Le dernier Lapon de Olivier Truc
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers
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Polar ethnique
Polar ethnique(1), thriller nordique, la bande annonce est alléchante, d'autant que le réalisateur, Olivier Truc, est un journaliste français correspondant du Monde à Stockholm.
Abreuvés que nous sommes de littérature nordique depuis plusieurs années, on sait qu'il ne faut plus parler des lapons mais des sames ou des samis (voir Kerstin Ekman par exemple) et qu'ils constituent la dernière population aborigène d'Europe.
Olivier Truc nous emmène sur les traces des ski-doo de deux flics de la Brigade des rennes, là haut, tout en haut, à Kaütokeino, là où Norvège, Suède et Finlande(2) s'enchevêtrent par dessus ce qui était la Laponie.
Klemet est same et connaît bien les éleveurs de la région. Nina est une jeune fliquette blonde fraîchement débarquée du sud(3). Elle n'en connaît pas beaucoup plus que nous sur les lapons, ce qui permet à Olivier Truc de déployer beaucoup de pédagogie pour nous instruire sur les us et coutumes de ce peuple. Un peu trop de pédagogie d'ailleurs, c'est dommage, ce qui, avec l'écriture très standard, fait de ce bouquin, certes un livre passionnant et instructif mais pas encore de la bonne et belle littérature.
À Kaütokeino, un tambour sacré est dérobé dans un musée local. Un de ces tambours que dans les années 1700, les pasteurs évangéliques s'évertuaient à brûler (parfois avec les chamanes tant qu'à faire) pour éradiquer la sauvagerie et le paganisme(4).
Puis c'est le cadavre d'un éleveur de rennes que l'on retrouve avec les oreilles découpées (comme celles des bêtes que les éleveurs se volent entre eux et dont il faut faire disparaître les marquages).
Malédiction ancestrale qui planerait encore sur ce tambour sacré ? Exaspération socio-politique dans cette région où, malgré le froid, fermente le racisme envers les autochtones ? Règlement de comptes entre éleveurs dans cette toundra où il devient de plus en plus difficile de vivre ? Appât du gain à l'heure où les grandes compagnies minières voudraient bien faire main basse sur un sous-sol prometteur ?
Autant de pistes à explorer, où tous ces éléments de contexte sont minutieusement décrits par Olivier Truc et, on l'a dit, c'est passionnant et instructif.
Bref, un demi-coup de coeur : pas pour le côté littéraire (l'écriture est trop standard), pas pour le côté polar (l'enquête n'est qu'un prétexte), mais pour le volet ethno-socio-géo-politique. À lire comme un avant-goût de voyage et qui sait, peut-être qu'un jour nous aurons assez de courage pour aller passer quelques semaines au coeur de l'hiver lapon.
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(1) - bien sûr il y a les incontournables navajos du regretté Tony Hillerman, mais également les mongols de Sarah Dars par exemple
(2) - et Russie aussi, mais là la communication passe encore mal
(3) - du sud de la Norvège hein, faut relativiser, mais là-haut ça suffit et cette jeune et blonde fliquette [mais futée quand même, hein] fournit à Olivier Truc le regard extérieur (le sien, le nôtre) dont il a besoin pour nous promener chez les lapons
(4) - toute ressemblance avec d'autres colonisations où l'Eglise fut le bras armé de la couronne serait purement fortuite
Les éditions
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Le dernier Lapon [Texte imprimé] Olivier Truc
de Truc, Olivier
Métailié / Noir (Paris. 1998).
ISBN : 9782864248835 ; 22,00 € ; 13/09/2012 ; 453 p. ; Broché -
Le dernier Lapon [Texte imprimé] Olivier Truc
de Truc, Olivier
Points / Points (Paris)
ISBN : 9782757836064 ; 8,40 € ; 12/09/2013 ; 570 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (9)
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Pendant lapon aux polars mongols de Ian Manook
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 13 mai 2019
L’idée de passer par un polar pour s’épancher sur une culture qui vous fascine me parait une bonne démarche. Tony Hillerman l’a largement développée avec le territoire Navajo dans l’Ouest américain, Craig Johnson plus au Nord dans le Wyoming du côté des Cheyennes et l’Anglais Colin Cotterill avec la Thaïlande et le Laos. Ici c’est Laponie au programme. Et quel programme !
