Irène, Nestor et la vérité de Catherine Ysmal

Irène, Nestor et la vérité de Catherine Ysmal

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Frunny, le 6 avril 2013 (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 682ème position).
Visites : 4 145 

" Moi l'abeille, j'étais chevelure "

Ecrivain français née en 1969, Catherine Ysmal vit aujourd'hui à Bruxelles. Elle se consacre à l'écriture de romans affirmant l'auteur contre la langue et l'opinion.
"Irène, Nestor et la Vérité" est son premier roman.

Une oeuvre unique par son style et sa construction (sa déconstruction ?) de l'histoire.
Un décor des plus simples: une maison de campagne près d'un bois et 3 protagonistes.
Irène et Nestor; un couple en pleine décomposition.
Pierrot, l'ami de toujours, témoin passif d'un désastre annoncé. Il sera la voix "crédible" du roman... la vérité.
2 êtres qui s'observent, s'affrontent et aiguisent leurs rancoeurs par des mots qui ne trouvent plus de sens.
Irène; la terrienne, qui ne conçoit la vie que comme "étendue dans le réveil de la forêt; j'ouvre en moi le désordre ".
Irène qui préfère les sentiers escarpés aux longues lignes droites balisées.
Nestor est un homme d'ordre, qui écoute de la musique et se réfère au dictionnaire. Il aime le mot juste car les mots ont du sens.

Il est difficile de porter un jugement sur un tel livre car unique en son genre.
La langue est magistrale avec des phrases ciselées et des mots choisis. De la Haute couture !
L'auteur délivre odeurs, sons et images jusqu'à l'enivrement.
Un roman qui flatte les sens au delà des mots.
La première partie est déstabilisante (on croit comprendre mais... ) et au fil des pages la lumière "tamisée" se fait, pour entrevoir le malaise ambiant, lourd.
Catherine Ysmal est une magicienne des mots, à l'école du surréalisme ( ... )
Une véritable expérience littéraire !

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« La guerre des mots »

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 25 juillet 2013

« J’aimerais dire la vérité. Ce salut dans les mots. Mais quel salut ? Je sais que rien ne sauve. Les mots sont victimes d’eux-mêmes, comme je le suis. A eux la raclée que je fous. Salauds de mots. » Irène enfermée, étouffée, dans un silence qu’elle semble plus subir que souhaiter ressent des sensations nouvelles. Elle émerge par bribes du terrible chaos dans lequel un violent choc l’a précipitée. On comprend très vite que Nestor l’a frappée un peu plus fort que les autres fois et qu’elle sort péniblement, sensation par sensation, du néant dans lequel elle était plongée. Progressivement, ces sensations lui évoquent des choses qu’elle a connues avant, elle se souvient peu à peu de son existence avec Monsieur, de ses évasions avec Alice, de ses peines, de ses douleurs, de ses désirs… qu’ils n’ont pas compris sa différence, qu’ils la croyaient folle.

Ce texte polyphonique, récité tour à tour par les membres d’un trio rituel : Irène, épouse, Nestor, époux, et Pierrot amant improbable, témoin effectif porteur d’une certaine part de vérité, évoque la déconfiture du couple qui se défait progressivement jusqu’à la destruction. Une décomposition due à l’incompréhension qui existe entre les deux époux résultant de leur difficulté de mettre des mots communs sur des sensations qu’ils pourraient partager s’ils savaient, s’ils pouvaient, mettre les mêmes mots sur les mêmes ressentis. A chacun sa vérité, à chacun sa manière d’exprimer ce qu’il ressent sans que l’autre le comprenne forcément. Les mots qui s’élèvent entre les êtres ne rendent pas toujours les ponts possibles, ils sont souvent coupables de l’impossibilité de communiquer comme ils ont rendu Irène muette. Nestor l’a réduite au silence en exigeant d’elle un langage qu’elle ne possède pas, en lui demandant des mots qu’elle ne connait pas.

Dans ce texte très travaillé, très moderne, très novateur, de grande qualité, Catherine Ysmal démontre comment le langage devient le deus ex machina de la décomposition de ce couple. Un couple que l’auteur utilise comme l’illustration de la difficulté d’utiliser un vocabulaire commun pour rassembler, réunir dans une même pensée, des êtres différents. Un réquisitoire contre l’usage d’un langage banalisé, standardisé, pour promulguer une pensée unique meilleur outil d’un pouvoir totalitaire. « Les définitions ne sortent pas de nulle part mais d’un monde, d’une organisation sociale ; de pouvoirs, d’une histoire qui se construit. Ils ne sont pas neutres. »

« Je ne peux pas y croire à ta vérité
Je ne peux pas y croire au malheur
Au malheur de la vérité »

Parlons seuls parlons bien

8 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans) - 8 mai 2013

La vie ne se raconterait qu’en monologues. La vie serait cette confusion de pensées dissolues et pourtant si pleines de sens dans notre grand magasin intérieur où rien n’est à vendre.

Irène et le rêve d’un sentier ou d’une herbe où marcher pieds nus. Filtre des sens, du silence, des fleurs et du vent. Les mots avec de la boue et de la rosée collées sous les talons. Dans une respiration essoufflée parfois.

Nestor et ses millions de cheveux à couper en quatre ou en mille, s’épuisant à chercher cette Vérité qui n’existera jamais vraiment, même dans le dictionnaire à la rigueur trompeuse. On n’y trouve pas toujours l’essentiel, on n’y trouve pas toujours le sens d’émotions qui font perdre pied.

Et puis il y a Pierre, l’ami témoin, dont l’innocence reste à imaginer, à saisir tout en restant insaisissable. Qu’a-t-il vu de cette histoire de couple en perdition ? Que sait-il vraiment de ces deux-là ? De ce duo dissonant en éloignement progressif et dont la relation s’est transformée en un genre discret et intime de barbarie ?

Et enfin, il y a ce secret qui le reste, secret, dressant le décor du roman, tissant une toile où chacun se sent entravé sans savoir comment faire pour en sortir.

Catherine Ysmal offre un regard propre à elle sur la langue, sur les multiples visages des mots, sur leur fausse innocence. Tant de méandres, tant d’illusions. Où se trouve alors cette vérité, à quoi bon la chercher, là où, entre les âmes qui n’arrivent pas à se comprendre, quelque chose se meurt ?

Ce livre est plein, gavé d’une violente beauté, où les images s’élancent, bousculent et se bousculent, chancèlent. Irène, Nestor et la vérité, c’est une vision de force et de fragilité, celle d’un monde si sauvage et inconnu : celui de l’Autre.

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