Visage retrouvé de Wajdi Mouawad

Visage retrouvé de Wajdi Mouawad

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 29 décembre 2002 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 10 étoiles
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Les Enfants de la guerre

Wajdi Mouawad est un jeune Libanais qui vit à Montréal, où il est connu pour sa contribution à la vie théâtrale. Visage retrouvé est son premier roman. L'auteur plonge le lecteur dans l'univers fantasmagorique que s'est inventé un enfant pour se sortir des horreurs de la guerre du Liban.
À partir du visage d'une femme apparue dans un autobus incendié avec ses usagers, cet enfant, jadis heureux avec sa famille, commence petit à petit à se construire un monde parallèle qui connaîtra son paroxysme à l'adolescence pour se terminer à dix-neuf ans alors qu'il attend avec fébrilité l'exposition de ses toiles dans une galerie de Montréal, où ses parents sont venus s'établir après qu'une bombe eût explosé dans le jardinet attenant à leur maison.
Freud aurait aimé cette oeuvre qui expose à merveille ses théories sur l'onirisme. On y trouve les mécanismes subtils que l'on déploie pour vaincre ses peurs. Le célèbre psychanalyste aurait aussi apprécié de voir que la défense s'organise autour de l'image de la femme, qui est au coeur du jeune mâle en formation. La coupure ombilicale coïncide malheureusement pour Wahab, le jeune héros, avec les affres de la guerre. Sa révolte naturelle se double ainsi de celle engendrée par un déracinement qui vient priver quelqu'un des joies de son enfance. Dans la partie montréalaise de l'oeuvre, l'auteur la communique en employant le vocabulaire québécois qui l'exprime.
Ce merveilleux roman n'est pas le fruit d'une âme désespérée. Au contraire, il y a une lumière au bout du tunnel. La fugue de Wahab à quatorze ans lui sera salutaire. C'est en partageant son monde imaginaire avec celui d'un vieillard mourant qu'il deviendra «capable de s'arracher à la laideur d'un monde dans lequel on essayait de l'engager». La peinture sera aussi un exutoire qui lui permet de fixer sur la toile les visages de ceux qui l'ont étouffé, surtout celui de la femme de l'autobus qu'il confond avec celui de sa mère.
Wahab aura passé son adolescence à retrouver son vrai visage, celui qui se cachait dans ce corps malade, dont il massait les pieds la nuit quand la souffrance devenait insoutenable. Pour vivre, il s'est appliqué à le retrouver dans le fatras social qui brouille les pistes.
L'auteur a raconté simplement cette histoire d'exil psychologique et physique qui se termine au Québec. Il a fixé ce qui a de permanent dans la vie en se servant d'un narrateur discret, qui laisse au héros le soin de se raconter quand son destin évolue. C'est un roman très intéressant quand on aime lire une oeuvre qui donne accès à l'imaginaire d'autrui.

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