Le Voleur de Georges Darien

Le Voleur de Georges Darien

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Myrco, le 8 février 2013 (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 75 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 665ème position).
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un roman subversif...

"Le voleur" parut en 1897 dans l'indifférence, et ce n'est qu'en 1955, grâce à l'éditeur J. J. Pauvert, qu'il fut projeté dans la lumière et devint le classique qu'il méritait d'être, salué entre autres par André Breton après l'avoir été par Jarry.

Sous couvert de roman, Darien lance là un cri d'indignation et de révolte percutant contre la société de son temps, tirant à boulets rouges sur la façade légaliste et bien-pensante d'une bourgeoisie cynique et condescendante qui cache en réalité une absence de morale éhontée, s'attaquant avec virulence à tout ce sur quoi elle assoit son pouvoir; tout y passe: institutions, religion, "justice", "représentation" parlementaire, presse...
Parlant de son oeuvre, Breton disait: "Elle est le plus rigoureux assaut que je connaisse contre l'hypocrisie, l'imposture, la sottise et la lâcheté. "
Car si Darien dénonce à tout va les moyens de l'oppression et de la manipulation exercées par la classe dominante, il fustige tout autant, avec mépris, la soumission de ceux qui acceptent cet état de choses et le perpétuent.
Si on l'a classé non comme un écrivain anarchiste, mais, plus justement comme un écrivain à tendance anarchiste, c'est que, si son analyse lucide et volontiers provocatrice du système dynamite les fondements de l'ordre établi, cette même lucidité, cette indépendance d'esprit, son rejet de toute idéologie, son désabusement, l'empêchaient de rejoindre la mouvance révolutionnaire de son époque, refusant d'être dupe de tous ces "faiseurs de systèmes qu'ils soient collectivistes ou anarchistes" qui fonctionnent avec les mêmes ressorts que la société qu'ils combattent.
Enfin si son apologie du vol et de la liberté individuelle outrepasse parfois les limites de ce à quoi on peut souscrire, si l'on n'est pas obligé de le suivre toujours dans sa logique jusqu'auboutiste, on peut néanmoins se délecter de la clairvoyance de ses analyses qui devraient interpeller tout aussi bien le citoyen d'aujourd'hui que celui d'hier!

Que dire de l'intrigue romanesque en elle-même si ce n'est qu'elle est d'abord au service de ses idées, un moyen de les faire passer et de les articuler de manière plus accessible et divertissante pour le lecteur?
La trame en est le récit autobiographique d'un homme, Randal, devenu voleur en réponse à la spoliation de sa fortune par un oncle tuteur, fieffé canaille cynique, qui se cache derrière le respect des lois. L'auteur nous entraîne dans son parcours, de tribulations amoureuses en rencontres ou interventions "professionnelles" avec parfois les complicités les plus inattendues, de situations vaudevillesques en situations dramatiques. Et qu'importe si certaines circonstances peuvent paraître peu crédibles ou si le trait se fait, de temps en temps un peu trop appuyé!

Quant à la plume de l'écrivain, alerte, incisive, maniant avec talent aussi bien l'envolée que l'humour caustique, elle sait distiller une langue fleurie et savoureuse; et que dire de son art du portrait... un régal!

La lecture du "Voleur", lecture salutaire, devrait réjouir les esprits rebelles et indignés d'aujourd'hui et peut-être réveiller la conscience des soumis!

P.S:A noter que Louis Malle l'a porté à l'écran en 1967.

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Impression mitigée

6 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 25 août 2023

Au tout début de l’autre siècle, George Randal, jeune homme de bonne famille et orphelin ruiné par un oncle indélicat, décide de devenir voleur professionnel. Dès sa première tentative, il réussit un coup énorme en dérobant 400 000 francs de bijoux et de valeurs diverses en forçant le secrétaire de Madame de Montareuil, sans la moindre effraction grâce à la complicité d’une servante. Son oncle, qui avait organisé le mariage de sa fille Charlotte avec le fils Montareuil, débauché notoire, annule sa promesse à cause de la ruine de la famille. Bientôt, Georges séduit Charlotte qui se retrouve vite enceinte. Conséquence immédiate : l’oncle la chasse de chez lui. Un ami de notre voleur, Issacar, homme d’affaires israélite un peu louche, emprunte 20 000 francs à Georges pour les placer dans une affaire au Congo avant de lui faire rencontrer un industriel belge qui se vante sottement de garder toute sa fortune chez lui dans un coffre-fort scellé dans un mur de son bureau. Avec l’aide de son premier complice, un jeune voyou blond appelé « Roger-la-honte », le cambriolage de l’homme d’affaire imprudent ne sera qu’un jeu d’enfant pour Georges…
« Le voleur » est un roman à thème ou à « message » datant de 1898. Le lecteur peut à juste titre se poser la question de l’intérêt de le lire encore à notre époque, plus d’un siècle plus tard. Certains considèrent cet opus comme un « classique », autant dire un livre qui peut se lire avec plaisir ou intérêt à n’importe quelle époque. Il semblerait que ce ne soit que très partiellement le cas. L’intrigue basée sur une suite de vols et de cambriolages divers n’est pas d’une grande originalité. Elle ne sert d’ailleurs que de prétexte à l’auteur pour exposer ses théories. Le style de l’écrivain n’est ni particulièrement fluide ni extrêmement vivant en dépit de fort nombreux dialogues. En effet, tout est ralenti dans ce pavé de plus de 500 pages par de longs développements politico-sociaux plus ou moins indigestes, même s’ils reposent sur des observations souvent fort pertinentes des réalités sociales. De ce point de vue, l’ouvrage est profondément ancré dans une époque marquée par l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme. Toute la société repose sur le vol. Et les voleurs en col blanc, les escrocs boursicotiers et autres politiciens corrompus ne restent pas moins redoutables que les apaches à casquettes et rouflaquettes. L’ennui, c’est que tout cela implique le recours aux « actions » violentes de type « Ravachol » ou « Bande à Bonnot » qui a discrédité toutes ces théories pour longtemps. Darien se pose en moraliste et en censeur d’une société à la dérive, pétrie d’hypocrisie, de faux semblants, de fausses valeurs et de fausse démocratie. Sur ces points, l’avenir lui a malheureusement donné raison. On ne partagera pas forcément toutes ses positions violemment anti-cléricales, anti-capitalistes et anti-sociales de l’auteur (médecins, juges, flics, politiciens ou bourgeois en prennent tous pour leur grade). Le côté « Don Juan » irrésistible du jeune héros, avatar de l’auteur, est aussi agaçant que peu vraisemblable. Sans parler des idées un brin machistes sur la sottise et la vénalité de la gent féminine, elles datent tellement qu’elles en sont devenues inaudibles. D’où cette impression mitigée…

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