Au piano de Jean Echenoz
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Mélodie en sous-sol
"Un homme a peur. Il va mourir violemment dans vingt-deux jours mais, comme il l'ignore, ce n'est pas de cela qu'il a peur."
Cet homme, c'est Max, pianiste classique qui se produit en club, et qui souffre d'un trac inextinguible avant de rentrer en scène. Et il n'est pas libre Max! Il souffre d'alcoolisme et la pensée d'une certaine Rose, rencontrée des années auparavant, ne cesse de le hanter. N'empêche, à part cela, une vie somme toute normale!
Un roman en trompe-l'oeil! Après un bon tiers de celui-ci, nous sommes entraîné dans un Centre, genre de Purgatoire, à l'univers kafkaïen. Un faux-monde trouble et dérangeant digne du "Procès". Et puis, dernier tiers, une vision de l'enfer à nulle autre pareille. Un exercice de style en tout les cas où l'on passe de vie à trépas en un tournemain: Vie-Purgatoire-Enfer. La vie comme éternel recommencement!
Une écriture virtuose, comme ce pianiste en mal d'affection, qui se glisse, insidieuse. Un humour distillé à petites doses. Une fin à la David Lynch, surprenante!
Les éditions
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Au piano [Texte imprimé] Jean Echenoz
de Echenoz, Jean
les Éditions de Minuit
ISBN : 9782702882009 ; 14,70 € ; 29/12/2002 ; 223 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (18)
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Le goût du détail
Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 13 janvier 2014
Et que l'on sache d'emblée qu'il va mourir 22 jours plus tard..
La deuxième partie , le purgatoire en quelque sorte, m'a laissée un peu sur ma faim. Il y a pas mal de romans dont l'action se situe après la mort, je pense notamment à Ainsi vivent les morts de Will Self. Là, à part avec l'histoire de Doris Day et de Dean Martin, qui ont eu des régimes postmortem de faveur, je me suis un peu ennuyée.
Par contre, la troisième partie est assez drôle.
Justice immanente ou névrose de destinée... Pauvre Max!! L'enfer, c'est bien les autres..
C'est un roman en forme de pied de nez qui se lit très vite,plein d'humour , et on retrouve l'écriture d'Echenoz , toujours très méticuleux dans les détails les plus infimes, ce que, personnellement, j'aime beaucoup.
A la recherche de l'ombre
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 8 janvier 2013
Un soir, Max se fait méchamment agresser par deux adolescents ; à tel point qu’un couteau s’est enfoncé dans la gorge jusqu’aux vertèbres cervicales. Aïe !
On peut dire que Max se retrouve au Centre, comme qui dirait le purgatoire : autour de lui, à 360 °, jusqu’au bout de l’horizon et même plus loin encore, un parc tout à fait paradisiaque ; pourtant il semble bien qu’on doive s’y ennuyer ferme et très vite …
Max pourra revenir chez les humains mais à trois conditions.
On n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer avec ce bouquin ; on va de surprise en surprise, tout au long d’une histoire passablement loufoque et emplie d’humour.
Il est chouette Echenoz !
Extraits :
- Bien sûr, vous avez le soleil tout le temps, mais vous êtes bien d’accord avec moi que le meilleur du soleil, c’est l’ombre.
- Elle était accompagné d’un petit garçon, dans les quatre ou cinq ans, qui ne cessait de se plaindre d’une voix inquiète de ce qu’il y avait tout le temps quelque chose de noir qui le suivait, qui était là, qui ne voulait pas s’en aller. Mais c’est ton ombre, mon chéri, lui avait répondu la jeune femme, ce n’est rien. Enfin ce n’est pas que ce n’est pas rien mais c’est ton ombre.
