Le quatrième mur de Sorj Chalandon

Le quatrième mur de Sorj Chalandon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Dudule, le 25 août 2013 (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 19 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (633ème position).
Visites : 11 255 

Un roman poignant !

L'idée de Sam était folle. Il rêvait de monter l'Antigone d'Anouilh sur un champ de bataille au Liban.
Créon serait chrétien. Antigone serait palestinienne. Hémon serait Druze. Il ne demandait à tous qu'une heure de répit, une seule heure de trêve, juste un instant de grâce. Et puis Sam est tombé malade, sur son lit à l’hôpital, il a fait jurer à Georges de prendre sa suite, d'aller à Beyrouth afin de rassembler les acteurs et de jouer cette unique représentation.
Que dire, que c'est un roman magnifiquement écrit, mais je n'en doutais pas, que c'est difficile parfois, insoutenable mais la guerre doit être insoutenable pour ceux qui la vivent. Il y a aussi de l'espoir, celui de pouvoir monter cette pièce de théâtre au milieu de Beyrouth, avant la mort certaine de Sam, celui de voir les différents groupes -druzes, sunnites, chrétiens, maronites- se retrouver le temps de la représentation ensemble, le temps d'une trêve.
Le mieux c'est de vous procurer ce roman et de vous y plonger même si cela doit vous bouleverser, c'est poignant, l'auteur connaissant bien son sujet, à lire.

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Lecture intéressante mais gâchée par un personnage principal agaçant

4 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 16 septembre 2020

Pénible, voici le premier mot qui me vient à l’esprit lorsque je repense à cette lecture.
Attendez-vous d’entrée à un roman violent. Pour ceux qui s’attendent à un roman léger ou optimiste, passez votre chemin. On pourrait espérer une petite touche lumineuse avec la part accordée au théâtre avec le montage de la pièce consacrée à Antigone mais que nenni, le sujet, c’est la guerre. Point barre. Qui plus est une guerre fratricide, celle du Liban.
A ce sujet, on sent que Sorj Chalendon maîtrise son sujet. J’ai appris énormément de choses : l’origine du conflit, les différentes communautés, leurs alliances et leurs désaccords, la fragilité d’une union nationale qui ne pouvait que voler en éclat.
Dommage que tout cela soit gâché par un personnage principal qui m’a particulièrement agacé : son côté « je sais tout », sa façon de penser où seul son point du vue et ses opinions sont les bons et surtout son extrémisme. Combien de fois durant cette lecture me suis-je imaginé lui coller une bonne paire de baffes. Ah si seulement cela avait été possible !
Du coup tous les moments « émotion » passent à la trappe, l’empathie s’étant envolée avec la détestation du personnage principal.
Bilan mitigé.

Le théatre de la guerre

7 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 28 septembre 2019

Étudiant dans les années 70, Georges était un militant politique de la première heure, prêt à faire le coup de poing pour défendre ses idées.
Quand bien plus tard il fait cette promesse à un ami mourant de reprendre son projet, monter Antigone au cœur d'un Liban en guerre avec des acteurs de toutes les factions, il fait l'expérience de toute la violence et la complexité du réel, loin, très loin de l'évidence des idéaux.

Georges sort de sa propre scène pour affronter le terrible théâtre de la guerre. Et c'est tout son monde qui bascule, jusqu'à s'oublier.
A la fois intense, révoltant et oppressant, le roman interroge, désillusionne et désespère d'un salut.

