Podium de Yann Moix
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Au pays des fans de Cloclo.
Yann Moix a écrit trois livres dont l'un a obtenu le prix Goncourt des lycéens. Podium (un beau titre) est sa dernière production. Elle a suscité la curiosité lors de la rentrée littéraire de 2002 et a même été reprise dans la première liste des Goncourables.
Le Goncourt, Yann Moix l’a raté. Son livre choc a suscité néanmoins de l'intérêt par l’originalité de son sujet : les péripéties hénaurmes de la vie d'un sosie de Claude François dont le gagne-pain consiste à se produire avec ses Clodettes, baptisées cette fois Bernadettes, puisque notre héros s'appelle Bernard Frédéric.
Concurrence intense dans le secteur puisque d’autres nombreux sosies de Sardou, C. Jérôme, Johnny, Mike Brant, Dalida, Balavoine, Joe Dassin se disputent âprement le marché. La province française est leur terrain de prédilection à tous.
Yann Moix ne fait pas dans la dentelle. C’est un écrivain-journaliste-dialoguiste qui est porté aux nues ou honni dans le landerneau parisien en raison de son franc parler accompagné souvent de mauvais goût et de cynisme. Le livre donne l’impression d'avoir été écrit rapidement, dans la jubilation, dans un style très brillant, provocant, délirant.
Le personnage principal Bernard Frédéric dit Nanard est quelqu’un de complètement insupportable, grossier, hâbleur, psychopathe, bref, la toute grosse tête. Il mène ses Bernadettes à la baguette et provoque des scandales partout où il passe. Comme il est , en plus, d’une pingrerie exceptionnelle, il agresse le petit personnel des restaurants " à volonté" qu’il fréquente assidûment sans payer la note, quitte à provoquer une bagarre à l'appui.
Pour gagner sa vie, il écume les marchés et hypermarchés, parkings, galas, foires. Marginal dans la profession, il s'offre le luxe de gagner, haut la main, un concours d'admission de l'organisation officielle des sosies de Cloclo. Examen perdu d'avance. Il retourne pourtant le jury, très prévenu contre lui. Il pique une vraie-fausse colère homérique , change lui même les règles du jeu et emporte la partie avec les félicitations du jury. Ses Bernadettes se sont surpassées et la carrière de Bernard Frédéric peut reprendre son envol.
Yann Moix connaît bien son milieu, il a lu la collection de Podium, la revue créée par Claude François,
Sans doute caricatural, son récit fourmille de scènes décalées, outrées, injustes. Il y a beaucoup de dérision dans l'air mais aussi une indéniable empathie. Néanmoins, le monde poignant et populaire des fans n'est pas dessiné avec assez de précision.
Tout est centré sur Nanard !
“ Le public hurle.A l'instinct, Bernard sent l’instant précis où les fans risquent de basculer de l'impatience à la furie. Bernard Frédéric apparaîtra bientôt dans un halo de lumière. J’ai eu un flash, là, en les regardant tous les cinq, de dos, s’avançant vers leur destin. J’aurais juré que c’était bien Claude, le vrai Claude François qui était là, parmi les vraies Clodettes, ressuscité, et même j'avais l'impression que sa mort n’avait jamais eu lieu, que tout ça avait été un mauvais rêve."
Nanard est aussi un grand amateur d’aphorismes burlesques, en exergue de chaque chapitre : “Les hommes ressemblent parfois plus aux autres qu’à eux-mêmes." " Je ne suis pas dans l’ombre de Claude : on ne peut être dans l’ombre de la lumière." "Claude n’est pas vraiment mort puisque je suis vraiment vivant.." Plus pertinent:" Celui qui ne croit pas aux miracles n'est pas réaliste."
Le sabir de Nanard: un mélange de français et d'anglais. Il estropie presque tous les mots, invente des néologismes, maltraite la syntaxe. C’est un langage qui lui appartient en propre.
Par exemple, les insultes ou jurons ( Bastapute etc.) qui ressemblent à ceux du capitaine Haddock.
Pasticheur de talent, Yann Moix nous livre le texte intégral du sermon du Révérend Père Paul-Eric Blanc-François donné à la mort de Bernard Frédéric . Une longue homélie plus vraie que nature.
L'histoire d’un Claude François, le destin de Bernard qui en est la magistrale illustration, est toujours une histoire d’amour. Etre un Cloclo n'est pas rester un amoureux solitaire. C'est communier, un bouquet de magnolias à la main, avec tous ceux pour qui Rio est autant une ville qu'un port, Alexandrie, une mélodie autant qu’un port." (..) Pour nous, éternels enfants, condamnés à l’impuissance, qui travaillons sans moissonner, et ne verrons jamais le fruit de ce que nous avons semé, inclinons-nous devant toi, Bernard, qui a su ce que nous ignorons: créer, affirmer, agir.
Nous avons dit que ce jeune écrivain , qui a du souffle, provoquait la contestation à Paris. Par exemple, Josyane Savigneau( du “Monde") écrit "qu’en dépit de quelques beaux morceaux de bravoure, on est étouffé par un véritable torrent de vulgarité". Peut-être. Mais ce torrent charrie quelques diamants...
