Rue des voleurs de Mathias Enard
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Roman d'une jeunesse actuelle entre recherche et perdition
« Rue des voleurs »
roman de Mathias Enard
Editions Acte Sud
août 2012
250 pages
21,50 €
Entre deux chemins
Le héros, jeune marocain de Tanger aspire à la liberté dans une société contrainte, où face à un régime autoritaire, la seule alternative possible est représentée par l'islamisme à moins que le « printemps arabe » qui pointe ouvre des perspectives.
La route sera longue, difficile et les religieux veillent et s'organisent tandis que le gouvernement royal sait naviguer pour ne garder que l'essentiel.
Avide de lecture, plutôt des polars mais ce sont avant tout des livres, il se cherche et essaye de se construire seul ou sous la férule d'un « guide », les deux prétendants font le commerce des livres... L'un, vieux et érudit lit et vend tout livre, l'autre s'adonne au prosélytisme religieux et à l'action.
Aujourd'hui il doit choisir, d'autant plus que, surpris dans une relation interdite avec sa cousine, il est frappé durement par son père et quitte le foyer familial pour aller d'errances en errances.
Il est comme un chiot : « ...je comprends surtout l'absence du maître, qui fait que nous errons tous à sa recherche dans le noir en nous reniflant les uns les autres, perdus, sans but. »
Evidemment, il lui reste le rêve de partir, de s'exiler vers l'Europe pour accéder au Paradis ?
Dans son périple, il fait beaucoup d'expériences, certaines douloureuses, d'autres plus douces mais plutôt éphémères celle ci.
En Espagne, il trouve un champ de bataille avec « l'insurrection des indignés », le refus massif de l'austérité, les manifestations réprimées, l'espoir d'une jeunesse.
Il assiste à ces mouvements, y participe certes mais il poursuit surtout sa quête difficile vers le bonheur avec comme compagnon, l'amour de l'écrit.
Les démons que l'on croit partis peuvent un jour nous rejoindre, nous tenter ou nous dégoûter à tout jamais.
C'est ainsi qu'il retrouve son copain d'adolescence et son ancien maître dans la rue des voleurs de Barcelone.
Que préparent-ils ?
Vont-ils perpétuer les méfaits criminels d'hier ?
Ce roman, au style vif plonge le lecteur dans cette société en crise , où une partie de la jeunesse populaire, première victime du libéralisme se trouve face à deux chemins : la débrouille et le « vol » ou l'enfermement dans l'intégrisme et ses dangers mortels.
L'auteur montre en filigrane l'importance que revêtent l'éducation et l'accompagnement des adolescents et jeunes adultes pour qu'ils ne sombrent pas sur des voies dangereuses.
Jean-François Chalot
Les éditions
-
Rue des voleurs [Texte imprimé], roman Mathias Énard
de Enard, Mathias
Actes Sud / Domaine français (Arles)
ISBN : 9782330012670 ; 21,50 € ; 18/08/2012 ; 256 p. ; Broché -
Rue des voleurs [Texte imprimé], roman Mathias Énard
de Enard, Mathias
Actes Sud / Babel
ISBN : 9782330028619 ; EUR 8,70 ; 20/08/2014 ; 348 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (11)
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Un roman intelligent et passionnant
Critique de Evanhirtum (, Inscrit le 22 août 2016, 37 ans) - 22 août 2016
Livre qui s'incrit dans une double actualité
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 26 novembre 2015
Sa faute le poussera d’abord vers une tentative de récupération par des islamistes, un peu sans le vouloir et comme il apparaît souvent chez ces jeunes, sans vraie conviction autre que de se venger de leur triste sort.
L’auteur dénonce aussi les scandales de la société occidentale qui exploite les indigènes dans le cadre des activités impayables en Europe ou qui profite d’opportunités liées au drame des clandestins.