Pas d’idée simple dans l’Orient compliqué …

9 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 14 décembre 2016

Même une belle, simple, idée ne peut manifestement prendre corps dans l’Orient compliqué. L’Orient compliqué ? C’est ici le Liban des années 80, des années de guerre (forcément), civile notamment mais pas que (trop simple, et l’Orient …).
Dans ce Liban, déchiré par les luttes entre factions, entre confessions, avec les Syriens et leurs affidés, dans ce Liban - là, Samuel Akounis (Sam), juif grec né à Salonique et homme de théâtre a imaginé (et s’est jeté un sacré défi) monter « Antigone » en faisant jouer les différents rôles par autant d’acteurs des différentes communautés en présence ; un Créon chrétien maronite, une Antigone palestinienne, un Hémon druze, des gardes chiites, … Il a entamé les préparatifs, les négociations, mais voilà qu’il est rattrapé par une maladie qui le cloue sur un lit d’hôpital. Exit le projet ?
Non. Car Sam a un ami, un disciple ( ?), avec qui des luttes communes ont été menées, qu’il a pris un peu sous son aile. Et Sam demande à Georges qui, pour le coup, lui n’aucune expérience de l’Orient … compliqué ( !) de reprendre le flambeau, de se rendre à Beyrouth pour finaliser le projet.
Le roman, c’est davantage ce qui va se dérouler alors : la découverte par Georges de ce qu’est le Liban (s’il est encore quelque chose ?) et de la vanité de vouloir détourner un monde en guerre de … la guerre. Georges va vivre des moments compliqués (essayer de rassembler les acteurs en un même lieu déjà simplement pour répéter, en négociant avec toutes les parties à la fois) puis finalement terribles, si l’on se souvient par exemple qu’au Liban en 1982 se déroulèrent les massacres de Sabra et Chatila.
Georges finira bien loin de Paris. De sa réalité simple (si, si !), de sa famille, écrasé par le rouleau guerrier comme tous ceux qui tentent un jour de s’interposer.
La réalité libanaise de l’époque telle que nous la décrit Sorj Chalandon est incroyablement perverse et sans espoir. Comment dit – on déjà ? « Dans l’Orient compliqué je viendrai avec des idées simples … » Et tu y mourras …


Quelle claque !

8 étoiles

Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 12 décembre 2016

Voilà le tableau : Antigone était palestinienne et sunnite. Hémon, son fiancé, un Druze du Chouf. Créon, roi de Thèbes et père d’Hémon, un maronite de Gemmayzé. 3 chiites pour jouer les Gardes. La Nourrice, une Chaldéenne et Ismène, sœur d’Antigone, catholique arménienne. Associer ces différentes communautés dans un rêve de paix à Beyrouth, le temps des répétitions et d’une représentation en octobre 1983 était une belle idée de Samuel, le juif grec. Il avait tout prévu, trouvé les acteurs, les lieux, les accords. Puis il est tombé malade et a demandé à son meilleur ami George de le faire à sa place. Mais une fois sur les lieux, George s’est heurté à la guerre. Non pas qu’il l’ignorait mais il la vivait de l’extérieur, en France, à la télé, dans les journaux, comme tous les étrangers. Il a rencontré des membres de chaque peuple, franchi les lignes de miliciens et constaté que chacun se bat pour sa religion, ses idéaux et croit qu’il est le meilleur. Les balles pleuvent, les tireurs sont postés à tous les coins, des enfants meurent, la misère est partout. Ce voyage, loin de le laisser indemne, lui qui a une petite vie bien rangée en France avec Aurore et sa fille Louise, va complètement le bouleverser, et nous aussi. Nous faire réaliser davantage le fossé abyssal entre nos vies tranquilles et celles des habitants de ces pays dévastés au quotidien.
Sorj Chalandon, de sa plume magnifique, nous fait ressentir l’intensité de la guerre comme rarement et m’a fichu une sacrée claque avec ce livre. « Dans le grand silence, même les nourrissons s’affolaient. Leurs mères préféraient le fracas de l’obus à sa menace, et ils le sentaient. »

Un coup de coeur !

8 étoiles

Critique de Evanhirtum (, Inscrit le 22 août 2016, 37 ans) - 22 août 2016

Un (énorme) coup de cœur. « Le quatrième mur » nous embarque corps et âme dans la Guerre du Liban (1982). Un vieil étudiant Parisien, activiste gauchiste pro-palestinien, poussé par une promesse faite à un ami metteur en scène Grec Juif, s’engage à monter la tragédie « Antigone » à Beyrouth sur la ligne de front en intégrant des acteurs des différentes communautés/religions du conflit. Une mission d’humanité, pour construire ensemble un rêve.
Sans accusations, sans excuses, ce roman bouleverse nos visions du bien et du mal. Il débanalise ces conflits, nous entraine dans l’horreur absolue, dans ces plaies béantes, mais où l’espoir est là. Une description de la guerre de l’intérieur, écrite par un ancien grand reporter. On n’en ressort pas indemne : ni l’auteur, ni le lecteur, ni nos certitudes.
A l’heure où le Moyen-Orient est sous le feu (des projecteurs), où la stigmatisation et la confusion des parties prenantes brûlent notre regard, où l’horreur nous parait si loin, ce livre est précieux. Il aborde également la difficulté de survivre à l’enfer, à ce que l’on a vu : « On a toujours deux yeux de trop »
De plus, ce livre renforce ma conviction que le « Goncourt des Lycéens » est un des prix littéraires les plus pertinents.

