Roman légèrement fantastique sur le rapport à la terre et le sentiment d'appartenance à un lieu

Le thème de ce roman, légèrement fantastique et baigné d’une atmosphère de légende, est le lien qui peut unir un homme à un lieu, dans son âme et sa chair. Le sentiment d’appartenance par l’âme et l’esprit affronte ceui d’appartenance par l’hérédité familiale et le sang. Ce thème ne m’aurait pas incité à lire ce roman si l’écriture n’avait pas été élégante, voire empreinte d’un peu de préciosité, avec dans le texte deux témoignages d’admiration à Julien Gracq. Néanmoins, le livre n’est pas un chef d’œuvre littéraire et, malgré des passages poétiques (notamment dans l’évocation des éléments de la nature), il est parfois difficile de s’intéresser vraiment aux péripéties d’une chasse à courre, même enrichie d’échos symboliques aux légendes et au surréel, organisée par une vieille famille aristocratique… De nombreux termes techniques de la chasse à courre émaillent par ailleurs le texte.

Etienne Villedieu, pied-noir déraciné d’Algérie après avoir vendu ses terres, cherche, à son retour en France, un lieu auquel il pourrait se vouer, une vieille demeure entourée d’arbres qui aurait traversé les siècles et qu’il pourrait restaurer pour la léguer à sa fille et à ses petits-enfants, pour les enraciner dans un sol dont ils se nourriraient et qu’ils féconderaient en même temps. Après de nombreuses recherches vaines, dans le Périgord et en Bretagne, il découvre par hasard en Ile de France une vieille bâtisse (Honguemare) que le propriétaire est obligée de vendre. C'est un militaire aristocrate désargenté dont la famille est installée dans le château depuis des siècles. Après d’âpres discussions, l’affaire est finalement conclue et la famille Villedieu s’installe dans le domaine un soir de Noël. Peu à peu, Etienne Villedieu, qui fait survivre sa famille grâce à son métier d’architecte mais consacre l’essentiel de ses revenus à la restauration du château, s’investit avec une ardeur quasi-messianique dans la tâche de sa vie : faire renaître Honguemare. Béatrice, sa fille, est une complice et un soutien mais son épouse, qui préfère la vie culturelle parisienne, le délaisse de plus en plus. Finalement, Etienne Villedieu finit par vivre seul et affaibli dans ce château trop grand pour lui et passe ses heures dans la bibliothèque, où il a installé une vieille tapisserie du XVème siècle qui le fascine (représentant une scène de chasse de courre qui fait écho au blason de Honguemare).
En fait, l’ancien propriétaire (Guillaume du Trémic) a refait sa fortune en Amérique du sud et, revenu en France, s’est rapproché de Charlotte Villedieu, qui l’informe des difficultés financières de son mari. Du Trémic multiplie les démarches pour tenter de récupérer son ancienne demeure et finit par pousser Etienne Villedieu au désespoir : averti dans un rêve par le fauconnier de la tapisserie, qui lui fait part de sa mort imminente, Etienne se rend à l’étang, où il aime pêcher, et meurt « par accident ». Son âme vient alors s’insérer dans les fibres de la tapisserie : il exercera sa vengeance, au nom de Honguemare, contre son épouse et Guillaume du Trémic lors d’une chasse à courre au cerf (un « dix cors jeunement ») organisée pour célébrer le retour des du Trémic dans leur demeure ancestrale. Néanmoins, à la fin, Béatrice épousera Christian du Trémic (fils de Guillaume) et leur union consacrera celle de l’âme et du sang de Honguemare.

Le récit entremêle, comme les fils d’une tapisserie, le récit au présent de la chasse à courre et les souvenirs d’Etienne Villedieu, dont l’esprit hante les lieux sous la forme du fantôme du fauconnier de la tapisserie.

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  L'Esprit du lieu

  de Andro, Jean-Claude
  Flammarion
  ISBN : 9782080605979 ; 4,19 € ; 01/01/1972 ; Broché

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