Vue sur le port de Elizabeth Taylor

Vue sur le port de Elizabeth Taylor
( A view of the harbour)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Féline, le 19 avril 2003 (Binche, Inscrite le 27 juin 2002, 46 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 240ème position).
Visites : 4 305  (depuis Novembre 2007)

Thé, ragots et vieille dentelle

Non non, ce n'est pas la très grande actrice américaine, inoubliable Cléopâtre, qui s'est mise à l'écriture de romans de fiction. Elizabeth Taylor est une romancière tout ce qu'il y a de plus anglaise, née à Reading dans le Berkshire en 1912 et décédée en 1975.
L'histoire se déroule dans un petit port du sud de l'Angleterre à la sortie de la guerre 39-45. Ancienne station balnéaire très prisée, la petite ville s'est désertée de ses touristes. La vie reprend son cours doucement mais l'ennui et la nostalgie des années prospères dominent ses habitants. Il n'y a d'autres recours que d'épiloguer sur ses voisins. La romancière dresse une belle brochette de personnages, tous plus typiques les uns que les autres et dont les destins s'entremêlent : Mrs Bracey, quinquagénaire dynamique qu'une maladie pulmonaire a cloué au lit et qui passe ses journées à espionner ses voisins et à soutirer des ragots à ses deux filles Maisie et Iris; Lily Wilson, gérante du musée de cire local qui souffre de la solitude depuis son récent veuvage; Bertram Hemingway, soi-disant peintre de passage, qui se promène, pipe aux lèvres, sur les quais et s'immisce peu à peu dans la vie des habitants; Tory Foyle, la plus belle femme de la ville, peau de porcelaine, teint frais et yeux violets. Abandonnée par son mari pour une femme officier, elle fait tourner la tête des hommes, dont Robert, le mari de sa meilleure amie Beth, dont elle est la maîtresse mais aussi de Bertram; Beth Cazabon, romancière lunatique, davantage préoccupée par la vie de ses personnages que par celle de ses enfants, elle vit dans un monde qui lui est propre; mais aussi Robert son mari, médecin local, Mr Pallister, tenancier du pub, Prudence, fille de Robert et Beth, qui découvre les premiers émois amoureux mais aussi la trahison de son père et Stevie, sa petite soeur.
Ce roman est un pur régal, une tranche de vie qui dure le temps de la réalisation du tableau de Bertram et du roman de Beth. Comme si la touche finale à ces deux oeuvres clôturait d'elle-même le roman d'Elizabeth Taylor. Dans la quatrième de couverture, l'éditeur pointe le personnage de Beth comme le plus intéressant et s'interroge : "double imaginaire ou réel de l'auteur"?. On s'attache à cette femme, indifférente, ou plutôt inconsciente du monde qui l'entoure. Sa fragilité et sa naiveté en font un personnage qui détonne dans cette petite ville britannique. Tory est également un personnage fragile, déchirée entre son amour pour Robert et son indéfectible amitié pour Beth, elle sera contrainte de faire un choix.
Elizabeth Taylor décrit de manière subtile et sensible la vie d'un petit port, les sentiments et les passions mises en oeuvre. En cela, elle me fait penser à Angela Huth, mais une Angela Huth d'un autre âge, avec un charme suranné, très vieille Angleterre, qui ravira les amateurs du genre

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D'une beauté sublime !

9 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 30 juin 2007

Elizabeth Taylor n'en finit pas de m'étonner ! Son écriture frise parfois la médiocrité alors que dans certains livres, elle touche au sublime !

Dans ce livre, elle donne la pleine mesure de son talent en dépeignant la vie d'une petite ville sur un bord de mer ou il ne se passe pratiquement rien depuis la désertion des vacanciers. Les habitants s'accomodent tant bien que mal de cette vie monotone et grise, chacun recherchant le bonheur et l'évasion dans leurs activités quotidiennes que ce soit la peinture pour Bertram, l'écriture pour Beth, la médecine pour Robert et la vue sur le port pour Mrs Bracey.

Le rythme est d'une lenteur qui en découragera plus d'un mais ce livre est d'une sublime beauté et aussi d'une immense tristesse. Tout baigne dans l'immobilisme et la nostalgie des beaux jours à jamais disparus. L'atmosphère d'une petite ville anglaise du bord de mer est remarquablement bien décrite avec le roulement des vagues, le vent, les odeurs et le phare qui balaie de son faisceau les petits drames cachés au plus profond des coeurs, les trahisons, les intrigues et les espoirs d'une vie meilleure. Vraiment très beau et combien émouvant !

"En hiver, le crépuscule se dépose sur la terre comme une poudre fine puis se solidifie, rendant l'air opaque jusqu'à ce que les maisons y soient enfouies en monticules, comme enneigées ; toutes les teintes pastel, en s'intensifiant, deviennent plus foncées. Mais à cette époque-là, en été, le crépuscule était fluide, lumineux, aiguisant les contours de tout ce qui se détachait dessus, les silhouettes des bâtiments, les poteaux télégraphiques le long de la voie ferrée, accentuant l'immobilité. Sur le tard, lorsque les réverbères s'éclairaient, on aurait dit que la lumière tombait entre les pétales d'une fleur sombre.
Vu de loin, le phare attaquait seulement les ténèbres en frappant des coups habiles, mais pour qui se trouvait à l'abri de ses murs blanchis à la chaux, un sentiment de mystère d'une autre qualité était évoqué : la lumière s'attardait davantage, semblait-il, et se diffusait plus loin, indiquant des étendues d'obscurité accrues et les merveilles impénétrables qui s'y cachaient."

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