D'une guerre à l'autre... la bêtise humaine n'a pas changé.

6 étoiles

Critique de Radetsky (, Inscrit le 13 août 2009, 81 ans) - 16 avril 2015

Le style presque journalistique du récit le met à cheval entre le reportage et le roman. L'utopie qui voulait mettre un rameau d'olivier nommé Antigone au milieu d'une bande de forcenés a de quoi séduire, mais elle tourne court, hélas ! Je ne discuterai pas de la vraisemblance du procédé, imaginable après tout. de la part des deux protagonistes principaux (Sam et Georges). Il en est de la vanité des rêves humains comme de tout le reste. La prouesse d'Anouilh, à l'hiver 1944, mettait face à face les Français occupés et les nazis occupants : c'était d'une simplicité évangélique et la guerre, la "vraie", celle du feu, du sang, des obus, était assez loin tout compte fait.
Beyrouth, par contre, voyait confrontés une myriade d'intérêts antagoniques, une pléthore de comportements ethno-religieux archaïques assimilables au bon vieux tribalisme néolithique, la concurrence directe ou masquée de multiples Etats, etc. etc. D'où la formation d'un cloaque sanglant, absurde, acharné, ivre de haine et de stupidité convaincue, où se débattent des fantômes qui en oublient les beaux principes à la base de leur action : on tue, le plus possible.
Antigone ? Autant souhaiter lire un conte de fées à une assemblée d'hystériques..., lesquels, une fois assimilé leur texte s'empressent, à quelques nuances près, de le ramener chacun à leur idéologie particulière et d'y voir, au fond, la justification de leur propre combat. Georges, au nom de sa fidélité à un modèle, finit par être contaminé à son tour par le virus destructeur de la folie guerrière : c'est un drogué de la violence absurde et sans autre but que sa propre perpétuation. Un constat d'échec au résultat connu d'avance.
On ne peut pas se battre pour et contre tout le monde à la fois ; l'idéalisme fondé sur des situations dépassées ou décalées est un cul de sac...mortel.

La tragédie, c'était gratuit.

9 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 4 mars 2015

Le quatrième mur est celui qui, sur scène, sépare de façon invisible les acteurs de leur public. Les protège et leur donne l'illusion qu'ils sont seuls, à l'abri. La notion d'illusion est d'une certaine façon permanente dans ce récit qui mêle les thèmes du cheminement initiatique, de l'acte symbolique, de l'amitié, d'une naïveté dangereuse, d'idéaux chimériques et de détresse identitaire.

Rêves de paix et réalité se rencontrent, la vie ne sera plus la même, tronquée par cette sensation de n'exister plus qu'en surface quand il faut continuer à être un être humain alors que le pire est entré en soi.

"Le quatrième mur" est un récit empreint d'humilité. Malgré la naïveté présomptueuse de son personnage auquel on ne s'attache jamais vraiment, malgré cette folie brassée dans des cœurs qui rêvent encore d'un monde meilleur, malgré les blessures physiques et morales par où s'échappent souvent le courage et la foi.

"On se débattait parce qu'on espérait s'en sortir, c'était utilitaire, c'était ignoble. Tandis que la tragédie, c'était gratuit. C'était sans espoir. Ce sale espoir qui gâchait tout. C'était pour les rois, la tragédie."

Comme d'autres personnages de Chalandon, le héros - si on peut utiliser ce terme…- s'intègre à un conflit qui n'est pas le sien, happé par cette tragédie qui, lorsqu'elle n'est pas la nôtre, fait naître en nous la honte. Ironie, beauté du drame, force et faiblesse d'un espoir non maîtrisé au risque d'être perdu. Le sujet est fort, l'ombre de Sabra et Chatila plane jusqu'à s'imposer dans un souffle pesant. Et tout cela, dans une structure narrative qui s'enrichit et se renforce au fil du roman, allant crescendo jusque dans ses toutes dernières pages et son épilogue.

Tout semble possible, tout semble impossible dans ce livre. La réalité s'y construit comme un mensonge. Le style alterne entre évidences et nuances poétiques. Les images sont fortes. Les respirations brèves.

Le genre de livres qu'on ne termine que dans un essoufflement.

