Au delà du Danube de Liuben Petrov
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
"A mon peuple, ignoré des historiens"
Un livre mal écrit, mal traduit, mal édité, mal imprimé, un livre inconnu, d’un auteur inconnu, édité par une maison d’édition inconnue, on dirait un texte rédigé dans l’urgence, glissé sous le rideau de fer, au début des années 1980, pour alerter l’opinion publique occidentale de la situation insupportable que subissait le peuple bulgare martyrisé par un régime barbare. Un texte sans aucune prétention littéraire qui voudrait seulement dénoncer les abus d’un régime communiste odieux. Un livre en forme d’appel au secours.
Pour que son appel soit entendu, l’auteur construit une odyssée, un véritable calvaire, dans laquelle s’engage une petite famille qui ne voulait que vivre librement et dignement. Boris Bisserov et les siens habitent un petit village près de Vidin (Dunonia), aux confins de la Bulgarie, là où la Valachie tutoie le Banat, il fabrique des chaussures en cuir mais un matin son atelier est mis sous scellés, la milice veut collectiviser son entreprise. La rage au cœur, il décide brusquement de fuir en Yougoslavie, il franchit les pièges de la frontière mais les miliciens yougoslaves l’internent dans un camp où il entre en contact avec des résistants bulgares qui lui confient une mission dans son pays. Après un long périple en Bulgarie où il brave mille dangers, il revient en Yougoslavie, y subit encore bien des tracas avant d’accepter une nouvelle mission en Bulgarie où il espère retrouver sa femme et son fils qui ont été déportés dans le Dobroudja, loin de chez eux, dans des camps où ils sont particulièrement mal traités. Après de longues et périlleuses recherches, il retrouve les siens et une nouvelle odyssée commence à travers la Roumanie, aussi peu accueillante, pour franchir le Danube, rejoindre la Yougoslavie et, enfin, fuir à l’Ouest. Mais avant les Bisserov connaîtront l’exil, la déportation, l’internement, les travaux forcés, les maltraitances, la torture, les violences les plus sadiques…
Un appel au secours mais aussi la dénonciation d’un régime autoritaire, brutal, qui ne recule devant rien, y compris l’affamement massif, pour contraindre les réticents et anéantir les résistants et instaurer la collectivisation de l’agriculture et de l’artisanat. Le peuple résiste en s’appuyant sur ses héros historiques pour justifier son opposition aux exactions du pouvoir et affirmer l’identité valaque.
C’est une violente charge contre le communisme mais pas pour autant une soumission au capitalisme,
- « Si je suis bien ton raisonnement le capitalisme privé ou le capitalisme d’état parviennent, pour l’ouvrier, à des résultats identiques !
Exactement ! Je ne vois pas l’ombre d’une différence pour le peuple. Mieux les deux tyrannies sont complémentaires pour asservir la planète !» -
plutôt le désir d’un humanisme respectueux des valeurs nationales et des religions qui cohabitent en paix depuis des lustres dans ce petit pays. Cette dénonciation virulente des exactions violentes, cruelles, sadiques des sicaires du pouvoir semble suffisamment crédible à ceux qui pourront les recouper avec d’autres lectures et des récits de témoins occultes pour ne pas laisser le doute s’installer. Ce n’est pas une manipulation politique qu’on pourrait craindre en toute objectivité, c’est bien un appel au secours.
L’auteur voudrait accabler la destinée du sort réservé à ces petits peuples régulièrement accablés par le malheur mais la destinée demande tout de même le renfort de la volonté, du courage et de la détermination pour éviter cette fatalité. « C’est le fait des peuples slaves, Boris. Ils rêvent, mais ont l’habitude d’être traités en esclaves. Regarde les Russes ! Ont-ils jamais connus la liberté ? Nous sommes pareils… » « Vous, vous combattez, mais vous ne savez même pas pourquoi vous vous battez. Ne vous étonnez donc pas que personne ne vous comprenne et que chacun continue à vaquer à ses petites occupations. » L’envie de résister, de se battre, habite encore certains mais ils sont bien seuls avec leur rage au ventre et le désir violent de se venger un jour ; mais le temps effacera peu à peu la rancœur, appellera à la sagesse pour ne pas devenir comme « eux », les autres qui sont maintenant morts ou séniles.
« Pour ce peuple, l’horloge de la vie, du progrès, de la démocratie s’était arrêtée depuis le neuf septembre mil neuf cent quarante quatre ! »
Les éditions
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Au dela du Danube (French Edition)
de Petrov, Liuben
Editions Dunonia
ISBN : 9788449941900 ; 15,93 € ; 01/01/1984 ; 308 p. ; 13 x 20
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Livre mystérieux : "Au delà du Danube" | 4 | Débézed | 6 février 2013 @ 16:18 |