Les vierges de Satan de Dennis Wheatley

Les vierges de Satan de Dennis Wheatley
(The Devil Rides Out)

Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique , Littérature => Anglophone

Critiqué par Ellane92, le 11 décembre 2012 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans)
La note : 9 étoiles
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Un roman sur l’occulte, mais pas que

Londres, dans les années 30. Rex Van Ryn, un Américain de passage, pense passer une soirée avec ses amis, le duc de Richleau, et Simon Aron, comme à son habitude. Mais Simon est absent, prétextant la fatigue. Après le diner, au cours duquel il apprend par le Duc que Simon s'est éloigné depuis quelques mois de ses anciens amis, les deux compères décident de lui rendre visite dans la nouvelle maison qu'il vient d'acquérir. Simon est fort surpris et assez gêné de leur présence parmi l'assemblée qu'il a invitée ce soir, composée de gens troubles et étranges, dont le seul lien semble être une passion immodérée pour l'occultisme. Lorsque de Richleau trouve deux coqs dans la tour d’astronomie (ou d’astrologie ?) de la nouvelle demeure de Simon, l'un noir et l'autre blanc, sans doute réunis pour célébrer un baptême satanique, il décide, avec l'appui de Rex, de kidnapper Simon pour l'éloigner de l'influence néfaste de ses "nouveaux amis". C'est ainsi que commence la lutte entre la faction de de Richleau et celle de Mocata, sorcier, sataniste, hypnotiseur..., héros de la Lumière et des Ténèbres, dont l'enjeu est le libre arbitre de l'homme dans un premier temps, avant que ne se déchainent sur le monde les puissances de l'Apocalypse.

Il y a des livres que l’on dévore, d’autres que l’on déguste. Celui-ci, à mon avis, nécessite, pour révéler tout son arôme, des lectures multiples.
D’abord parce que l’intrigue est prenante, et que pour en savoir plus, on lit rapidement : on est vite envoûté (au sens figuré, je précise) par l’envie d’aller plus loin dans l’histoire.
Ensuite, j'ai lu ce livre (prêté par un collègue) sans en savoir grand-chose a priori, excepté qu’il était dans le registre « SF ». J’ai été surprise, voire décontenancée, par le style de l’auteur, classique, descriptif, factuel, travaillé sans pour autant être lourd, que je n’associe pas à ce genre de littérature.
J’ai également été prise à contrepied par la façon dont sont décrits l’irrationnel, l’occulte : on sent que Wheatley s’est beaucoup documenté et a étudié la question. Il en ressort des dialogues concernant le domaine du spirituel au sens large qui s’inscrivent dans le réalisme, le pragmatisme, mais jamais dans le sensationnel. Si Wheatley nous fait visiter quasiment tout le registre de l’occulte, il ne nous propose pas pour autant un livre d’épouvante, loin de là, et ce sont le suspense et l’action qui nous tiennent en haleine, pas la terreur.
Mais après coup, je me dis que l’auteur a sacrément bien construit son développement narratif, maitrisé de bout en bout, qui lui permet de nous amener sans réticence du monde de tous les jours aux manifestations les plus incroyables de l’occulte, jusqu’au final, qui n’est pas exempt, pour mon plus grand plaisir, d’espoir et de mystère. Une deuxième lecture permettrait à mon sens de mieux comprendre comment les différentes pièces de ce livre s’emboitent les unes avec les autres, et de réfléchir aux symboles sous-jacents du contenu manifeste de l’ouvrage.

La lecture du livre est plaisante : les personnages sont creusés, et restent cohérents tout au long du livre, et j’ai trouvé délicieux le décalage entre la description des objets de tous les jours et celle des manifestations les plus « blasphématoires » du « Mal » (quelle idée de parler d’une marque de voiture en présence du « Bouc de Mendès », n’est-ce pas ?). D’ailleurs, il y a chez l’auteur un brin (voire plus) de complaisance envers ses personnages tellement hors du commun, un soupçon d’élitisme, voire un éloge du snobisme. Si Wheatley témoigne des occupations d’une certaine catégorie de personnes privilégiées au début des années 30, son texte évoque également en pointillés la montée du nazisme dans l’Europe, et surtout met en évidence le capital sympathie de l’auteur envers la population juive, au travers de son personnage de Simon Aron, position qui devait à ce moment-là être plutôt délicate à afficher (le livre a été publié en 1934).
Ce qui m’a frappée le plus, lors de cette première lecture, c’est l’éloge de la liberté individuelle, la façon dont Wheatley pose l’âme humaine comme enjeu de la lutte du bien contre le mal, sa sauvegarde, son autonomie, son « salut » dans le vocabulaire religieux, et bien sur sa perversion, sa damnation éternelle. Wheatley nous fait part d’une réflexion philosophique sur les forces qui agitent le monde, et au lieu de tomber dans les clichés séculaires du combat du bien contre le mal, il en fait quelque chose de factuel, de rationnel, et de moderne, quelque chose qui n’aurait pas été renié par les psychanalystes de toute obédience.
Les vierges de Satan constitue un ouvrage de référence sur le domaine de l’occultisme, et un joli tour de force littéraire, auquel, finalement, ne m’a manqué qu’une petite touche d’humour.

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