Les éditions
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Podium [Texte imprimé], roman Yann Moix
de Moix, Yann
B. Grasset
ISBN : 9782246628415 ; 19,98 € ; 04/09/2002 ; 387 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (7)
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Intéressant
Critique de Bouboule15 (, Inscrite le 12 juillet 2011, 35 ans) - 12 juillet 2011
Le film bien entendu tourne cela à la comédie, c'est plus divertissant, mais je pense que le livre vaut quand même la peine d'être lu. Le fond n'est pas identiquement celui du film et si certaines personnes sont agacées par le personnage de Bernard, je l'ai trouvé très drôle, presque attachant par la passion qu'il met à être un Claude François parfait. Il dévoue sa vie entière à son métier, être Bernard Frédéric, et on peut observer à quel point ce sera destructeur autour de lui mais aussi en lui.
Hilarant
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 24 mai 2008
Quoi qu'il en soit, ce roman (et le film, pas mal, mais moins bon) est hilarant du début à la fin, en particulier grâce aux personnages. La scène des toilettes 'à la turque' est tout simplement... grandiose, à la fois à se tordre de rire et à vomir. Vraiment amusant, et les annexes situées en fin de livre, totalement délirantes (les différents sosies, les énoncés de l'examen de sosie officiel...), sont bien foutues. Super livre !
hmmmm ...
Critique de Calamity_jane (Montreuil, Inscrite le 20 mai 2005, 44 ans) - 3 juin 2005
Etant assez fan de Claude François, je me suis jetée sur ce livre quand je l'ai trouvé dans ma bibliothèque de quartier.
Comme le disent certains, c'est une mine d'informations sur la vie de Cloclo, donc, c'est très intéressant par passages, mais le personnage de Bernard est insupportable, et je n'aime pas vraiment les parties où on le voit évoluer ...
Au final, je ne sais pas trop quoi en penser ... Mais je pense que je préfère lire une biographie de Claude Francois ...
Dieu s'appelle Claude François
Critique de Mademoiselle (, Inscrite le 29 mars 2004, 37 ans) - 15 novembre 2004
Je pense que les fans de cloclo apprécieront les nombreuses anecdotes et références. Ils apprécieront peut-être moins l'avant-dernier chapitre.
J'ai adoré la prononciation de Bernard (pipole, x prononcé ss...). Mais le personnage est vraiment trop odieux.
J'ai souri aux nombreux extraits de la Bible, parfois remis à la sauce Claude François.
Dans l'ensemble, je trouve Yann Moix plutôt gonflé d'avoir écrit ce roman.
Je me suis toujours demandé ce qui pouvait pousser quelqu'un à devenir sosie. J'ai donc beaucoup apprécié ce passage:
"Nous avons nos fans, mais ce sont d'abord les leurs. Ils ont ricoché sur eux et sont revenus sur nous. Tout le monde y trouve son compte. Les autographes? Nous imitons leurs signatures comme nous imitions celle des parents sur les bulletins de notes. Nous sommes de sales copieurs. Sur scène, notre corps bouge mais ce n'est pas vraiment, pas seulement notre corps. C'est un peu le leur aussi. Nos gestes sont des plagiats de geste. Nous photocopions des attitudes. Incapables d'inventer des nouvelles figures, nous travaillons à l'infini les anciennes, qui nous servent de modèle et de canevas. On appelle ça un patron. [...] Bernard sait bien que les gens viennent applaudir l'autre, le mort. Il sait bien que, s'ils avaient le choix, ils le piétineraient pour approcher Claude François. Qu'ils échangeraient en une seconde la mort du "vrai" contre la sienne. Qu'ils troqueraient une minute de la vie du Cloclo 1939-1978 contre toute l'existence de Bernard Frédéric 1964-? Qu'ils viendraient, un par un, à la queue leu leu, lui cracher au visage afin que leur Claude François disparu vienne chanter une toute dernière fois Le téléphone pleure ou Comme d'habitude.
Emprisonnés dans un autre, nous sommes des morts-vivants. Nous sommes les zombies du showbiz. Des zombiz. Pourtant, dans l'épiderme d'un autre, nous trouvons notre bonheur. Quand on ne sait pas qui on est, autant être un autre qu'on a choisi. Claude, Michel, Johnny, Jérôme sont si grands qu'il y a de la place pou tout le monde dans leur costume. C'est en étant eux que nous sommes le plus nous. Ils nous prêtent vie."
Pour cloclomaniaque averti
Critique de Zibouille (Lustin, Inscrite le 12 août 2004, 54 ans) - 17 août 2004
Copie conforme
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 22 novembre 2003
Mais, pour Bernard, l'objectif numéro un, c'est participer à l'émission télévisée "C'est mon choix- spécial sosies".Il voit cette émission comme l'aboutissement de sa carrière claudienne. C'est l'occasion pour lui de reformer "les bernadettes", ses anciennes danseuses. L'occasion aussi de réviser les chorégraphies de tubes éternels que sont "Magnolias for ever", "Alexandrie, Alexandra". C'est un roman résolument drôle, burlesque, empreint de nostalgie dans lequel Yann Moix ne nous épargne rien. On atteint le comble de la ringardise à toutes les pages. Podium se lit comme on regarde "Striptease", l'émission regrettée de la RTBF. Cependant, ce roman souffre de lourdeurs et de répétitions. L'auteur nous sert du Claude François parfois jusqu'à l'indigestion. J'attends cependant de voir le film avec notre Benoît Poelvoorde national.