont ainsi évoqués, le tout à travers l'histoire d'Irena et de Josef, émigrés de retour à Prague après des années d'exil...

Milan Kundera écrivit ce livre à la fois pour les Français, qui pensent connaitre les souffrances des exilés avant que ceux ci n'en parlent, ainsi qu'aux Tchèques restés au pays qui ne connaissent rien de la vie en exil...

A lire absolument.

Sujet de l'exil intéressant

8 étoiles

Critique de Norway (Entre le Rhin, la Méditerranée et les Alpes !, Inscrite le 7 septembre 2004, 48 ans) - 20 juillet 2005

Le sujet est intéressant. Le livre me plait moins que l'insoutenable légèreté de l'être, mais j'apprécie la réflexion de l'auteur dans le roman.

Retour en Bohême

9 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 29 janvier 2005

Quoi ajouter au résumé sensible de Nothingman et au concert d’éloges des lecteurs ? Il semble que ce soit un grand Kundera, dans la lignée de ses premiers livres jusque L’insoutenable légèreté de l’être, comme le souligne Jules. Ses précédents livres ayant été par trop critiqués sur le sol français, Kundera a tenu à publier celui-ci d’abord à l’étranger avec certainement la conviction qu’en reprenant la recette des livres qui ont plu il créerait une agréable surprise et damerait le pion à la critique française qui l’avait, sans doute à raison, égratigné ces dernières années.
Donc il ne surprend que moyennement, vu qu’il n’invente plus rien, mais « fait de son mieux ». Il écrit un mixte entre l’essai (genre dans lequel il a excellé avec Les testaments trahis mais surtout L’art du roman) et le foisonnement romanesque de ses débuts (La plaisanterie) et indique au lecteur ce qu’il doit penser dans des phrases-formules destinées à faire mouche.
Kundera a en effet ce don de résumer en peu de mots une situation, l'essence d'un personnage. Celui qui m’a plus frappé ici est celui de cette jeune fille qui veut se suicider, échoue mais perd une oreille et qui finira, comme on le verra au terme du roman, par sacrifier sa sexualité à sa beauté.
Il semble que Kundera veuille tout contrôler, que rien ne doive lui échapper (on sait le soin qu’il apporte à la vérification de ses traductions) et qu’il écrive désormais en fonction de la critique, pour l'histoire littéraire, afin que les générations futures ne l’oublient, ne l’ignorent pas. En marge de sa bibliographie, figure désormais la liste des livres qui ont été écrits sur lui.

Kundera président.

10 étoiles

Critique de Drclic (Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 47 ans) - 11 septembre 2004

Kundera c'est l'écrivain !
Rien que du bon.

Ok, ces livres ne vous soulèvent pas, ne vous font pas pleurer mais si vous êtes attentifs au sens, ils ont tous la puissance pour une petite révolution dans vos têtes.

Amha, un livre de Kundera se lit et s'apprécie à sa juste valeur, en étant disponible.

Lecture indispensable.

L'exil envers et contre tout

9 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans) - 26 mai 2004

Le héros de "L'Ignorance", c'est Kundera lui-même, sa souffrance et sa désillusion. On a beaucoup parlé de ce roman à sa sortie française alors qu'il y a plus de trois ans qu'il est paru en d'autres langues et d'autres pays. Pour quelle raison ? Peut-être parce que Kundera, qui a trouvé refuge en France, voue à ce pays une passion teintée de haine et d'amour. On sait qu'entre les deux, il n'y a qu'un pas facile à franchir et beaucoup de critiques littéraires ont utilisé un certain pouvoir de pression pour décourager la parution de ce roman. Certains n'hésitant d'ailleurs pas à poser publiquement la question de savoir pourquoi Kundera ne retournait pas chez lui maintenant que le bloc de l'est n'existait plus et qu'on ne pouvait donc plus le considérer comme un écrivain en exil.

"L'Ignorance", c'est la réponse à peine déguisée de Kundera à toutes ces remarques, ces interrogations et ces accusations.
Rester ? Mais comment rester dans un endroit qui n'est plus le sien, dans lequel trop de choses ont changé, par lequel la souffrance revient incessamment à la surface. Le héros est à la recherche de son identité, il ne la retrouve nulle part, même là où pourtant il rêvait tant de retourner.
Josef a figé des souvenirs et il n'en retrouve aucun, son village a changé, ses amis ont disparu. Cruelle déception ressentie également par Irena qui a gardé une image idéale de ses amies et des liens affectifs qui existaient entre elles. Or tout cela n'est plus, c'est le choc.
Que faire ? Rester là où on souffre ou partir vers d'autres souffrances, inconnues, mais prometteuses d'un avenir ?