Lakhdhar, adolescent esseulé, s’interroge sur la possibilité de monter les échelons sociaux et il tente de s’affranchir de son pénible destin. Il émeut le lecteur par son sort, son langage et sa clairvoyance ; il n’est jamais dupe des différentes combines de son entourage.
Ce roman du récent auteur honoré du prix Goncourt s’inscrit donc doublement dans l’actualité chaude de ce terrible mois de novembre 2015 et qui opportunément donne un début d’explication au phénomène de l’islamisation des jeunes.
Certes on est face à un auteur qui a un style assez formaté pour ce genre de prix et l’écriture rappelle un peu celle de Laurent Gaudé, bien que Mathias Enard soit davantage accessible.
Qu'avons nous fait de nos jeunes ?
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 4 janvier 2014
Le séjour du narrateur dans les bas-fonds de Barcelone est très interpellant je trouve, il côtoie une jeunesse espagnole sacrifiée, sans espoir et on se dit que la construction européenne est un fameux fiasco.
Un autre regard
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 23 septembre 2013
"Rue des voleurs" est un livre que je n'aurais probablement jamais acheté si on ne me l'avait pas proposé... Le thème, la méconnaissance du monde Arabe, rien ne m'aurait portée vers cet ouvrage. Et j'aurais eu bien tort de passer à côté.
Ce livre ouvre l'esprit, offre un autre regard sur ce qui se passe là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée, une vue de l'intérieur qui permet de comprendre un tas de choses...
Et de se dire aussi que, là-bas, des milliers de jeunes aspirent à une autre vie, se laissent embrigader parfois, hélas, tombent dans la délinquance par nécessité, souvent, et sont extrêmement seuls, sans famille, livrés à eux-mêmes, victimes de traditions ancestrales qui ne les aident pas à trouver leur place dans le monde actuel...
Un autre monde qu'on ignore ou qu'on ne veut pas connaître, mais l'auteur sait nous interpeller, par ce texte poignant, sans ambages, qui décrit la triste réalité.
L'Odyssée de Lakhdar/Ibn Batouta
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 16 septembre 2013
Pour ce faire, il a choisi la forme romanesque mais il n’a pas voulu écrire un roman pour écrire une belle histoire, non, à mon avis, il a choisi de raconter l’histoire d’un jeune Marocain pour pouvoir promener son héros là où il avait des choses à dire pour alimenter le débat, pour expliquer, pour essayer de comprendre cet embrasement. Ainsi Lakhdar, le jeune Marocain, est présenté comme un jeune Maghrébin ordinaire s’ennuyant ferme dans un pays où il n’aura jamais de travail, où il ne pourra pas courtiser les filles qu’il veut mais n’ayant pas pour autant envie de quitter Tanger, sa ville, la ville qu’il aime. Mais un beau jour, il est surpris par son père tout nu avec la cousine qu’il adore, il est renié et chassé par la famille, l’auteur l’emmène alors dans un vaste périple où il va rencontrer la misère, le vagabondage, les recruteurs islamistes, la violence, la brutalité, la perversion de la révolution, une belle touriste espagnole, la luxure, un employeur qui l’exploite, le travail harassant, l’ennui, le désespoir, l’envie de fuir et finalement la fuite. Ayant compris qu’il n’avait aucun avenir au Maroc -« Les Islamistes sont de vieux conservateurs qui nous volent notre religion alors qu’elle devrait appartenir à nous. Ils ne proposent qu’interdictions et répression. La gauche arabe, ce sont de vieux syndicalistes qui sont toujours en retard d’une grève. » -, contrairement à son ami qui a choisi la voie de l’intégrisme, il part pour l’Europe voir l’autre face du problème : l’émigration, la vie sans papiers, la cavale, l’exploitation, les tentatives malheureuses pour entrer au pays des rêves, les ports interlopes, les quartiers sordides, la survie, la drogue, le trafic,…, la solitude, l’errance, la nostalgie, le racisme, le rejet.
