La maison inhabitée de Mrs J. H. Riddell

La maison inhabitée de Mrs J. H. Riddell
(The unhabited house)

Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique , Littérature => Anglophone

Critiqué par Pierrequiroule, le 10 octobre 2012 (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans)
La note : 10 étoiles
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Attention, chef d'oeuvre méconnu!

Autant vous prévenir : ce roman fantastique n’a rien de banal. Certes il est écrit en plein âge d’or de la « ghost story » anglaise. Certes, on y trouve les ingrédients de toute histoire fantastique qui se respecte : la vieille demeure hantée, l’atmosphère oppressante et les terribles secrets ne font pas défaut. Et pourtant cette oeuvre nous entraîne loin des sentiers battus !

Mrs Charlotte Riddell (qui signait du nom de son mari, Joseph Hadley Riddell) a connu la célébrité dans l’Angleterre victorienne. Elle a même été comparée par ses contemporains à Joseph Sheridan Le Fanu, autre maître du surnaturel, dont elle partageait les origines irlandaises. Bien que la renommée de Mrs Riddell soit quelque peu retombée, la traduction de Jacques Finné lui rend hommage pour son incomparable talent de conteuse et lui redonne sa juste place dans la littérature fantastique anglaise.

« La Maison inhabitée » (1875) est sans doute un chef d’œuvre du genre. L’intrigue paraît classique. Un jeune clerc, Harry Patterson, est amené à enquêter pour sa société dans une demeure à la réputation douteuse, proche de Londres. Pourquoi cette maison a priori charmante, pourvue du confort moderne et d’une vue sur la Tamise, est-elle inhabitable ? Qu’est-ce qui pousse les locataires de "River Hall" à fuir les uns après les autres sans demander leur reste? Depuis le suicide de Mr Elmsdale dans la bibliothèque, on murmure que d’étranges apparitions hantent les lieux. Des fenêtres éclairées se reflètent chaque nuit dans les eaux de la Tamise et des portes claquent, même en l’absence de tout habitant. Mais c’est sans compter l’obstination de Miss Blake, nouvelle propriétaire du lieu, qui défend bec et ongles ses revenus et ceux d’Helena, sa nièce orpheline. La vieille avare confie donc l’enquête à la société « Craven et Son », chargée de louer la maison. Ajoutez à cela les doux sentiments qu’éprouve Patterson envers Helena et vous comprendrez pourquoi notre héros est bien décidé à élucider le mystère. Il va ainsi passer quelques nuits –sans doute les plus éprouvantes de son existence – dans cette maison peu recommandable. Précisons tout de suite qu’Harry Patterson est on ne peut plus sain d’esprit : en digne gentleman anglais, il ne croit pas au surnaturel et pense que le seul à hanter ces lieux est un mauvais plaisantin. Sera-t-il forcé de changer d’avis ? A vous de le découvrir en vous plongeant d’urgence dans ce roman. Mais que le lecteur sensible se rassure : Mrs Riddell nous ménage un « happy end » où l’amour et le courage triomphent.

Venons-en à présent à l’originalité de cette oeuvre.
Elle se distingue d’abord par sa technique narrative. Harry Patterson nous raconte l’histoire dans un style non dénué d’humour. Malgré les évènements surnaturels - et même franchement effrayants ! - dont il est témoin, le narrateur se départit rarement de son ton enjoué. Ainsi le portrait qu’il brosse de Miss Blake prête franchement à rire. Ironie fine, dérision, comique de situations et personnages cocasses sont présents tout au long du récit. Mais cela n’empêche nullement l’auteure de distiller la peur dans son roman. Une fois le décor planté et les principaux protagonistes présentés, le suspense augmente progressivement et tient le lecteur en haleine jusqu’à la révélation finale.

L’autre originalité de ce roman fantastique réside dans l’épaisseur psychologique de ses personnages. Le narrateur est on ne peut plus humain : il a un passé, une famille, des aspirations, une certaine grandeur, mais aussi des moments de faiblesse. Miss Blake, héroïne – ou anti-héroïne ? – possède un accent si coloré, une tenue si pittoresque et un tel franc parler qu’on la verrait presque se détacher des pages du livre. Ses défauts sont accentués au point de la rendre caricaturale, mais au final elle tient plus de la mégère apprivoisée que des intrigantes diaboliques que l’on côtoie d'ordinaire dans ce genre de livres. Ainsi, elle aussi s’avère complexe.

L’atmosphère devient pour ainsi dire « réaliste » grâce à la description de la ville de Londres au XIXème siècle, avec ses commerçants, l’affluence de ses omnibus, ses officiers de retour des Indes et ses hommes d’affaires qui se pressent dans la City. Vous l’aurez compris, on est loin d’un manoir gothique isolé dans la lande. La Maison inhabitée, bien qu’un peu en retrait, se situe près d’une capitale moderne en pleine effervescence. Et c’est ce qui rend le surnaturel d’autant plus effrayant : il s’insinue dans le quotidien, dans un mode qui pouvait paraître familier et rassurant au lecteur de l’époque.

Avouons-le franchement : les étonnants procédés de Mrs Riddell sont diablement efficaces ! Et gageons qu’une fois le livre entamé, vous ne pourrez le refermer avant d’avoir éclairci le mystère de « La Maison inhabitée » !

Si vous avez apprécié ce roman, vous aimerez aussi « Une terrible vengeance et trois autres récits fantastiques », un recueil de nouvelles signé Mrs Riddell.

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Les éditions

  • La maison inhabitée [Texte imprimé], 1875 Mrs. J. H. (Charlotte) Riddell trad. et postf. par Jacques Finné
    de Riddell, Mrs J. H. Finné, Jacques (Traducteur)
    J. Corti / Domaine romantique.
    ISBN : 9782714308214 ; 19,25 € ; 06/05/2003 ; 255 p. ; Broché
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