Pas terminé

5 étoiles

Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 1 mars 2015

L'écriture est certes talentueuse et le sujet me ravissait. Je n'ai aucun reproche à faire à ce livre, c'est juste que la violence qu'il renferme était trop grande pour moi, je n'ai tout simplement pas pu le terminer, et je pense que c'est justement parce qu'il est extrêmement bien écrit. Que chacun d'entre vous se fasse son idée, c'est cependant à éviter en cas de moral à zéro.

Magnifique!

10 étoiles

Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 7 février 2015

Sorj Chalandon reprend comme à son habitude le thème du mentor et du parcours initiatique. Le narrateur a croisé le chemin de Samuel et depuis ce jour, il est devenu pour lui un genre de maître à penser. Admiratif devant son passé révolté, il va lier son destin aux convictions de cet homme. Toutes ses actions et ses décisions vont alors passer par la validation de Samuel.
Sous prétexte de théâtre, on est transporté au Liban, melting-pot de toutes les cultures. On découvre dans des paysages de désolation, des personnages de religions différentes qui vont s’illustrer par une bonté et une générosité à toutes épreuves. Une fois sur place, la puissance du roman nous explose au visage lorsque l’insouciance candide des occidentaux rencontre la déchirante réalité de ce pays. Sorj Chalandon nous emporte au cœur d’une guerre civile au milieu des balles et des bombes. La dureté et la soudaineté des assauts nous prennent à la gorge et on passe certaines scènes comme asphyxié. On reste en apnée, en manque d’air en espérant que ça passe. Sorj Chalandon est au sommet de son art avec une plume magnifique. Témoin privilégié des conflits de par son ancien métier, il a su retranscrire le réalisme de ces guerres et je suis ressorti groggy de cette expérience qui navigue entre poésie et carnage avec dextérité.

A contre sens sur l'autoroute

3 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 21 septembre 2014

Je rejoins l’avis de Pacmann !
Je n'ai pu, moi non plus rentrer dans ce livre. Je reste fermé à cette curieuse idée de faire entrer le théâtre entre les bombes. Je pense furieusement à la déclaration d'un ministre, d'un pays hexagonal voisin, qui se réjouissait de subsidier une aide à l'art dans un pays affamé !
Je n'en peux plus de ces absurdités.
Je hurle quand je vois ces clubs de football qui fonctionnent avec les milliards des Emirats, ces vedettes intouchables qui se prennent pour Dieu, ces pays qui s'endettent pour une coupe du monde quand le ventre des favelas est vide et le sera encore plus longtemps.

Comme souvent quand j'émets une critique négative, je m'excuse auprès de ceux qui ont aimé.

Réconciliation possible avec des guerriers antagonistes ?

9 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 22 février 2014

Le quatrième mur reflète ce que l’acteur de théâtre recherche parfois pour éviter le regard de la salle.
Journaliste à Libération puis au Canard enchaîné, Sorj Chalandon se distingue comme romancier : Prix Médicis en 2006 avec Une promesse, Grand prix du roman de l’Académie française en 2011 avec Retour à Killybegs, Goncourt des lycéens en 2013 avec La quatrième mur.
La jeunesse de Georges, le narrateur, se passe dans le militantisme de gauche à Paris parmi les soixante-huitards. Il y rencontre celle qui deviendra sa femme, Aurore, et aussi Sam, un Grec juif, qui le marquera à jamais. Quelque quinze ans plus tard, il le retrouve sur un lit d’hôpital, in articulo mortis. Georges lui promet qu’il réalisera son rêve : faire jouer Antigone d’Anouilh à Beyrouth avec comme acteurs des personnes issues de toutes les factions rivales présentes au Liban. Tâche qui marquera profondément Georges : il est confronté à la guerre, les massacres perpétrés tantôt par les uns, tantôt par les autres. Le lecteur en sort d’ailleurs écorché : comme la guerre est injuste quand les principales victimes sont les innocents !
Sorj Chalandon nous livre un reportage très réaliste des horreurs de la guerre du Liban doublé d’un ressenti de journaliste qui ne peut rester insensible à ce qu’il côtoie. Nos pensées vont vers le calvaire de ces journalistes pris en otage.

Théâtre à la guerre - Horreur, absurdité et désespoir

6 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 10 novembre 2013

Déjà beaucoup de plébiscites et de commentaires positifs pour ce roman, mais je n’ai personnellement pas été séduit en restant donc plus nuancé sur l’intérêt de cette lecture.