- C’est que l’amour – enfin, quand je dis l’amour, je ne sais pas si c’est le mot – n’est pas seulement volatil mais il est également soluble. Soluble dans le temps, dans l’argent, dans l’alcool, dans la vie quotidienne et dans pas mal d’autres choses encore. Et sexuellement par exemple, ça n’allait plus être ça du tout (…)
Frustration
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 21 juin 2004
Extrait d'un entretien accordé à Matthieu Remy par Jean Echenoz dans la revue Zooey n°3 :
"Je ne peux pas envisager un roman sans mouvement. C'est peut-être encore lié à ma grande sensibilité à l'ennui. Si ça ne bouge pas, d'une manière ou d'une autre, ça me fige de façon insupportable. Je ne sais pas pourquoi mais je ne peux pas concevoir un roman sans ce mouvement, sans qu'il passe par des lieux qui, s'ils n'ont pas l'air d'être fascinants pour le personnage qui les traverse, le sont pour moi. Soit parce que je les ai vus, soit parce que je les ai reconstitués. Il faut que ces lieux possèdent, encore une fois, une pertinence romanesque. Cette pertinence-là, on ne la trouve pas partout. Et je ne sais pas toujours au juste pourquoi. Ça peut être le Pavillon des abats, par exemple, au Marché d'intérêt national de Rungis. J'y arrive une nuit, au hasard d'un repérage, et je me dis aussitôt : voilà, c'est ça. Nous y voilà. Ça peut être une ville du Nord-Est du Pérou - j'ai un peu voyagé au Pérou - où je me suis dit : voilà l'endroit. Voilà un endroit générateur. Qui n'a pas seulement une existence réelle, mais qui a aussi et surtout - pour moi - une existence romanesque évidente. Je vais alors essayer de reconstituer cette fascination-là. Ce qui n'a évidemment rien à voir avec des critères esthétiques."
(Zooey, 12 rue Gustave Simon, 54000 Nancy)
Pour quelques boutons de plus...
Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 14 juillet 2003
Je ne résiste pas à l'envie de vous citer l'histoire des boutons. : "Deux nouveaux boutons décidèrent de déserter son vêtement, l'un courant se réfugier sous un meuble, l’autre, prenant le maquis dans une fente du parquet."
Quant au fond, je ne peux que souscrire à la critique de Patrick Kéchiran, dans le Monde. "L'auteur détourne à son profit et au nôtre quelques genres traditionnels comme le roman d'aventures, de voyage ou d'espionnage."
Effectivement, aucun critiqueur n'a encore mentionné le séjour du héros dans une obscure ville du Pérou pour les besoins de sa nouvelle identité, pays tropical où il fera connaissance avec quelques coutumes locales.
Confrontée à cette description de la scène de pilotage qui me rappelle quelques souvenirs tropicaux, je suppose que l’auteur a dû prendre un de ces avions locaux pilotés par des pilotes qui ne s'encombrent pas de tour de contrôle pour effectuer leur piqué : "Quand Max se fut installé dans le petit avion, celui-ci se mit en mouvement à toute allure, gagnant en un clin d’oeil son altitude et sa vitesse de croisière, témoignant du professionnalisme des pilotes. Dans ce pays, se maintient en effet une longue tradition d'aviateurs virtuoses, décollant à l’heure dite et se posant à l’heure pile sans s’embarrasser d’égards ni de nuances – n'hésitant pas à descendre en piqué vers le but, presque à la verticale et sans ménager le moindre palier de décompression, au mépris des tympans des passagers qui tous en chœur, alors, pressent leurs mains sur leurs oreilles en hurlant de douleur". Un seul regret : une fin bâclée, un peu comme si les idées de l'auteur s’étaient subitement mises en grève…
Ah, oui ! Superbe !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 25 juin 2003
Chair de poule
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 25 juin 2003
Un ticket qui a du punch
Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 25 juin 2003
Ah ! ce ticket cure-dents aux bouts recroquevillés qui gît sur le sol et qui m’horripile au plus haut point, dernière traces d’un partenaire parti en claquant la porte..
Et ce ticket cure-ongles, preuve de mon ennui devant une attente qui s'éternise..
Ce ticket marque-page subitement emprisonné dans le livre à peine ouvert parce qu'un tonitruant « 55! » s'échappe de la bouche du boucher..
Ce ticket cale-pieds pour cette table branlante du petit estaminet où nous nous retrouvions l’espace d'un midi.
Ce ticket gribouillis où les mots soigneusement alignés finissent par déborder de partout, tête-bêche, sur le dos, sur le ventre, en poirier, en accordéon..
Ce ticket au destin tragique, jeté dans un égoût de l'île de Whight puis repêché miraculeusement par une main qualifiée de secourable alors qu’elle tentait d'échapper à une arrestation.
Ah ! Ce ticket ! Il me met l'eau à la bouche ! Faut vraiment que je lise toutes les notes égrenées par ce piano..
