La Marie du port de Georges Simenon

La Marie du port de Georges Simenon

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Jules, le 22 janvier 2003 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 609ème position).
Visites : 6 224  (depuis Novembre 2007)

Plus vrai que vrai !

Dans une édition de 1931 de « L’âne rouge » Simenon met ceci en note : « Pendant plusieurs années, j'ai écrit des romans populaires, à raison de quatre-vingts pages dans la journée. Puis j'ai connu, avec les Maigret, une production presque personnelle. Encore fallait-il chaque fois un cadavre, une enquête, des suspects, un coupable. Un jour vint, enfin, où il me fut donné d'écrire à ma guise, sans souci d'une collection ou d'un public déterminé. J’étais donc maître de mon histoire et de mes personnages, de ceux-ci surtout, qu’il m'était loisible de prendre dans la vie et non plus dans le magasin aux accessoires de la littérature alimentaire. Pendant les mois qui suivirent, je ne me lassai pas de créer des hommes qui ne devaient l’existence qu'à moi seul et que je lançai dans l’espace avec un ravissement mêlé d’un peu d'effroi. »
Dans « La Marie Du Port » manifestement Simenon s’en donne à coeur joie et libère vraiment tout son talent.
L’histoire est assez simple. Elle se passe à Port-en-Bessin, petit port de pêche pas bien loin du Cotentin et de Cherbourg. Le capitaine Le Flem est décédé et c'est le jour de son enterrement. Nous lui découvrons cinq enfants, mais seules l'aînée, Odile, et la seconde, Marie, vont jouer un véritable rôle. Odile a quitté Port-en-Bessin pour aller à la grande ville qu'est Cherbourg. Elle y est devenue la maîtresse du patron du café restaurant dans lequel elle travaille. Marie décide de rester au village et se fait engager dans un des bistrots le long du quai.
Odile est venue pour l’enterrement accompagnée de son amant, un homme jeune et fort qui possède une voiture. Elle est plutôt du genre pulpeuse et molle, alors que Marie est sèche, petite, mal fagotée et volontaire.
Chatelard, l’amant d’Odile, est un homme pour le moins sûr de lui, fort de sa réussite, et, à se demander pourquoi, il remarque Marie. Un peu par bravade, il va acheter un bateau de pêche en vente forcée et décidera de le laisser à Port-en-Bessin en y mettant un nouveau capitaine de Cherbourg.
Quelques autres personnages secondaires, comme Viaux père et Viaux fils, les oncles et tantes des enfants Le Flem, les autres pêcheurs, le patron du café et nous voilà plongés dans une histoire à la Simenon, qui va nous prendre tout entier et nous faire vivre dans un autre monde, à une autre époque.
D'où vient tout l'art de conteur de Simenon ? C'est assez simple, encore faut-il être capable de le faire ! Une extraordinaire capacité à décrire des ambiances, des lieux, des odeurs. Et cela en peu de mots, simplement, en ne restant qu’à l’essentiel. Chaque mot pèse son poids et il n'en est aucun d’inutiles. « C’était comme s’il n'y avait eu ni matin, ni midi, ni soir, car tout était d'un même gris de pierre de taille, sauf les moutons sur la mer, qui étaient blancs, et les toits d'ardoises noirs et durs, comme dessinés à l’encre sur du papier glacé. »
Simenon nous crée des personnages tout aussi réels que les paysages. Nous les sentons, les voyons vivre, les comprenons, tellement tout ce qu'ils font ou disent nous paraît naturel, aller de soi. Ici, tout nous semble vrai
Pas de faux-semblants, pas d’effets de style, pas de grands coups de théâtre, rien de trop !…
Nous allons avancer dans l'histoire et dans la psychologie des personnages par petites touches, chacune ajoutant quelque chose aux précédentes. Ils deviendront ainsi, de pas en pas, plus vrais que nature. Tout est là ! Il s’agit d'une lente progression dans les raisons et motivations de chacun de faire, d’agir et de penser comme il le fait.
C’est avec cet extraordinaire talent que Simenon nous prend par la main pour nous faire vivre avec des êtres et dans un monde que nous ne connaissions pas quelques heures auparavant. En fermant le livre, nous aurons le sentiment d'avoir dû quitter des gens que nous connaissions bien et une région que nous n'oublierons plus, où nous aurons envie de retourner.

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L'homme propose, et la femme dispose .

8 étoiles

Critique de Pierrot (Villeurbanne, Inscrit le 14 décembre 2011, 73 ans) - 16 février 2020

De nouveau pour moi, un grand Simenon .

Moyen-moyen

8 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 20 novembre 2015

Marie et Odile sont deux sœurs mais elles ne se ressemblent guère. Odile est la compagne de Henri Chatelar, elle s’est faite à l’idée et est soumise, passive. Marie a dix-sept ans, ne rêve qu’à se faire émanciper, elle est franche, directe, ne mâche jamais ses mots. Chatelar est entre les deux : une histoire qui se termine avec l’une, une autre qu’il espère commencer avec la sœur …

Intéressant mais moyen-moyen parmi les « romans durs « du Maître …

Extrait :

- Cela ne vous dégoûte pas, vous, de passer votre vie à servir à boire aux gens et à leur dire merci en les reconduisant jusqu’à la porte ? … Moi, je me demande si cela ne me dégoûte pas.

Tout à fait d'accord avec Jules

10 étoiles

Critique de JEANLEBLEU (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans) - 4 avril 2005

J'ai lu ce roman en octobre 2003 alors que je quittais Cherbourg où je venais de vivre 11 ans pour rejoindre la Provence.
Simenon est parmi mes écrivains préférés. C'est un des rares (avec Maupassant, Balzac et quelques autres) qui vous plonge dans une atmosphère au contact de personnages qui semblent vraiment réels et complexes et dans des histoires qui ne cèdent pas à la facilité. Le tout avec une poésie faite de mots simples.
Simenon a aussi le génie de saisir l'ambiance d'un endroit. "Son" Cherbourg (et "son" Cotentin) correspondent tellement au vrai (que ce soit dans les paysages, la météo, l'esprit des gens, ...) alors qu'il n'a fait que quelques passages dans cette région ! On pourrait dire la même chose de quasiment tous ses romans (a propos de Paris, de la Hollande, de la Belgique, de la Suisse, des Etats-Unis, ...).

Ce beau roman restera donc, pour moi, associé à mon départ de Cherbourg où j'ai eu plein de très bons moments.

Les romans de Simenon qui se passent dans le Sud-Est de la France (ma nouvelle région depuis novembre 2003) restituent également de manière très forte cet endroit (lisez donc, par exemple, "Mon ami Maigret" qui se déroule sur l'ile de Porquerolles).

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