Au-delà de Horacio Quiroga

Au-delà de Horacio Quiroga
(Más allá)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine , Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Jfp, le 28 avril 2013 (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 75 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 189ème position).
Visites : 3 810 

qui rôde là ?

Onze nouvelles d'inégale longueur, imprégnées de fantastique, par l'auteur du célèbre "Anaconda". Toutes ne traitent pas de la vie après la mort (fantômes, vampires, revenants…) mais toutes sont empreintes de ce sentiment d'irréalité que nous avons tous connu un jour ou l'autre, au détour d'une rue ou, tout simplement, dans nos rêves éveillés. La plus étrange, "Son absence", traite du cas de cet ingénieur qui, d'un instant à l'autre, se retrouve projeté six années plus tard, devenu entre-temps mondialement célèbre par son talent d'écrivain, et fiancé à une femme très belle, très riche et très amoureuse qu'il n'a, bien entendu, jamais connue dans sa "vraie" vie, ou du moins celle qu'il suppose telle. L'immense talent d'Horacio Quiroga est de nous plonger dans ces univers parallèles en toute simplicité, comme s'il s'agissait de faits divers banals racontés entre amis. Dépaysement garanti…

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contes d'amour, de mort et de folie

10 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans) - 10 septembre 2017

Tous les recueils d’Horacio Quiroga, auteur uruguayen du début du XXème siècle, pourraient aisément s’intituler « Contes d’amour, de folie et de mort » tant il sait, à la perfection, entrelacer ces thèmes obsessionnels dans une œuvre dont la portée n’est peut-être pas encore reconnue à sa juste valeur. Quiroga (dont Lovecraft dont ne parle pas dans son essai de littérature fantastique) est un maître de la nouvelle fantastique, dont l’art se distingue par la saveur singulière d’une sensibilité hispanique (évidente dans son évocation de l’amour) et d’une fascination pour la puissance des forces de la nature, sans doute due à son immersion dans la luxuriance des jungles d’Amérique du sud.

Les spectres sont omniprésents chez Quiroga mais ils sont présentés avec une étrange familiarité, comme s’il n’y avait pas lieu de s’étonner d’une survivance de l'esprit après la mort, comme s'il était quelque chose pouvant indifféremment être incarné ou désincarné. La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, est à ce titre extraordinaire : deux amants que leurs familles ont empêché de s’unir se suicident dans une chambre d’hôtel mais leurs âmes continuent à errer, presque prosaïquement, dans les lieux familiers de leur vie terrestre. Quiroga décrit cette situation avec un ton neutre qui décontenance et qui contraste avec les usuelles « histoires de fantôme ». Il n’insiste que sur l’angoisse de ces deux âmes désincarnées qui ne savent pas si leur amour survivra dans l’au-delà… Dans une autre nouvelle au parfum de métempsychose, un homme écrasé par un arbre agonise en forêt et son âme est emportée, presque comme on décrit la chute d'une feuille, par les mouches qui ont senti l’odeur de sa mort.

Pour les vivants, la folie est souvent le seul remède à la douleur causée par la mort de l’être qu’on aime. Quiroga peut se montrer cruel dans la mise en situation car il sait immerger le lecteur dans l’esprit de celui qui reste et lui faire ressentir l’angoisse et la peine jusqu’à sa bascule dans la folie. C’est notamment le cas du père dont le fils meurt dans un accident de chasse ou de la mère dont elle est persuadé que sa petite fille a été appelée dans la mort par le spectre de son époux disparu… On meurt souvent par arme à feu dans les nouvelles de Quiroga, qui a lui-même perdu ainsi plusieurs êtres chers.

Enfin, même si la mort physique est absente, elle est toujours présente au figuré. Quiroga excelle dans l’art des discontinuités et des ruptures : il aime faire tomber les masques et révéler, sous une apparence policée, la permanence d’un fonds sauvage d'appétits et d’instincts. C’est notamment le cas de « La demoiselle lionne », qui est presque une parabole symbolique, mais aussi, de manière plus subtile, des trois dernières nouvelles « son absence » (évoqué en détail dans la critique principale mais la chute est encore plus surprenante que son argument), « la belle et la bête » (une jeune fille passe une petite annonce pour correspondre avec des écrivains) et « le crépuscule » (un vieux séducteur est séduit par la fille d'une femme qu'il a autrefois connue) où des hommes, au bel esprit ou aux belles allures, sont croqués par des femmes qui ne se satisfont plus de jolis mots… Les femmes jouent un rôle majeur dans les nouvelles de Quiroga, qui semble avoir été fasciné par les actrices du cinéma hollywoodien. Il imagine ainsi, dans deux nouvelles intitulées « le vampire » et « le puritain », comment l’intensité de la vie qui transparaît sur l’écran suffit à capter l’âme des acteurs morts, comme si l’écran était une fenêtre permettant à la fois de voir et d’être vu, souvent pour le malheur des vivants qui subissent une attraction fatale.

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