Kautokeino, Norvège, tout là-haut là-haut possède une Brigade des rennes, spécialisée et adaptée à cette zone où le renne est une valeur marchande et où se déplacer implique plutôt motoneige quand le « tout-terrain » est neutralisé par l’abondance de neige.
Klemet est le local ; un Sami. Il connait le pays, les éleveurs et la ville (euh ! le village). Nina est une charmante policière des lointains méridionaux de la Norvège. Elle découvre le contexte, la situation. Comme nous quoi. Ce qui permet à Klemet de lui (nous) expliquer les tenants et aboutissants de la culture sami. Il se passe néanmoins des choses pas catholiques puisque, apparemment fait insignifiant, un tambour sacré du XVIIIème siècle est dérobé dans le musée local alors qu’il venait tout juste d’être restitué au pays. Puis, moins anodin, un éleveur de rennes est retrouvé assassiné. On lui a coupé les oreilles, opération qui s’effectue sur les rennes volés lorsqu’on veut faire disparaître le marquage. Bien entendu les choses sont beaucoup moins simples qu’il n’y parait et impliquent de se plonger dans le passé et dans l’histoire samie. L’occasion pour Olivier Truc de faire acte de pédagogie, mais sans pédanterie ni prétention.
Au final, ce polar – rafraîchissant pour le moins ! – s’avère une lecture intelligente.
Au pays du télémark
Critique de Pierrot (Villeurbanne, Inscrit le 14 décembre 2011, 72 ans) - 30 novembre 2017
Puissant Polar Polaire
Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 7 février 2017
En Laponie aussi règnent le silence , la lenteur, les espaces immenses , les êtres taiseux , pacifiques . Cette harmonie est bien sûr brisée , ici aussi depuis longtemps par l'avidité de notre civilisation. Le personnage d'Aslak transcende cette histoire. Le prologue met en scène le martyre de son homonyme au 17ème siècle . Le personnage contemporain domine ensuite tout le récit par sa pureté , son mystère , sa force , même s'il n'est présent qu'à certains moments forts de l'intrigue. Il vit dans une relation symbiotique avec son troupeau de rennes et vit dans une continuité sans rupture avec ses ancêtres . Les autres lapons se débrouillent dans des degrés divers d'adaptation et de compromis avec notre siècle
Un ouvrage qui ouvre des portes !
Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 3 janvier 2015
Les personnages sont attachants, on échappe même à l'inévitable histoire d'amour (!) mais surtout on pénètre dans un monde méconnu, toujours empreint d'une Histoire faite de rudesse et de persécutions religieuses sur fond des inévitables racistes primaires. Le rapport des Samis, aux rennes, porteurs de la survie au quotidien, est passionnant : élevage "à l'ancienne" ou approche moderne, la place de cet élevage ancestral est une vraie découverte.
Personnellement, ça m'a donné envie de faire des recherches plus poussées sur cette culture : et ça, c'est la marque d'un ouvrage de qualité !
PFF...
Critique de Ronanvousaime (, Inscrit le 13 mai 2007, 49 ans) - 20 avril 2014
Un bon Truc
Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 77 ans) - 13 avril 2014
L’histoire commence d’une manière conventionnelle par un vol et un meurtre mais tout de suite, le lecteur se rend compte que les policiers chargés de l’enquête sont différents de ceux qu’on a l’habitude de voir dans des livres du même genre (du moins le personnage principal car il appartient à la communauté Sami). C’est l’occasion pour l’auteur de parler de ces gens, de leur Histoire, de leurs croyances, de leur ardeur et de leur rudesse face à ces hivers longs, vigoureux et ténébreux (à une certaine époque de l’hiver, il n’y a pas une minute de jour donc de clarté), de leurs difficultés à vivre (addiction à l’alcool bien « compréhensible ») et de leur exploitation par les « scandinaves ». Cela ressemble un peu à un « western » à la Hillerman avec les indiens sauf qu’ici, il n’y a pas de police montée mais une police des rennes et si le peuple Sami n’est pas exterminé ou mis dans des « réserves » son sort à l’entame de ce XXIe siècle n’est pas brillant pour autant ! Des histoires de tambour, de trésor, de chamans, de soif de l’or fournissent encore un côté original supplémentaire à ce récit très bien construit, passionnant, et contenant de nombreux personnages pittoresques (comme ce géologue français, terrible comme un personnage de S.King ou du Harris du ‘Silence des agneaux’ ou son accompagnateur lapon fier et taiseux) !