Non, je ne me lance pas...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 24 juin 2003
A l'opposé de Céline, j'aime aussi Dostoïevski, mais avec moins de passion. Lui, il avait tendance à construire ses romans en fonction des idées qu'il voulait exprimer. Dieu sait qu'il en avait et Dieu sait aussi à quel point elles nous marquent encore. Mais le style... Aussi, je suis bien forcé d'admettre que je lis avec un plaisir bien plus complet un livre de Céline ou de Yourcenar que de Dostoïevski, même si je relis aussi régulièrement chacun. Vive le style, donc ! Où je suis un peu moins d'accord avec Lucien, c'est quand il dit qu'il ne fait que des critiques positives. Mon opinion est que je me dois de tenter de mettre en garde devant une dépense inutile ceux qui ont une "certaine tendance" à m'accorder un peu de crédibilité. Un livre coûte déjà une certaine somme et il en est tellement que nous aimerions acheter! Autant essayer d'éviter les "erreurs" aux autres. Je ne suis pas heureux d'avoir payé un livre quand après je ne veux même pas le mettre dans ma bibliothèque (comme "L'alchimiste" par exemple). Bien sûr, mes critiques positives peuvent aussi décevoir des lecteurs après lecture, mais la subjectivité est impossible à éviter et le rôle du critique est quand-même de donner son opinion. Selon sa personnalité et la nôtre nous lui accorderons plus ou moins de crédibilité. Le lecteur du critique est aussi subjectif que le critique lui-même. C'est le jeux !
C.q.f.d....
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 23 juin 2003
Le fond
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 23 juin 2003
1. « Pourquoi ce livre, a t il une signification, que veut nous faire partager l'auteur ? » demande Rotko. Je crois (je me répète) que cette question, en l'occurrence, est à peu près inutile. Ou plutôt, elle contient la réponse : le livre. Si nous le lisons jusqu'au bout, nous aurons partagé ce roman avec son auteur. Nous lui aurons apporté ce qui lui manque pour exister pleinement : notre lecture. Comme nous ne sommes ni devant un conte philosophique, ni devant une parabole, ni devant un roman engagé (entre autres), pourquoi chercher plus loin que notre plaisir de lecteur ?
Si je me demande, parmi mes lectures récentes, celles qui m'ont apporté le plus de joie, si je repense à Millon, à Martin Page, à Hélène Lenoir, à Gailly, je n'ai pas le souvenir de leçons de morale enveloppées dans de l'emballage cadeau, mais d'histoires que l'on me racontait. La « signification » ? Elle est à l’intérieur du livre, pas à l’extérieur. Dans sa dernière critique, Rotko donne la note de 4,5 sur 5 à ce qui semble d'après sa description un bon vieux roman de pur divertissement, « Tous des voleurs ». Pourquoi demander plus à Echenoz qu’à Edward Anderson ?
2. Un tel roman, toujours selon Rotko, serait un « exercice purement formel qui joue de ficelles bien apprises, que reconnaissent nos exégètes ! » Voici un argument déjà utilisé il y a une cinquantaine d'années par les détracteurs du Nouveau Roman : « exercice purement formel ». A nouveau, j’ai déjà répondu (par l'argument de Robbe-Grillet sur le fond et la forme). Il n’est pas de forme qui ne porte un fond, pas de fond qui ne passe par une forme. Même si les formes évoluent, même si les canons changent. Une tragédie en cinq actes et en alexandrins est-elle un « exercice purement formel » ? Un sonnet régulier n’est-il qu’un « exercice purement formel » ? Non, la plupart du temps non. Ni plus ni moins qu’un roman de Butor, de Robbe-Grillet ou d'Echenoz.
Sur « exégètes », voir le point 3.
3. Rotko semble aussi me considérer comme un « exégète » qui développerait dans sa critique des « considérations savantes, qui débordent largement le cadre du roman ». Je pourrais lui répondre que lui-même n’agit pas autrement quand, toujours à propos de « Tous des voleurs », il écrit : « Ce récit fut adapté deux fois au cinéma par Nicholas Ray en 1947, "they live by night", et par Altman en 1973, "Thieves like us". Huit photos insérées dans le livre font rêver de cinéma. Chandler voyait dans ce roman une "des meilleures histoires sur la pègre". » Il fait en effet état d’une science du cinéma que l’on pourrait estimer inutile à la stricte lecture. Je pourrais, mais je ne le ferai pas. Car ces détails m’intéressent et ajoutent à l’intérêt que je prends à lire une critique. Ceci dit, j'ai beau relire ma critique dans tous les sens, je ne vois pas où sont les « considérations savantes » dont parle Rotko. Et surtout, je ne vois pas du tout en quoi je ferais une lecture d’« exégète ». Bien au contraire. Il faut à nouveau que je me répète : « Ah ! Ce petit jeu du chat et de la souris où les mots toujours ont le dernier mot, où le lecteur jubile, oui, jubile de se « faire avoir » car c’est si bon d'être un enfant à qui on raconte une histoire en réussissant à lui faire prendre – mais si gentiment – les vessies de la réalité pour des lampes d'Ali Baba dont peuvent sortir tous les génies ! » Je ne crois pas que je propose pour ce roman une lecture d'exégète ! Ou alors, les enfants qui se régalent de contes de fées et de BD sont des exégètes… Ceci dit, chaque oeuvre s’enracine dans le terreau de toutes les lectures de son auteur et cherche à disperser ses graines dans le terreau de son lecteur (terreau fertilisé par toutes ses lectures précédentes). Est-ce faire preuve d'érudition que de mentionner le clin d'œil aux « Exercices de style » de Queneau ? D'autre part, si j’ai développé un peu longuement cette critique « éclair », c’est que je souhaitais répondre à trois « critiqueurs » : Nothingman, Tophiv et Rotko lui-même. D'où les « débordements ».
