Orchidée fixe de Serge Bramly

Orchidée fixe de Serge Bramly

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Stavroguine, le 6 janvier 2013 (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (49 903ème position).
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Calembour

Serge Bramly, dans Orchidée fixe, évoque pour nous une période méconnue, et largement ignorée par les spécialistes, de la vie de Marcel Duchamp. En 1942, fuyant l’occupation, l’artiste souhaite se rendre aux Etats-Unis afin d’y retrouver la liberté perdue par l’Europe et le confort d’un succès qu’elle ne lui accorde pas encore. Les liaisons entre le Vieux et le Nouveau Monde étant coupées par l’occupant, Duchamp sera pourtant contraint de transiter par Casablanca où il attendra quelques semaines le départ d’un cargo vers sa Terre Promise.

Pour l’histoire de l’art officielle, ça s’arrête là : Casablanca n’est qu’une escale sur la route d’un Duchamp qui fuit la France pour se rendre à New York.

Pour Bramly, ce vide est l’occasion de broder, de mêler à la grande histoire celle de l’art, et surtout la petite, celle de sa famille tunisienne, transportée pour l’occasion au Maroc, et à qui il fait jouer un rôle important dans le développement de l’artiste. Pour ce faire, Bramly prend ses distances avec l’histoire officielle. Mieux, il invente une histoire qui contredirait toutes ces monographies consacrées à l’artiste et truffées de notes de bas de page, et qui portent le nom de fameux professeurs d’art américains qui font autorité. Une révolution comme un pied de nez !

Son Duchamp à lui sort rapidement du sinistre camp de transit dans lequel il aurait dû attendre son paquebot pour trouver refuge dans une baignoire sise à l’arrière d’une salle de jeu juive dans le Maroc occupé. Recueilli par le Baron de la cale, il court des jours paisibles en traçant les esquisses de ses ready-made à venir et en rencontrant au détour d’un bordel ou au sein d’un réseau de résistance des figures qui joueront un rôle fondamental dans ses oeuvres.

Si tout ceci, en plus d’une simple fiction, nous apparaît comme un pied de nez, c’est que cela nous est raconté à nous en même temps qu’à un professeur du Colorado qui ne manquera pas de révolutionner le monde de l’art moderne avec son ouvrage «authoritative» et truffé de notes de bas de page sur ces importantes découvertes. A quoi donc tient l’Histoire ? - semble nous demander Bramly. Et cela fait d’autant plus sourire que son Duchamp est loin du cliché de l’intellectuel opaque qui nous est souvent présenté. L’artiste semble ici laisser la place à l’homme et, par là-même, nous être plus proche.

Ce qui est un peu moins heureux, c’est que Bramly voudra superposer à cette vision sympathique de Duchamp l’histoire d’une amourette naissante entre l’arrière-petite-fille du Baron de la cale et ledit professeur du Colorado. C’est moins enlevé et ça ne passionne guère.

Toutefois, ne boudons pas notre plaisir : on a aimé côtoyer ce Duchamp et on a aimé feuilleter ce livre qui ressemble à une joyeuse déclaration d’amour à l’Afrique du Nord, à Duchamp et à ceux qui, comme lui, s’ennuient de ce qui ne les amuse pas... Ainsi qu’à une pique ironique lancée à ces universitaires et à ce marché de l’art qui transforment ce qui devrait être amusant en quelque chose de bien trop sérieux.

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Marcel Duchamp

7 étoiles

Critique de PA57 (, Inscrite le 25 octobre 2006, 41 ans) - 12 février 2013

Ce roman raconte un épisode de la vie de Marcel Duchamp, artiste que je ne connaissais pas avant de lire ce livre. L'action se passe pendant le Seconde Guerre Mondiale. Marcel décide de quitter la France et de s'expatrier aux Etats Unis. Mais, le seul moyen pour quitter la France étant de passer par le Maroc, il embarque sur un bateau qui l'emmène près de Casablanca dans un camp de transit. Marcel est un très grand amateur d'échecs et il cherche quelqu'un qui pourrait jouer avec lui quand il entend parler d'un lieu où se rejoignent des joueurs. Il va faire alors la connaissance de René Zafrani, qui va l'héberger le temps de son transit dans la salle de bain.
Un écrivain américain, Tobie Vidal, qui écrit une biographie de l'artiste, va à Tel Aviv pour interviewer le fils de René Zafrani. La narratrice est la petite fille de ce dernier.

Ne connaissant absolument pas l'oeuvre de Duchamp, ce roman m'a donné l'envie de la découvrir. Je me suis prise plusieurs fois à aller chercher sur le net des informations sur ses oeuvres, un peu comme le fait la narratrice (qui elle non plus ne connaît pas Duchamp) dans le roman.
L'histoire en elle-même n'est pas vraiment palpitante, mais pourtant, j'ai été happée par l'écriture, que j'ai trouvé très jolie, presque poétique même. C'est, je trouve, un bel hommage à cet artiste. J'ai également beaucoup apprécié les chapitres consacrés à l'époque contemporaine, dans lesquelles apparaissent la narratrice et Tobbie Vidal.
Un bon roman que l'on peut apprécier, que l'on connaisse ou non l'oeuvre de Duchamp.

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