Partir, c'est avancer. Construire sa vie.
Irena et Josef sont deux exilés sans identité, des tchèques exilés qui se sentent désormais étrangers dans leur propre pays. Des êtres déracinés comme il en existe des milliers sur terre, rêvant d'ailleurs sans pouvoir être bien nulle part.
Avait-il d'autre solution que partir ? La déception l'aurait sans doute tué.
Irena lui rappelle en permanence cet exil et cette souffrance, elle est complètement déboussolée et il sait, qu'en sa compagnie, il ne pourra pas avancer, ils vont vivre dans les souvenirs, la nostalgie, les regrets, à se rappeler le bon vieux temps et à regretter que plus rien ne soit comme avant.
Deux esprits tourmentés peuvent-ils, ensemble, se guérir ? Josef est persuadé que non, alors il préfère partir. Tout quitter, abandonner tout ce qui lui rappelle Prague, la Tchécoslovaquie, l'exil...
Irena et Josef, c'est une relation entre deux paumés, deux êtres détruits, un truc éphémère qui ne pouvait durer que le temps du retour, pendant ce trajet vers la perte définitive de son ancienne identité. Après, Josef veut devenir un homme neuf, balayer tout le reste, y compris Irena.

Pièges douloureux de la mémoire

9 étoiles

Critique de Ninon (Namur, Inscrite le 11 avril 2004, 70 ans) - 15 avril 2004

à lire absolument !!

Un avis un peu différent

7 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 8 janvier 2004

C'est avec un plaisir évident que j'ai lu ce livre, comme vous. Il est certain qu'un livre de Kundera peut-être moins bon qu'un autre, mais mauvais, non !
Il n'empêche que mon enthousiasme pour celui-ci est moins grand que le vôtre. J'ai aimé le sujet et à chaque fois que j'ai pu me replonger dans le livre j'en étais vraiment content. A mes yeux, cependant, cette oeuvre louvoie souvent entre l'essai et le roman. Les nombreuses explications sur la mémoire, le temps qui passe, l'évolution des souvenirs, les différents types de nostalgies et leurs manifestations, leurs évolutions, pour aussi intéressantes qu'elles soient, s'approchent davantage de l'essai. Et cela d'autant plus qu'elles nous sont bien souvent expliquées par l'auteur plutôt que par un de ses personnages au cours d'une réflexion qui pourrait lui venir au fil de ce qu'il vit. Bien sûr cela arrive aussi, mais, au long du livre, on écoute souvent Kundera lui-même qui nous explique ce que c'est qu'être un émigré.

Je maintiens que j'ai aimé ce livre et qu'il m'a intéressé, que, dans le même sujet, il va plus loin et plus fort que "Nord Perdu" de Nancy Huston qui, lui, est un véritable essai.

Il n'empêche que je ne trouve pas qu'il mérite autant d'étoiles que "La plaisanterie", "La valse aux adieux", "L'insoutenable légèreté de l'être" et "Le livre du rire et de l'oubli" Il serait plutôt du niveau de "La lenteur"ou de "L'identité"

Les étoiles sont parfois difficiles à donner, car il faudrait arriver à faire une gradation dans une oeuvre et pour cela il faut un certain recul. C'est avec celui-ci que l'on voit à quel point un livre vous marque plus qu'un autre. Ici, je suis quasiment certain, qu'en ce qui me concerne, je dois donner moins que pour les autres livres cités. Tout en donnant une bonne cote quand-même...

une précision

9 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 9 novembre 2003

L'ignorance de Milan Kundera Je voudrais vous dire pourquoi j'ai enlevé une demi-étoile à ma cotation de cet excellent roman. C'est que dans l’érotisme, en littérature comme en peinture, c’est le détail qui est trivial. Ici Kundera nous expose ses théories sur les quatre fonctions du sexe féminin. Ces considérations auraient leur place dans un traité de sexologie mais, à mon humble avis, pas dans un roman. Mais soit, ce n'est pas très grave ! Kundera nous avait habitués à bien pire. Ici, il a attendu les trois dernières pages du dernier chapitre de son livre pour ouvrir la porte à ses vieux démons. Il y a progrès. Persévérez, Maître Kundera, votre prochain titre vous vaudra cinq étoiles !

