L'épervier de Maheux de Jean Carrière

L'épervier de Maheux de Jean Carrière

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Monocle, le 14 mai 2013 (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 309ème position).
Visites : 4 209 

Misère

Toujours dans ma quête qui consiste à découvrir un prix Goncourt digne du Panthéon de la littérature me voici arrivé au lauréat de 1972.
Dieu créa le monde en 7 jours. Jean Carrière créa l'ennui en 8 pages... les premières. Je n'ose vous reproduire ici la plus longue phrase au risque de vous faire mourir d'ennui. Affligeant. Je me dis souvent qu'un livre se doit d'être accrocheur dès le début comme un bon repas et là c'est raté. Mais avec de la persévérance, passées les 30 premières pages le roman prend une légère envolée. Il faut toutefois attendre les deux tiers du livre pour que l'histoire prenne vraiment sa forme. Le décor : Le Haut-Pays des Cévennes. Un fermage isolé dans une montagne ingrate. L'été c'est le Sahara et l'hiver le Pôle Nord. Pas grand chose ne pousse et le menu quotidien sont des châtaignes servies sous toutes ses formes dont une soupe nommée "bajana". Un couple qui s'éteint, une solitude qui pousse à la folie.
Quelques citations au hasard pour donner une idée du climat du roman :
- "Seigneur, nous te remercions pour les bienfaits dont tu nous inondes. Si on devait te remercier pour les emmerdements la vie entière ne serait qu'un longue action de grâce.
- " C'était un murmure doux et léger qui annonçait la fin des ennuis et le commencement de nouveaux désastres.

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Régionalisme

9 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 20 juillet 2021

Prix Goncourt en 1972, Prix Goncourt que l'auteur du roman, Jean Carrière, aurait, au final, indéniablement refusé s'il avait su à l'avance à quel point ça ne lui serait pas favorable... Carrière fait partie de cette catégorie d'auteurs récompensés par le Goncourt et auxquels le Goncourt a fait plus de mal que de bien.
Du bien, certes : le roman a été une énorme vente, en France et à l'étranger (traduit en plusieurs langues), et en plus, c'est un excellentissime roman, ça ne gâche rien.
Du mal, quand même : l'auteur se fera directement cataloguer "écrivain régionaliste" rien qu'avec ce roman, on lui conservera cette "pancarte", or il me semble que Carrière n'a pas fait qu'écrire des romans de ce style.
Ensuite, je pense que ses autres romans se sont nettement moins bien vendus que "L'Epervier de Maheux", parce qu'ils n'ont pas eu le Goncourt, eux.
Mais il n'est pas le seul dans cette configuration : Echenoz, Lainé, Chessex, Bory, Chamoiseau ont moins vendu de leurs autres romans que de celui qui leur a fait gagner ce prix.
Le roman ? Il se passe intégralement dans les Cévennes, région que l'auteur connaît bien et dont il parle avec passion. On lui reprochera cependant un certain sens du fatalisme et une exagération dans la dépiction des conditions de vie à l'époque (le roman se passe entre les années 40 et 1954), genre "on ne mange que des châtaignes, parfois un corbeau quand on arrive à le shooter, on n'a pas toujours accès à de l'eau en permanence".
Ca fait un peu "j'tions pauv' paysan" (merci Fernand Raynaud) et l'auteur en rajoute peut-être un petit peu, mais on lui pardonne. L'histoire (en gros, un homme, pas très fin, tente de (sur)vivre dans sa maison, avec sa femme qui le méprise, afin de prouver à tout le monde qu'il n'est pas un boubourse, mais qui prend de mauvaises décisions et accumule contre le le mauvais sort) arrive au final assez tard dans le livre, l'essentiel, c'est plus une sorte de survol de la vie paysanne dans le Causse, ses joies, surtout ses peines. L'écriture est sublime, on s'y croirait, dès la première ligne.
Les gens du coins sont des taiseux, ce roman aussi : il faut attendre une quarantaine de pages pour avoir enfin une ligne de dialogue, et des dialogues, ce roman n'en contient pas des masses, par ailleurs. Il n'en a pas besoin.
Quel roman !

Excellent, superbe, sombre et triste

8 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 29 novembre 2018

« L’épervier de Maheux », dans une belle édition reliée Jean-Jacques Pauvert, collection « Prestige du livre », faisait partie des quelques livres exposés dans la vitrine de mes parents et dès tout jeune, ce titre m’interpellait. Je le trouvais beau et chargé de solennité. Je me suis toujours dit que je le lirai un jour. Ce n’est que récemment, à plus 45 ans passés que je me suis décidé à le prendre et à l’emmener pour le lire chez moi, suite à mon dernier séjour chez mes parents. Il en a fallu du temps, plus de 30 ans ! mais mieux vaut tard que jamais !

Un homme qui vit seul dans l’âpreté des Cévennes et qui se prenait d’une haine obsessionnelle pour un épervier qui tournait dans le ciel, voilà ce à quoi je pensais en songeant à ce titre d’épervier de Maheux. Je n’étais pas loin du compte !

Il y a bien un homme et un épervier dans l’histoire, mais pas seulement. Il s’agit en fait d’une famille qui vit dans la pauvreté, dans une rude contrée des Cévennes, loin de tout. Le roman s’attarde sur chacun des membres de cette famille, d’abord le père, puis la mère, le fils cadet et enfin le fils aîné.

C’est une histoire tragique que nous conte l’auteur, avec une superbe écriture, le récit d’une région et de ses habitants, où la vie n’est pas des plus faciles, loin de là. Mais cette superbe écriture relate des faits, des événements, des personnages, des paysages, de manière presque exclusivement sombre et triste. Livre à éviter si vous êtes de tendance mélancolique ou dépressive ! L’auteur d’ailleurs, après son livre et son succès au Goncourt, sombrera lui-même dans la dépression ! Malgré cela, c’est aussi un récit aux tonalités poétiques et philosophiques, plein de couleurs et de profondeurs, c’est ce qui en a fait son originalité et son succès, je pense. Est-ce que cela méritait le prix Goncourt ? S’il n’y avait pas eu de meilleurs livres en lice pour le prix que celui-là lors cette année 1972, alors c’est justifié, car c’est effectivement excellent sans pour autant atteindre au statut de chef d’œuvre.

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