La Tête ailleurs de Hélène Vachon

La Tête ailleurs de Hélène Vachon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 24 décembre 2002 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Crise existentielle des quinquagénaires

À moins de s'adonner à un genre particulier, un auteur, à 30 ans, observe la détresse des jeunes; à 40 ans, il scrute le dépit amoureux; à 50 ans, il porte sur le monde et sur lui-même un jugement négatif.
Hélène Vachon, l'auteur de La Tête ailleurs, n'échappe pas à cette classification très sommaire. Née en 1947, elle a choisi une héroïne de son groupe d'âge, une portraitiste, dont le milieu est bien connu pour le recul qu'il sait prendre devant la vie et la mort.
Comme le cliché le veut, Alison, l'artiste, aime la vie de bohème. Elle fuit les moules socratiques qui prédestinent la raison à la fabrication d'un mode d'emploi. C'est ainsi qu'elle n'accorde pas d'importance à son apparence : «son pantalon est mal coupé, elle n'est pas bien coiffée, le manteau n'est plus de saison...» Elle habite un loft désordonné qui lui sert d'atelier. Même l'odeur de térébenthine incommode son chien SDF. Heureusement que son ancien amant, le parfait, s'occupe encore d'elle et surtout de son logis.
Alison refuse de participer à un jeu qu'elle trouve «polluant». Sans aller vivre loin du monde comme Alceste dans le Misanthrope, elle limite le plus possible ses sorties. Elle s'occupe presque uniquement de faire le portrait de ses clients qu'elle juge bien défavorablement.
Elle s'obstine à exercer ce métier parce qu'elle croit fermement que c'est dans la tête que tout se joue. Elle cherche un sens à leur existence qui éclairerait la sienne par le fait même. On pénètre ainsi dans l'univers des écrivains existentialistes qui ont marqué le 20e siècle.
Alison affronte cependant sa misanthropie. Elle accepte, de mauvaise grâce, les invitations de son voisin de palier, elle rencontre un couple d'amis, elle visite sa vieille tante, dont elle s'occupera des funérailles à sa mort ainsi que de celles du clochard, dont elle a accueilli le chien à cause d'un accident dont elle était responsable. C'est une femme de devoir qui n'est pas insensible à la douleur d'autrui.
En fait, le roman ressemble beaucoup à un photomontage à la André Breton, qui laisse voir les préoccupations de l'artiste devant la guerre et le vide qui caractérise une société en quête de nouvelles valeurs. Comme Noé, Alison attend la fin du déluge. Et comme Nietzsche, elle a un vouloir-vivre, mais elle ne sait pas comment l'incarner.
C'est une oeuvre intellectuelle dans le sens noble du terme, qui interroge le lecteur sur son passage ici-bas. C'est écrit simplement, mais comme l'auteur plonge dans le quotidien d'une femme qui, comme chacun de nous, se pose mille et une questions, il se dégage une impression de stagnation. Hormis ce bémol, l'oeuvre s'attache à une femme qui n'a pas la tête ailleurs, mais plutôt absente aux bruits tonitruants de la société.

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