Un excellent Kundera

9 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 3 novembre 2003

L'IGNORANCE MILAN KUNDERA Un excellent Kundera.
Ca commence très fort, on va se régaler. C'est du grand Kundera tel qu'on l’a connu dans « La valse des adieux ».
Irena prépare son grand retour en Tchécoslovaquie après ses 20 ans de vie d'émigrée à Paris. C’est « l’ivresse du grand retour ». Thème merveilleux, fait de souvenirs, de mémoire, de nostalgie… tout y est pour nous séduire. Et Kundera nous en parle remarquablement bien. En parallèle avec le retour d’Irena, il nous raconte le retour d'Ulysse dans son Ithaque natal : c'est du grand art !
Dans tout le récit, l'histoire de la Tchécoslovaquie est bien présente et résumée dans ses dates principales : 1918, Indépendance. 1938, tentative de résistance contre Hitler. 1948, la chape de plomb du régime communiste. 1968, la folle illusion de la délivrance. En 1969, c’est le retour à l’oppression d'un régime communiste. Un régime sans espoir qui disparaît miraculeusement en 1989. C’est que l’histoire, ici, a conditionné la vie des êtres, plus que partout ailleurs.
Irena a suivi son mari à Paris, en 1968 et depuis elle fait les rêves de tous les émigrés : elle s’envole toutes les nuits vers son pays natal, comme dans les tableaux de Chagall où on voit des petits couples d’exilés qui flottent dans les airs au-dessus de leur village de Russie.
Et puis peu à peu, elle s’adapte : « la flore parisienne remplace les jardins tchèques ».
Après 1989, elle rentre à Prague et connaît « l'horreur du retour ». Irena s’est habillée à la mode tchèque et en passant devant un miroir, elle ne se reconnaît pas ! Pas plus qu’elle ne reconnaît sa ville natale. Ici tout à changé ; et les mentalités surtout ! Pour elle, le temps s'est arrêté mais pour les autres pas ! Alors, elle essaye de se réadapter. Elle organise une réception avec ses anciennes condisciples qu’elle a quittées il y a 20 ans. Cette scène est un morceau de premier choix, du grand Kundera, de la grande littérature ! Elle est plongée dans un monde déboussolé « où on veut oublier à tout prix qu'on a souffert.» Et l’émigrée à son retour est plus seule que jamais.
Kundera fait passer ses réflexions très profondes sur l’oubli, le souvenir, la nostalgie par le comportement de ses personnages. Et comme toujours, chez lui, les destins s’entrecroisent au hasard des rencontres. Irena a retrouvé un dénommé Joseph, lui aussi émigré, de retour au pays et tout aussi déraciné qu’elle. Ensemble, ils retrouvent le vrai dialogue que chaque émigré attend à son retour : - Raconte ! Comment c’était la-bas ? Comment vivais-tu ? Avec qui ? Etais-tu heureux ? - Raconte ! Raconte ! Mais comme Ulysse quand il rentre dans son Ithaque natal, personne ne demande jamais à l’émigrant : « Raconte ! » Irena doit « déposer ses 20 ans de vie en France sur l’autel de la Patrie et y mettre le feu ». Mais la vraie patrie de son coeur est celle où elle a vécu, jeune veuve avec ses enfants, dans la misère, à Paris ! Et la vraie patrie de Joseph est celle où il a rencontré sa femme, qui aujourd'hui est morte. C’est ce pays où ils se sont aimés et où il peut librement se souvenir d'elle.
Durant tout le récit, Kundera nous fait part de ses réflexions magistrales sur le temps qui passe, la fragilité des souvenirs, les déficiences de la mémoire, la puissance de la nostalgie et l’omniprésence de la mort. Et puis aussi sur l'immensité du vide qui sépare les êtres : « les gens ne s'intéressent pas aux autres et c'est bien normal ! »
Je suis bien d'accord avec toi, Nothingman – 23 ans - Marche-en-Famenne, c'est bien le roman le plus noir, mais aussi le plus touchant de Kundera.
Seul, cet émigré tchèque qui vit en France, pouvait écrire ce grand roman. Et il l'a écrit dans une langue exemplaire. A lire absolument !

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