4. « "Comme il ne se passe pas grand chose dans cette scène, on pourrait l'occuper en parlant de ce ticket"... S'il s'agit d'occuper le terrain et le lecteur, au moins la franchise est une qualité » dit aussi Rotko.
Ce faisant, il cite bien Echenoz. Mais on peut faire dire n'importe quoi à une phrase sortie de son contexte. Voici le passage complet : « Comme il ne se passe pas grand-chose dans cette scène, on pourrait l'occuper en parlant de ce ticket. C'est qu'il y aurait pas mal de choses à dire sur ces tickets, sur leurs usages annexes – cure-dents, cure-ongles ou coupe-papier, plectre ou médiator, marque-page et ramasse-miettes, cale ou cylindre pour produits stupéfiants, paravent de maison de poupée, micro carnet de notes, souvenir, support de numéro de téléphone que vous gribouillez pour une fille en cas d'urgence - et leurs divers destins - pliés en deux ou en quatre dans le sens de la longueur et susceptibles alors d' être glissés sous une alliance, une chevalière, un bracelet-montre, pliés en six et jusqu'en huit en accordéon, déchirés en confettis, épluchés en spirale comme une pomme, puis jetés dans les corbeilles du réseau, sur le sol du réseau, entre les rails du réseau, puis jetés hors du réseau, dans le caniveau, dans la rue, chez soi pour jouer à pile ou face : face magnétisée, pile section urbaine -, mais ce n'est peut-être pas le moment de développer tout cela. » Personnellement, je trouve extraordinaire de lire autant de choses dans un banal ticket de métro. « Occuper le terrain et le lecteur » ? Certes (c’est d’ailleurs le titre d’une merveilleuse nouvelle d’Echenoz : « L’occupation des sols »), et c'est déjà beaucoup. Mais d'une manière intelligente et imaginative. Il est des moyens plus débiles d'occuper son temps.
5. « Pour moi qui lisais pour la première fois un livre d'Echenoz (et encore 71 pages seulement), l'expérience n'est pas concluante. » dit enfin Rotko. Tophiv a raison de souligner que Rotko se permet de démolir ce roman après n’en avoir lu qu'un tiers. Cela ressemble à du zapping.
Mes critiques sont presque toujours positives car mon but a toujours été d’amener à lire. Mais mes rares critiques négatives (« L'alchimiste », « Moi qui n'ai pas connu les hommes », « Mort d'un parfait bilingue » entre autres) portent sur des romans que j’ai mis un point d’honneur à achever.
J’ai donné quatre étoiles à « Retour à Montechiarro » qui me tombait des mains pendant les 50 premières pages puis qui m'a emballé. Il m'est arrivé, bien sûr, de « laisser tomber » après cinquante ou cent pages. Dans ce cas, je préfère me taire.
Pour terminer, je ne dirai pas comme Rotko que « je n'interviendrai plus sur le sujet » car je ne demande pas mieux que de continuer à dialoguer à propos de ce livre.
71 pages / 233 soit moins d'un tiers ...
Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 23 juin 2003
Dans le cas contraire, faire preuve d'une certaine mesure, et d'une certaine écoute envers ceux qui ont eux terminé cette lecture me semble être le minimum ...
La forme et le fond
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 23 juin 2003
bienheureux les "bons" lecteurs car ils aimeront ce qu'ils lisent :-)
Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 22 juin 2003
Echenoz, "il se morfond avec les toilettes", toutes ces découvertes m'ont sans doute empêché de jubiler, mais je m'en réjouis pour ceux qui sont plus réceptifs :-) bien cordialement, je n'interviendrai plus sur le sujet.
