La Parfaite Épouse de John Updike
(Memories of the Ford administration)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Que reste-t-il de...?
Au début des années quatre vingt dix, dans une petite ville de la Nouvelle Angleterre, « poche provinciale de la civilisation occidentale », Alfred Clayton, professeur d’histoire à l’Université de jeunes filles, « bras mort scientifique », répond à l’invitation d’une société savante pour traiter du sujet : « Souvenirs et impressions de l’administration présidentielle de Gerald R. Ford (1974-1977) », titre original du livre. L’occasion de se souvenir de cette présidence de trente mois qui fit suite à des événements considérables, le scandale du Watergate et la démission du trente-septième Président des Etats Unis, Richard Nixon, auquel succède le pâle vice-président Gérald Ford. Qu’en reste-t-il quinze ans plus tard ?
Alfred se souvient que ce soir là, il suivait le dénouement à la télévision avec ses trois enfants. Rien que de plus normal avant de découvrir que Norma, la femme d’Alfred, est partie passer la soirée avec un de ses « jules », ce qui n’étonne personne. John Updike va-t-il donc écrire une fois encore la chronique de cette classe moyenne provinciale qui découvre les charmes de la permissivité, les plaisirs de la libération sexuelle et plus encore la montée de l’individualisme, la liberté des volontés et les intérêts égoïstes ? Eh bien pas tout à fait ! Il va entrelacer ses souvenirs et impressions personnels avec un essai, historique celui-là, sur James Buchanan, quinzième président des Etats Unis de 1857 à 1861 et prédécesseur d’Abraham Lincoln. Son mémoire mélange ses démêlés amoureux avec des femmes d’amis ou collègues, sa lassitude de sa femme Norma qu’il appelle « La reine du désordre » pour son côté bohème, son amour, sentimentalement exclusif mais sexuellement laxiste, pour Geneviève, « parfaite épouse » mais toujours femme d'un autre avec son travail sur Buchanan qu’il qualifie d’ouvrage « historico-psychologique, lyrico élégiaque ». On perçoit vite que Buchanan tout à la fois lui ressemble par des origines similaires, son goût du compromis et de ses voies détournées, sa nature conciliatrice et lui est différent, par son désordre affectif quand l’autre restera fidèle à un amour déçu, Ann, morte à 23 ans. Clayton essaie de modeler l’amour de Buchanan pour Ann sur le sien pour Geneviève mais cette restitution est au dessus de ses forces, toujours retardée par ses soucis personnels.
En ces années 70 où « hommes et femmes continuaient de se livrer aux vieilles parades nuptiales mais sous une forme merveilleusement accélérée », « coucher avec quelqu’un n’était pas totalement insignifiant. » Et les meurtrissures du mensonge, de la tromperie, de la jalousie toujours aussi vivaces et cruelles. Alfred s’en tire lamentablement. Dans un autre registre et à une autre époque, Buchanan ne sait pas décider mais s’entête à vouloir maintenir un statu quo impossible. Il veut, comme Alfred, gagner du temps, « cette grande force conservatrice » et ils seront, l’un et l’autre, mis devant le fait accompli.
Je ne suis pas entré facilement dans ce roman qui est trop long, se perd trop souvent dans des détails historiques qui compliquent le récit au lieu de l’éclairer. Bien sûr ce reproche n’a peut-être aucune valeur pour tout lecteur bon connaisseur de l’histoire américaine. La partie contemporaine des années 70 est plus réussie, peut-être parce qu’historiquement plus proche et plus triviale. John Updike n’est pas ce romancier de l’adultère de banlieue comme on l’a trop souvent caricaturé. Il sait raconter, il a de l’humour, sans trop d’empathie. On comprend bien qu’il voulait faire un parallèle entre deux époques charnières. Mais cet entrelacs littéraire est trop artificiel pour captiver.
Que reste-t-il de tout cela ? Une remarque cruelle mais vraie de John Updike : « Plus je pense à l’administration Ford, plus il me semble que je ne me souvienne de rien ». Et nous savons que Carter qui succédera à Ford ne sera pas Lincoln.
Que reste-t-il vraiment de ces deux présidences ? Et si c’était un livre ? Ce pourrait être un des premiers chef d’œuvre de la littérature américaine, « La lettre écarlate » de Nathanaël Hawthorne qui fut un « sous-fifre » de Buchanan. On a oublié Buchanan, on a oublié Ford mais on se souvient de « La lettre écarlate ».
Les éditions
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La parfaite épouse [Texte imprimé], roman John Updike trad. de l'anglais par Rémy Lambrechts
de Updike, John Lambrechts, Rémy (Traducteur)
Gallimard / Du monde entier (Paris).
ISBN : 9782070735730 ; 23,20 € ; 30/10/1994 ; 398 p. ; Broché
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