Le Voleur de Georges Darien
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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un roman subversif...
"Le voleur" parut en 1897 dans l'indifférence, et ce n'est qu'en 1955, grâce à l'éditeur J. J. Pauvert, qu'il fut projeté dans la lumière et devint le classique qu'il méritait d'être, salué entre autres par André Breton après l'avoir été par Jarry.
Sous couvert de roman, Darien lance là un cri d'indignation et de révolte percutant contre la société de son temps, tirant à boulets rouges sur la façade légaliste et bien-pensante d'une bourgeoisie cynique et condescendante qui cache en réalité une absence de morale éhontée, s'attaquant avec virulence à tout ce sur quoi elle assoit son pouvoir; tout y passe: institutions, religion, "justice", "représentation" parlementaire, presse...
Parlant de son oeuvre, Breton disait: "Elle est le plus rigoureux assaut que je connaisse contre l'hypocrisie, l'imposture, la sottise et la lâcheté. "
Car si Darien dénonce à tout va les moyens de l'oppression et de la manipulation exercées par la classe dominante, il fustige tout autant, avec mépris, la soumission de ceux qui acceptent cet état de choses et le perpétuent.
Si on l'a classé non comme un écrivain anarchiste, mais, plus justement comme un écrivain à tendance anarchiste, c'est que, si son analyse lucide et volontiers provocatrice du système dynamite les fondements de l'ordre établi, cette même lucidité, cette indépendance d'esprit, son rejet de toute idéologie, son désabusement, l'empêchaient de rejoindre la mouvance révolutionnaire de son époque, refusant d'être dupe de tous ces "faiseurs de systèmes qu'ils soient collectivistes ou anarchistes" qui fonctionnent avec les mêmes ressorts que la société qu'ils combattent.
Enfin si son apologie du vol et de la liberté individuelle outrepasse parfois les limites de ce à quoi on peut souscrire, si l'on n'est pas obligé de le suivre toujours dans sa logique jusqu'auboutiste, on peut néanmoins se délecter de la clairvoyance de ses analyses qui devraient interpeller tout aussi bien le citoyen d'aujourd'hui que celui d'hier!
Que dire de l'intrigue romanesque en elle-même si ce n'est qu'elle est d'abord au service de ses idées, un moyen de les faire passer et de les articuler de manière plus accessible et divertissante pour le lecteur?
La trame en est le récit autobiographique d'un homme, Randal, devenu voleur en réponse à la spoliation de sa fortune par un oncle tuteur, fieffé canaille cynique, qui se cache derrière le respect des lois. L'auteur nous entraîne dans son parcours, de tribulations amoureuses en rencontres ou interventions "professionnelles" avec parfois les complicités les plus inattendues, de situations vaudevillesques en situations dramatiques. Et qu'importe si certaines circonstances peuvent paraître peu crédibles ou si le trait se fait, de temps en temps un peu trop appuyé!
Quant à la plume de l'écrivain, alerte, incisive, maniant avec talent aussi bien l'envolée que l'humour caustique, elle sait distiller une langue fleurie et savoureuse; et que dire de son art du portrait... un régal!
La lecture du "Voleur", lecture salutaire, devrait réjouir les esprits rebelles et indignés d'aujourd'hui et peut-être réveiller la conscience des soumis!
P.S:A noter que Louis Malle l'a porté à l'écran en 1967.
Les éditions
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Le voleur [Texte imprimé], texte intégral Georges Darien postf. et notes de Pierre Masson
de Darien, Georges Masson, Pierre (Editeur scientifique)
Seuil / L'École des lettres (Paris).
ISBN : 9782020215565 ; 9,40 € ; 01/01/1986 ; 523 p. ; Broché
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Impression mitigée
Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 25 août 2023
« Le voleur » est un roman à thème ou à « message » datant de 1898. Le lecteur peut à juste titre se poser la question de l’intérêt de le lire encore à notre époque, plus d’un siècle plus tard. Certains considèrent cet opus comme un « classique », autant dire un livre qui peut se lire avec plaisir ou intérêt à n’importe quelle époque. Il semblerait que ce ne soit que très partiellement le cas. L’intrigue basée sur une suite de vols et de cambriolages divers n’est pas d’une grande originalité. Elle ne sert d’ailleurs que de prétexte à l’auteur pour exposer ses théories. Le style de l’écrivain n’est ni particulièrement fluide ni extrêmement vivant en dépit de fort nombreux dialogues. En effet, tout est ralenti dans ce pavé de plus de 500 pages par de longs développements politico-sociaux plus ou moins indigestes, même s’ils reposent sur des observations souvent fort pertinentes des réalités sociales. De ce point de vue, l’ouvrage est profondément ancré dans une époque marquée par l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme. Toute la société repose sur le vol. Et les voleurs en col blanc, les escrocs boursicotiers et autres politiciens corrompus ne restent pas moins redoutables que les apaches à casquettes et rouflaquettes. L’ennui, c’est que tout cela implique le recours aux « actions » violentes de type « Ravachol » ou « Bande à Bonnot » qui a discrédité toutes ces théories pour longtemps. Darien se pose en moraliste et en censeur d’une société à la dérive, pétrie d’hypocrisie, de faux semblants, de fausses valeurs et de fausse démocratie. Sur ces points, l’avenir lui a malheureusement donné raison. On ne partagera pas forcément toutes ses positions violemment anti-cléricales, anti-capitalistes et anti-sociales de l’auteur (médecins, juges, flics, politiciens ou bourgeois en prennent tous pour leur grade). Le côté « Don Juan » irrésistible du jeune héros, avatar de l’auteur, est aussi agaçant que peu vraisemblable. Sans parler des idées un brin machistes sur la sottise et la vénalité de la gent féminine, elles datent tellement qu’elles en sont devenues inaudibles. D’où cette impression mitigée…
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