Une façon d'écrire
Critique de Thomas Fors (Beloeil, Inscrit le 10 avril 2002, 88 ans) - 22 juin 2003
Cueillons la rose...
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 21 juin 2003
« Vie-Purgatoire-Enfer » : Nothingman l’a bien vu. Ce schéma ternaire marque nettement la structure du récit. Mais je ne partage pas sa conclusion (« La vie comme éternel recommencement! ») car la vie ne recommence pas, justement. Les occasions ratées ne se retrouvent pas : femmes ou fleurs, il faut cueillir les roses quand l’occasion se présente, sinon, c'est vraiment l’enfer, comme pour Max dans ce dénouement à petit frisson qu’il ne faut pas dévoiler mais qui vaut le déplacement.
C'est peut-être cela qu'il « veut dire », ce roman, Tophiv : qu'il ne faut pas regarder passer sa vie. Car pour Max, malgré une femme soeur, une femme souvenir, une femme apparition, le bilan de la vie affective est plus proche de zéro que de l'infini. Et ça, c’est irréparable car la vie ne repasse pas les plats. Ceci dit, Tophiv, je ne crois pas qu’il faille toujours chercher à «interpréter» (je reprends tes termes) ce que l’auteur a « voulu dire ». Echenoz ne s’est jamais présenté comme un auteur engagé à la Sartrécamus. Ce qu'il veut dire, c'est son livre. Point final. Ce n’est pas une fable à décoder, un rébus à lire au second degré. Depuis les auteurs du « Nouveau Roman », les éditions de Minuit nous ont appris à tenir l’engagement pour une « notion périmée ».
Que reste-t-il alors ? Un roman, et c'est déjà beaucoup. Un roman où l’auteur s'amuse avec les mots et cherche à faire partager son plaisir au lecteur. Jubilatoire, oui. J'ai souri souvent et ri plus d'une fois de ressentir cette complicité entre l’auteur et moi. «Vous, je vous connais, par contre, je vous vois d’ici. Vous imaginiez que Max était encore un de ces hommes à femmes.» En plein dans le mille, Echenoz ! C'est exactement ce que je me disais, moi, lecteur. Parce qu’il m'y avait habilement amené lui, l'auteur. Ah ! Ce petit jeu du chat et de la souris où les mots toujours ont le dernier mot, où le lecteur jubile, oui, jubile de se « faire avoir » car c’est si bon d'être un enfant à qui on raconte une histoire en réussissant à lui faire prendre – mais si gentiment – les vessies de la réalité pour des lampes d'Ali Baba dont peuvent sortir tous les génies. Comme dans cette torride «nuit d’amour avec Doris Day» du chapitre 18 où l’imagination fantasmatique du lecteur a beau jeu de se déployer sans limites ! Et les clins d'œil ! Dès le début, ces deux personnages désassortis - dont un élégant - qui se baladent du côté du parc Monceau et dont l’un finira par interpeller l’autre en lui disant : « Il est bien, ton chapeau », ça ne vous rappelle rien ? Non ? Même pas les «Exercices de style» de Raymond Queneau ?
Le mot est lâché : « exercice de style ». Et là, je ne peux pas suivre Rotko quand il parle de style « bâclé ». Tout juste puis-je lui accorder une circonstance atténuante puisqu'il écrit : « le style me semble bâclé ». Sage précaution que l’auxiliaire. Car nous savons aussi depuis Robbe-Grillet que l'écriture est une composante essentielle du roman. Qu’elle est aussi importante que le « fond ». Qu’il est d'ailleurs vain, absurde, « périmé » de chercher à les distinguer. Un romancier digne de ce nom – et Echenoz est de ceux-là, Echenoz dont le dernier roman remonte à près de quatre ans – est aussi, un poète, c’est-à-dire un artisan qui cherche constamment la quadrature du cercle, le nombre d'or, autrement dit l'adéquation parfaite de la forme et du fond, du son et du sens. Considérer le style d’Echenoz comme bâclé ne peut se concevoir qu’à l’aune d'un point de comparaison obsolète. Car la notion de style a évolué depuis Flaubert ! Comparons : les abstractions de Nicolas de Staël, les toiles cubistes de Picasso sont-elles « bâclées » ? Les œuvres réalistes d’un Courbet sont-elles esthétiquement supérieures ? La musique contemporaine de Berio ou Ligeti est-elle moins musicale que celle de Schubert ou de Liszt ? Nous sommes au vingt et unième siècle, ne l'oublions pas ! En 1873, au terme de sa « Saison en enfer », Rimbaud écrivait : « Il faut être absolument moderne. » Cent trente ans après, il serait peut-être temps que nous l'écoutions.
