Numéro six de Véronique Olmi
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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"On ne se remet pas de son enfance".
Ce livre court (103 pages) est à la fois un aveu, une lettre, et un règlement de comptes. Née bien après ses cinq frères et soeurs, la narratrice se trouve à part dans la famille Delbast. Tout ce qui lui arrive, tout ce qu'elle éprouve, est traité par ceux qui l'entourent comme du "déjà vu", du "déjà éprouvé". On ne lui accorde pas la place qu'elle souhaiterait remplir. Elle est une surnuméraire. Autant dire qu'elle en garde gros sur le coeur.
A son père, centenaire dont elle a la garde ou du moins la responsabilité, elle adresse un courrier qu'il ne lira pas. C'est une tentative de dialogue avec qui ne peut répondre, pas plus qu'il n'a répondu à ses attentes d'enfant qui avait besoin d'affection, d'égards et de regards. Ce qu'il fut aux yeux de sa fille ne correspond pas à son image "officielle" de docteur dévoué ou d'ancien combattant traumatisé par la grande guerre. Elle essaie de le comprendre, de l’interpréter, de le compléter. Il est source d'étonnements, et objet de rancunes.
Les sentiments sont ambivalents, comme on dit.
La famille Delbast : bien-pensante, conformiste, établie, organisée. La réussite sociale comme dogme. On pose pour la photo de groupe.
Véronique Olmi a de la plume. Elle caresse, mais surtout elle égratigne. Le trait est acéré. On le sent encore qu'elle a déjà rangé ses griffes. Entre ses mots, une présence.
Les éditions
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Numéro six [Texte imprimé], roman Véronique Olmi
de Olmi, Véronique
Actes Sud / Domaine français (Arles)
ISBN : 9782742739271 ; 0,01 € ; 22/08/2002 ; 102 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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"L'homme de ma vie , c'est toi ! "
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 4 janvier 2012
Le Docteur Louis DELBAST est le chef d'une riche famille bourgeoise et catholique.Il aime éperdument sa femme , mélange parfois les prénoms des enfants et fréquente assidûment les églises .
Il est l'incarnation de l'ancien de 14 , le résistant , le héros du Vercors.Il revendique une France colonialiste , l'Honneur .
A la mort de sa femme, il " baisse le rideau " , cesse d'être là !
Fanny récupère les " lettres de guerre " ( échanges de correspondances avec ses parents et son frère ) et découvre un père avec ses forces et ses traumatismes .
Un père qui lui a manifesté peu d'amour, de reconnaissance mais qu'elle idolâtrait ("à l'église ,je voulais me tenir à sa droite")
Un père qui claironnait: " Celle-là , c'est mon bâton de vieillesse " ne croyait pas si bien dire .
103 pages d'une intense , sensible et pudique déclaration d'amour au père.
" Je suis entré trop tard dans ta vie , mais j'y serai jusqu'au bout."
Véronique Olmi signe une oeuvre poignante qui ne peut laisser indifférent.
" On ne se remet pas de son enfance "....... Exceptionnel !
Lisez ce roman et réapprenez à aimer vos parents !
Amour filial
Critique de Amanda m (, Inscrite le 10 janvier 2008, 57 ans) - 3 mars 2008
C’est un roman très court, mais le style illumine totalement son lecteur. Véronique Olmi écrit avec limpidité et luminosité. Une histoire simple, celle d’une petite dernière trop effacée pour s’affirmer, dont l’arrivée est trop subie pour lui permettre d’exister, de devenir autre chose que la « numéro six ». Celle d’une enfant devenue femme mais qui n’a pas su s'extirper de l’enfance, qui vit dans l'ombre d'un amour paternel trop distrait, trop lointain. Une femme qui essaye encore, à 50 ans, d’être la petite fille de son papa.
Fanny reporte sur son père son besoin éperdu d’amour et de reconnaissance, elle transforme son besoin impérieux d’exister à ses yeux en amour aveugle, avide et possessif.