Ce n’est pas parce que ce livre aborde un sujet grave de manière adéquate qu’il faut automatiquement le considérer comme un grand roman.

A l’instar du film « Joyeux Noël » de Christian Carion, l’auteur semble vouloir faire croire à un possible espoir dans un océan d’absurdité destructrice mais en finale, on reste finalement dans le désespoir absolu. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on a trompé le lecteur, mais j’ai été surpris par la tournure des événements allant jusqu’à entraîner le héros dans ce tourbillon de l’horreur.

Pour ceux qui ont lu « L’attentat » de Yasmina Khadra, qui peut assez bien être mis en parallèle avec ce récit, Chalandon fait plus dans l’émotionnel que dans le conceptuel en saupoudrant son récit d’évènements historiques avec en point d’orgue les massacres de Sabra et Chatila.

Cependant, si on veut comprendre ce qu’a été la guerre au Liban, ce n’est pas ce livre qui permettra de décoder ce conflit.

Le style de phrases courtes est adapté à l’émotion qu’a voulu transmettre l’auteur, mais il peut lasser dans un roman dépassant les 300 pages.

Antigone : ici et maintenant

10 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 5 novembre 2013

Un roman d’une rare puissance dont la réussite tient, à mon sens, au fait que Chalandon relie constamment l’action de son roman à la tragédie et au mythe d’Antigone.

L’Antigone de Sophocle, certes, mais surtout celle d’Anouilh dont le prologue ouvre le roman « Voilà , ces personnes vont vous jouer l’histoire d’Antigone » et dont l’épilogue le clôt « Et voilà, morts, ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire , même ceux qui ne croyaient en rien ».

L’Antigone d’Anouilh créée à Paris pendant l’occupation en 1942 et que Georges accepte d’aller monter à Beyrouth , comme un « devoir fraternel » rendu à Sam mourant . Une Antigone « ici et maintenant », « une pièce qui doit parler au présent « et que Sam a conçue pour « voler deux heures à la guerre en prélevant un cœur dans chaque camp ».

En replaçant la pièce dans le Liban de 1982, il réactualise le mythe d’Antigone la rebelle et confère ainsi à son roman une forme d’intemporalité et d’universalité. Les interprètes de la pièce sont tués, les uns après les autres, comme les personnages de la tragédie « Après Antigone, Hémon venait d’être tué ». Georges, en une sorte d’identification à Antigone, saupoudre de terre la dépouille d ‘Imane « J’étais Antigone penchée sur Polynice . J’ai répandu la terre sacrée sur son martyre ». Il trouvera la mort en revenant à Chatila pour accomplir un devoir, honorer une promesse .

Le thème du théâtre est omniprésent, en premier lieu par le titre qui renvoie à l’image souvent reprise dans le roman, désignant le mur virtuel qui sépare l’univers des personnages et celui du public. Sam, le metteur en scène, à la fois « grec, résistant, artiste » ; Georges , le militant internationaliste qui a fait du théâtre son « lieu de résistance , son arme de dénonciation » , et qui, avant la rencontre avec Sam, joue pour ceux qu’on exploite ou opprime et dont il veut populariser les luttes « C’est pour vous que nous combattions . Pour vous qui marchez le long des rails. Pour les ouvriers de l’usine Rateau, les grévistes d’Alsthom, les femmes battues, les jeunes méprisés, les immigrés privés d’honneur, les mineurs tout au fond, les marins à leur océan. C’est pour vous, messieurs, camarades, amis »

Un roman riche, qui suit la transformation de Georges au contact du projet, ses hésitations, ses désillusions, les fantômes qui le hantent et sa chute irrémédiable au retour en France. Un roman qui va crescendo, évoquant d’abord les affrontements des années 70 entre les activistes gauchistes et les membres d’Ordre Nouveau lors desquels George est passé à tabac, puis, par un voyage au bout de l’horreur, plongeant le lecteur dans une atmosphère dantesque, celle de l’affolement lors des bombardements de Beyrouth puis celle de la vision insoutenable, glaçante, des corps massacrés dans le camp de Chatila .