J’ajouterais qu’apparait en filigrane à plusieurs reprises le traumatisme de l’affaire du premier ministre Palme (toujours pas élucidée) dans ce pays que nous considérions comme « modèle » qu’est la Suède et –note plus personnelle- la joie de vivre quelques centaines de page dans cette contrée que j’ai déjà visitée à plusieurs reprises –en été !!!
Passionnante Laponie
Critique de PennyLane (, Inscrite le 2 février 2014, 34 ans) - 2 février 2014
Une belle réussite et une réflexion passionnante.
Un bon polar ethnologique
Critique de Manolo (, Inscrit le 6 mars 2007, 52 ans) - 23 juillet 2013
Dans le froid du grand Nord un policier d'origine Lapone mène l'enquête. Avec sa jeune et belle collègue venue de la Grande ville ils cherchent pourquoi on a volé un simple tambour ancestral. Il y a t-il un lien avec le meurtre d'un éleveur de Rennes?
Un bon polar ethnologique.
Polar nordique écrit par un français
Critique de Capucine21 (, Inscrite le 30 mai 2011, 55 ans) - 26 mai 2013
Le roman est trop touffu pour que j'en évoque toutes les facettes, je vais me limiter aux grandes lignes. L'histoire commence à Kautokeino, Laponie centrale, à la fin de la nuit polaire. Le soleil fait sa réapparition, 40 minutes le premier jour. Klemet travaille à la police des rennes et vient d'être rejoint par Nina, jeune policière du sud de la Suède, ignorant presque tout du grand nord. Un tambour de chaman vient d'être volé au musée local, or sa valeur est hautement symbolique. La plupart des tambours ont été détruits par les pasteurs protestants, très pressés de convertir la population et d'éradiquer leurs croyances ancestrales.
Presque aussitôt, un vieil éleveur au bout du rouleau est assassiné dans son gumpi (tente), les oreilles coupées et marquées comme on le fait pour les rennes, afin d'identifier leur propriétaire. Klemet et Nina vont avoir fort à faire pour découvrir s'il y a un lien entre les deux évènements et quel est sa nature.
L'enquête les mènera jusqu'en France, sur les traces d'une expédition de Paul-Emile Victor, juste avant la seconde guerre mondiale. Ils devront remonter l'histoire et se pencher sur l'exploitation minière de la Laponie et le changement de vie radical qu'il a entraîné chez les samis.
Ce qui fait l'attrait de ce roman, ce sont les personnages, dont deux me resteront particulièrement chers. Nina, la jeune policière qui, dans son ignorance, pose les questions que j'aurais posées moi-même et qui fait preuve de bon sens et de fermeté. Et Aslak, l'éleveur ancienne manière, qui va toujours à ski alors que tous les autres éleveurs utilisent des moto-neiges, Aslak dont la femme à moitié folle, hurle à intervalles réguliers.
Klemet, s'il a une connaissance parfaite du territoire, peut être balourd parfois. Il faut dire qu'il ne sait pas très bien ce qui lui reste de son héritage sami et que ce n'est pas facile pour lui de se situer au sein de la police "officielle". Certains considèrent la police des rennes comme folklorique et enragent de voir les droits des autochtones reconnus. Comme trop souvent, les colonisateurs se considèrent comme supérieurs et propriétaires des territoires qu'ils ont spoliés. Il y a aussi Berit, une vieille femme seule, qui en sait certainement bien plus qu'elle ne le dit ; un géologue français, dangereux prédateur ; l'oncle de Klemet, fin connaisseur des chants lapons, les joïks etc ...
Les descriptions des grands espaces, des courses dans la neige, du froid intense, du vent, sont magnifiques et très visuelles. J'ai adoré tout ce qui a trait aux anciennes coutumes et au chamanisme, le tout exposé sans lyrisme excessif. A souligner, une entrée en matière saisissante, qui mérite d'être relue à la fin du roman.
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