Le pavillon des miroirs de Sergio Kokis

Le pavillon des miroirs de Sergio Kokis

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Libris québécis, le 13 février 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 6 447  (depuis Novembre 2007)

L'Identité d'un immigrant brésilien

Sergio Kokis est un psychologue, qui a exercé son métier à Gaspé et à Montréal. Son roman, Le Pavillon des miroirs, porte les traces de sa formation. L'auteur a tenté de démontrer comment se forme un esprit à travers un enfant brésilien, qui devient peintre à l'âge adulte.
Ainsi on voit se construire l'univers d'un jeune dont les expériences le marqueront de façon indélébile. Le héros le reconnaît bien volontiers. Se croyant vraiment indépendant d'esprit, il a remarqué soudainement que ses tableaux transposaient les gens et les objets de son enfance. Les morts qui jonchent le sol au petit matin, les plages couvertes de détritus laissés par les pêcheurs l'ont marqué au point que la nourriture de ses jeunes années l'alimentera pour le reste de ses jours.
Son univers est aussi dépendant de la situation sociale de son pays. Il a vécu dans un quartier peuplé de prostituées, de clochards, de laissés-pour-compte, de pauvres. La visite de l'arrière-pays avec l'un de ses enseignants lui ont révélé une plus grande pauvreté encore. Des villages délabrés, des terres arides, des gens malades, une figuration en sorte de l'enfer. Tous ces éléments ont servi à lui forger une identité, qui l'attache à une humanité de misères physiques et morales, ancrée davantage par une mère qui tenait un bordel dans la maison familiale et par un père effacé qui n'a jamais réalisé ses rêves. La solitude restait la solution à ses problèmes d'image afin de ne pas se dévoiler à ses amis
Son isolement l'a préparé tout doucement à immigrer dans un pays du Nord avec un bagage qui s'accordait mal toutefois à tant de richesses étalées. Les bagnoles bien alignées le long des trottoirs, le superflu que l'on craint de manquer, tous ces caprices, qui révèlent la réussite et qui masquent la finitude de l'existence l'ont obligé à s'asseoir entre deux chaises, ne se sentant plus des siens et ni des nôtres.
Ce roman introspectif est immensément riche, car il couvre tous les aspects de la vie du héros : sa sexualité, ses études, ses beuveries, ses rapports avec ses parents. C'est complet. En ça, on remarque bien l'esprit sud-américain de l'auteur, qui prend le temps de présenter toutes les facettes de l'existence, mais qui a aussi le courage, puisque c'est un immigrant, de montrer son pays sans le maquiller. D'ailleurs, le maquillage est un thème redondant chez l'auteur.
L'écriture s'ajuste à cette oeuvre monumentale. Elle se déploie lentement, comme ralentie par le chaud soleil du Brésil. Ce n'est pas l'écriture saccadée des écrivains du Nord qui se sentent obliger d'aller vite pour ne pas geler leurs lecteurs. Il faut être patient même si c'est écrit simplement parce que ce sont de longues phrases qui s'alignent dans de longs paragraphes. En plus, l'auteur a choisi la forme du récit à son roman. Le héros se raconte pendant presque 400 pages sans nouer son vécu avec une intrigue. Et il le fait en deux temps. Un chapitre est consacré à sa jeunesse, et le suivant montre comment cette matière sert le peintre qu'il est devenu. Le plaisir de lire cette oeuvre découle de celui d'assister à la formation de l'univers d'un être humain. Ceux qui aiment décortiquer l'âme humaine seront ravis et comprendront mieux le défi des exilés.

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