Une écriture nerveuse, qui claque comme des coups , pour un roman actuel et intemporel , celui d’une double tragédie : celle d’un pays déchiré , celle d’un homme aux rêves fracassés

L'IMPOSSIBLE GUERISON

9 étoiles

Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans) - 7 octobre 2013

Peut-on arracher à la guerre, même très brièvement l’espace de quelques heures, des belligérants ? L’objectif apparaît chimérique, surtout lorsque le moyen employé est le théâtre.
Samuel Akounis, Juif grec né à Salonique, ayant miraculeusement échappé à la Shoah, né en 1940 n’est pourtant pas revenu de tout : il croit, avec une certaine lucidité, avec le poids de l’expérience tragique de l’histoire, aux vertus de générosité, à la force des idées. Cette fidélité, il tente de la transmettre à ses amis, à Georges, étudiant en histoire, théâtreux à ses heures, militant au Quartier Latin dans les années 70. Il incite son ami à introduire de l’intelligence dans la défense de ses convictions, à ne pas utiliser les comparaisons et slogans trop outrés et simplistes.

Ainsi le morigène-t-il lorsque Georges se met à crier « CRS-SS » lors d’une manifestation : « Aloïs Brunner n’était pas là, Georges. Ni aucun autre SS. Ni leurs chiens, ni leurs fouets. Alors, ne balance plus jamais ce genre de conneries, d’accord ? »
Samuel, gravement malade, a une idée folle : abstraire de la guerre au Liban qui se déroule alors en 1982, les belligérants de cette guerre ; les sortir de ce contexte mortifère pour jouer leurs rôles dans Antigone, la pièce de Jean Anouilh.
Le casting est représentatif de toutes les parties prenantes : Antigone sera incarnée par Imane, une palestinienne. Créon, roi de Thèbes par un maronite de Gemmayzé. Trois chiites joueront les « Gardes ». Samuel veut faire jouer la pièce sur la ligne verte, qui sépare alors Beyrouth.
Pourtant, il apparaît très vite que le véritable sujet du roman n’est pas le pouvoir des arts ou des intellectuels sur la guerre, mais la possibilité de coexister avec la violence, avec sa pratique, son observation, son omniprésence. Ainsi Georges confie-t-il, à l’issue d’une bagarre avec des militants d’extrême-droite : « J’étais entré en violence pour défendre l’humanité. Ils la violentaient avec les mêmes armes. Il était trop tard pour reculer. J’acceptais que l’on ne comprenne rien à tout cela. »

La pièce ne se jouera pas, et la guerre reprendra bien vite le dessus. Cela, Georges ne peut qu’en prendre acte, amèrement, en rendant compte du développement de la guerre du Liban, de son caractère incompréhensible pour un occidental, perdu dans les divisions communautaires entre Chiites, Sunnites, Maronites, Druzes… Accablé par le spectre de la guerre, par l’impossibilité, en tant que journaliste, de communiquer ses émotions sur-le-champ, par le choc traumatique, auquel sont sujets beaucoup de correspondants de guerre, Georges fait cet aveu terrible qui peut résumer l’essence de ce livre : « La guerre avait rendu ma femme comme veuve. (…) Et maintenant, elle me réclamait. Elle m’exigeait pour elle, la guerre. Elle n’avait pas peur de mes cris, de mes coups, ni même de mon regard. C’était la seule qui avait vraiment faim de moi. »

L’écriture de ce roman est dépouillée, le style vif, haletant; les personnages attachants, en particulier Samuel Akounis, incarnation d’une sagesse dans l’engagement. Ce roman est une grande réussite dans la description des séquelles psychologiques et morales que peuvent entraîner toutes les guerres pour ceux qui y participent ou en rendent compte.

superbe!

10 étoiles

Critique de Sottovoce (Bruxelles, Inscrit(e) le 19 février 2004, - ans) - 23 septembre 2013

Un roman magnifique, dont les phrases courtes racontent l'urgence, l'angoisse, la peur, l'espoir aussi.
Un roman sur l’amitié, son exigence, au point de lui sacrifier l'amour de la famille.
Un roman sur la folie de la guerre, rien de nouveau sous le soleil, on est ailleurs, les noms sont différents, mais la folie reste la même.
Un écriture au service des émotions, fortes, si fortes, surtout pour cet homme, Georges, qui se trouve devant une réalité bien différente et cruelle par rapport à son passé de jeune contestataire français.
Jusqu'à en devenir fou?
Un seul regret pour moi, en avoir déjà terminé la lecture...

Antigone sous un cèdre.