Exultate jubilate
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 21 juin 2003
«"L'autre qui s'appelait Max Delmarc, détenait une cinquantaine d'années". Drôle d'emploi pour le verbe détenir !» Si je peux me permettre, Rotko, avoir un style propre, c'est employer les mots autrement... C'est ça qui distingue l'écrivain des autres.
«...cliché à l'état pur : "il gagna le sous-sol de l'établissement où se morfondaient comme toujours le téléphone et les toilettes."» Un cliché, c'est une expression usée à force d'avoir servi ("le blanc manteau de la neige"). Or je n'ai pas souvent lu "se morfondaient comme toujours le téléphone et les toilettes." Cliché ou emploi bizarre (c'est-à-dire des "défauts" inverses)? Faudrait choisir.
"Max préféra vite regarder son ticket. Comme il ne se passe pas grand chose dans cette scène, on pourrait l'occuper en parlant de ce ticket. C'est qu'il y aurait pas mal de choses à dire sur ces tickets, sur leurs usages annexes etc." C'est ça la littérature, Rotko : trouver quelque chose à dire sur les tickets. Pas seulement raconter qu'on a un ticket...
Je cours acheter "au piano"!
je ne jubile pas !
Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 20 juin 2003
En quatrième de couverture, trois critiques dithyrambiques tirées du Monde, du journal du dimanche et de telerama : on y parle de "jubilation dans le récit"(le monde)."Echenoz s'en donne à coeur joie avec le récit" (télérama). Quoique d'esprit bienveillant, en général, et souvent joyeux, je n'éprouve guère d'enthousiame dans ma lecture. Ce pianiste à l'esprit vide, ce récit répétitif (les balades dans le parc Monceau ! ) font qu'à la page 71 je vais abandonner le livre. Deux remarques pourtant : le style me semble bâclé. P 11 "L'autre qui s'appelait Max Delmarc, détenait une cinquantaine d'années". Drôle d'emploi pour le verbe détenir ! P 42 le cliché à l'état pur : "il gagna le sous-sol de l'etablissement où se morfondaient comme toujours le téléphone et les toilettes." Se morfondaient ! et je me demande si l'auteur ne se moque pas de son lecteur. P 71 "Max préféra vite regarder son ticket. Comme il ne se passe pas grand chose dans cette scène, on pourrait l'occuper en parlant de ce ticket. c'est qu'il y aurait pas mal de choses a dire sur ces tickets, sur leurs usages annexes etc...".
Vous disiez "jubilation" ? on ne doit pas avoir le même dictionnaire.
un petit goût d'inachevé ?
Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 11 juin 2003
Mais quel sens donner à tout ça ? En fait, il m'a semblé entrevoir beaucoup d'interprétations possibles, sans pour autant en saisir une seule assez convaincante, une seule assez fouillée, affirmée. Je n’ai pas trouvé l’idée pour laquelle je puisse dise à coup sûr : c'est cela que voulait dire l'auteur.
J’ai lu un commentaire dans la presse qui titrait sur le célèbre « L'enfer, c’est les autres ».
J'ai plutôt eu l’impression que Echenoz nous dit, ici, « mon enfer est en moi ». C’est moi qui le crée par mes propres angoisses, mes inhibitions. Il ne tient qu'à moi d'en sortir, comme cet évadé du « purgatoire » que Béliard prétend venir chercher sur terre, comme Max quand il décide de renouer avec la musique malgré les règles de Béliard, et enfin comme Béliard par son acte final.
On peut aussi peut être continuer dans ce sens en disant que pour Echenoz, rien ne sera mieux après notre mort, notre paradis est ici, notre enfer aussi, à nous de décider !
Bref outre l'interprétation choisie ou perçue, on trouve ici un récit assez original et aéré qui m'a cependant laissé un petit goût d’inachevé. Tout en phrases courtes, le récit oublie sciemment toute psychologie, et la rapidité de ses enchainements m’a un peu laissé sur le côté sans que je puisse pleinement me prendre au jeu, me passionner pour ce roman.
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jean echenoz au piano | 3 | Rotko | 20 octobre 2008 @ 23:12 |