A force d’être si peu aimée, ou si mal aimée par une famille chez qui les sentiments ne s’affichent pas, ne se disent pas, ne se partagent pas, l’amour de Fanny pour son père se transforme en idéalisation, en déification (« J’étais jalouse de maman. Pas seulement de vos voyages. De votre quotidien aussi. Vos discussions le soir que j’entendais de l’autre côté de la cloison, quand j’étais couchée. J’étais jalouse de tout ce que vous aviez à vous dire, et de vos rires. J’étais jalouse de ce vin que tu goûtais pour elle, de cette tasse de café que tu lui tendais, de ces fleurs qui tu lui offrais, de cette façon que tu avais de lui toucher la main quand tu lui parlais, de la malice joyeuse avec laquelle tu te moquais d’elle devant tout le monde, comme si elle était incroyable, unique, le personnage principal, l’héroïne de ta vie. Ta femme. »).
Avec le temps elle ouvre les yeux sur ce père fantasmé qui n’en a pas moins été un homme. Un poilu, un père, un médecin respecté, un colonialiste réactionnaire. Elle parle et raconte cette famille catholique bien-pensante, les silences et les maux qui se taisent, qui étouffent, qui asphyxient ; tout plutôt que de déroger à la sacro sainte bienséance… Elle y aura sacrifié sa vie de femme. Fait un enfant, mais sans donner à celui-ci la chance d'avoir un père. Victime consentante et lucide, vouée à aimer un homme qui ne fut pas le sien.
L'hommage au père
Critique de Laure256 (, Inscrite le 23 mai 2004, 52 ans) - 3 août 2007
Aujourd’hui, Fanny a 50 ans, et c’est elle qui prend soin de son vieux père qui en a 100. Ce petit livre est une déclaration d’amour en même temps qu’un cri de douleur à ce père qui ne s’est pas occupé d’elle, on lit Fanny jalouse de l’amour entre ses parents, Fanny qui relit les lettres du front envoyé par ce tout jeune homme à l’époque, les horreurs hélas bien réelles tout juste esquissées, Fanny qui à présent garde son père tout près et rien que pour elle, Fanny qui veut le protéger d’une famille trop nombreuse, 5 frères et sœurs qui ont eu à eux tous 20 enfants et à leur tour 58 petits-enfants, Fanny qui elle n’a qu’une fille, Agathe, sans même l’ombre d’un père.
Ce qui touche chez Véronique Olmi, c’est cette précision quasi lapidaire de l’écriture, ces phrases courtes et simples qui vous touchent au cœur. Certaines pages sont d’une telle beauté qu’on les relit avec l’envie de les garder précieusement. Une forte histoire d’amour filial qui sortira gagnante malgré les tourments et les rancoeurs.
Deux extraits que j'aime tout particulièrement :
p. 11 « Ma place, c’est la dernière. La dernière de la famille, la numéro six comme on me présente quelquefois. Je suis venue sur le tard. Maman se croyait délivrée de ses grossesses, sa ménopause s’annonçait. Mais je suis arrivée.
Patrice, l’aîné, avait vingt ans, il s’apprêtait à quitter la famille, Christophe, le cinquième en avait dix, je venais clore un cercle qui s’était déjà ouvert.
Toi, mon père, tu avais cinquante ans.
Mon âge aujourd’hui.
C’est un peu notre anniversaire…
On pensait que je naîtrais mongolienne, un bébé fabriqué avec un ovule fatigué, des chromosomes peu vaillants. Pas question d’avortement. On est catholiques pratiquants. Je n’ai pas d’illusion : la fausse couche a dû être souhaitée.
Je me suis accrochée. »
p. 25 « Je me suis recouchée et pour conjurer ma peur j’ai insulté ma mère. Pour être forte. Pour résister. Je l’ai haïe avec ferveur. Je ne savais pas que j’avais cette puissance-là, que c’était possible de détester sa mère. J’ai appris. Par la suite j’ai continué.
Maintenant je sais aussi que l’on peut détester chaque être aimé. Par instants. Par douleur. »
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