10 étoiles

Critique de Ndeprez (, Inscrit le 22 décembre 2011, 48 ans) - 22 septembre 2013

Monter Antigone dans un pays en guerre en réunissant des acteurs venant des camps adverses? Voila la promesse que Georges fait à son vieil ami Sam.
Au fil du récit l'auteur décrit un pays en déroute , le Liban du début des années 80, les difficultés pour atteindre son but mais aussi les instants de grâce que peut apporter un tel projet.
Comme Antigone , le texte recèle des moments de bravoure, de fierté mais aussi et surtout une véritable tragédie.
Superbe , absolument superbe , ce roman très sobre interpelle , frappe (et fait mal) et assomme.
Formidable , assurément ce que j'ai lu de mieux de cette rentrée 2013.

Un grand roman

9 étoiles

Critique de Catherine de france (, Inscrite le 17 avril 2008, 60 ans) - 10 septembre 2013

Excellent roman qui nous plonge dans l'horreur de la guerre du Liban des années 80, des archaïsmes religieux et de l'impossible compréhension entre communautés malgré un projet humaniste. La lecture de ce roman ne peut que nous rappeler la situation actuelle en Syrie. Une lecture qui ne vous laissera pas indifférent.

"Quatrième mur" est un roman d’amitié et de sincérité entre trois êtres, Georges, Samuel le Grec et le Liban où le théâtre, un art majeur et direct et la guerre rentrent dans leurs vies. Bravo Mr Sorj Chalandon et Quelle Classe!

10 étoiles

Critique de Anonyme3 (, Inscrit le 6 septembre 2011, - ans) - 25 août 2013

Biographie de l'auteur:

Voir onglet biographie.

Quatrième de couverture:

«L'idée de Sam était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne...»

Mon avis:

+: Roman comme à son habitude chez Sorj Chalandon, très bien écrit et structuré, passionnant et qui se dévore d’une traite. Histoire d’amitié entre Trois êtres, Georges, Samuel le Grec et le Liban est d’une exceptionnelle simplicité, finesse et beauté, décuplée par l’amour, la distance, le théâtre et la guerre. La première partie qui se situe à Paris, entre les manifestations étudiantes des années 1970 et le début des années 1980 où Georges, sa femme Aurore et leur fille Louise, sont en proie à certain doutes, liés à l’obligation morale et la promesse faite à Samuel, de monter Antigone d’Anouilh à Beyrouth, au Liban, un pays en proie à la guerre. La seconde partie d’une exceptionnelle finesse et d’une extrême tension liée à la construction d’une pièce de théâtre en temps de guerre se déroule quant à elle principalement au Liban. Début et fin qui se rejoignent (On débute sous le canon d’un char militaire à Tripoli, le Jeudi 27 Octobre 1982, pour finir sous les bombes à Tripoli, le même jour, le Jeudi 27 Octobre 1982.). Quatrième de couverture bien réalisée.

- : Roman qui a du mal à démarrer, mais qui de pages en pages aspire le lecteur au plus profond de l’histoire et de ces personnages. Première de couverture, insipide (Comme à chaque fois chez Grasset.).

Conclusion:

"Le quatrième mur", de Sorj Chalandon est un roman d’amitié et de sincérité entre trois êtres, George, Samuel le Grec et le Liban où le théâtre, un art majeur et direct et la guerre rentrent dans leurs vies.

Dans la tête de Georges, ayant promis à son ami Samuel la création de la fameuse pièce d’Anouilh, Antigone, au Liban, se met alors en marche une certaine obligation morale. En proie à certains doutes liés à sa petite famille (Sa femme Aurore donne naissance à sa fille Louise.), Georges part monter Antigone d’Anouilh, une main tendue à la paix, à Beyrouth, au Liban, un pays où la guerre n’est pas, qu’une toile de fond.

Avec son début et sa fin qui se rejoignent où Georges débute sous le canon d’un char militaire à Tripoli, le Jeudi 27 Octobre 1982 et finit sous les bombes à Tripoli, le même jour, le Jeudi 27 Octobre 1982, Sorj Chalandon réussit un coup de génie, nous plonger, nous lecteurs, au plus profond de la guerre du Liban des années 1980.

Le quatrième mur est un roman à la fois d’une noirceur et d’une beauté à couper le souffle.

Quelle classe, quelle écriture, Bref en un mot, Splendide!

A ne pas rater en cette rentrée littéraire 2013.

Merci à Mr Sorj Chalandon et aux éditions Grasset pour ce roman "Le quatrième mur".

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