Ce livre émouvant montre le problème arabe vu à travers les yeux d’un gamin de vingt ans peu instruit découvrant le monde en lisant des polars, des poésies arabes anciennes, des textes religieux, et en se frottant aux événements, attentat de Marrakech,… , qu’il ne comprend pas toujours très bien. Mais peu à peu, sans renier sa religion, le jeune homme comprend que la violence n’est pas une solution et qu’elle ne va pas dans le sens de la foi telle qu’il la conçoit même s’il est plus humaniste que pratiquant. A travers l’odyssée de Lakhdar/Ibn Batouta, Mathias Enard a voulu nous faire comprendre toute la difficulté rencontrée par les jeunes arabes pour pouvoir conquérir la liberté dont il rêve tant sans se faire voler leur révolte par des forces encore plus réactionnaires que celles qu’ils combattent.
En conduisant Lakhdar/Ibn Batouta à travers toutes les misères qu’un jeune Maghrébin peut rencontrer, l’auteur cherche aussi à nous faire comprendre que ce n’est pas rejetant ces populations désespérées qu’on résoudra les problèmes qui gangrènent nos banlieues et nos quartier dits sensibles et que la menace islamiste ne sera pas vaincue par la haine et la violence. Il faudra que nous comprenions une bonne fois pour toutes que les équilibres planétaires sont définitivement rompus et qu’il faut impérativement en construire d’autres pour que notre monde ne coure pas à la catastrophe symbolisée par la mort, les morts, qui hante de très nombreuses pages de ce récit.
Les longues phrases de Mathias Enard ne ralentissent jamais le récit, au contraire, elles l’accélèrent sans cesse, lui apportent du rythme, elles coulent, elles roulent, elles charrient un vocabulaire jeune, tonique, imagé qui donne de la vie et de la consistance aux personnages. Un texte qui entraîne le lecteur dans une folle odyssée de la misère pour lui faire comprendre qu’il y a urgence à agir si nous ne voulons pas voir des hordes de Lakhdar déferler sur toutes les rives de la Méditerranée. « Les médias ici semblaient fabriquer le Royaume de la haine, du mensonge, de la mauvaise foi. Les Espagnols auraient dû faire leur Printemps arabe, commencer à s’immoler par le feu, tout aurait peut-être été différent ».
A l'heure du choix
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 2 septembre 2013
Dans son pays, il a fait l'expérience des traditions ancestrales avec tout ce qu'elles comportent d'interdits et de violence. Ce qu'il connaît de l'Europe, il l'a appris dans des polars écrits en français et par son imagination qui bouillonne à la vue des belles touristes qui vagabondent autour de lui.
J'ai trouvé beaucoup d'intérêt à ce récit parce que le choix qui se pose à ce jeune Marocain, est certainement celui d'une majorité de jeunes Maghrébins plongés dans la situation actuelle de leur pays.
Ce récit est tout récent, on y évoque les grands bouleversements des pays arabes, avec l'espoir fou du « Printemps arabe » et les violences qui s'en sont suivies.
On voit comment les Arabes ont jugé ces événements et comment ils nous jugent.
On comprend aussi la grande détresse de ces jeunes qui sont prêts à se lancer dans une immigration sans espoir ou qui se lancent dans des actes de violence suicidaire, comme s'ils voulaient en finir avec la vie.
Le récit est toujours bien écrit mais il y a quelques longueurs quand le narrateur raconte ses expériences personnelles et qu'il y ajoute des récits légendaires sans grand intérêt. Par contre, son expérience de survie dans les bas fonds d'une grande cité européenne est hallucinant de réalisme et de vérités vécues.
Voila un livre qui est court et vite lu, qui sort de l'ordinaire et qui est intéressant ; il confirme les qualités d'écrivain de Mathias Enard.
un très bon roman
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 28 mars 2013
Ce qui frappe dès les premières lignes c'est la puissance de l'écriture qui nourrit le propos du récit: une écriture à vif, mais aussi souple et fluide. L'auteur mêle habilement une actualité récente et très réelle avec des éléments qui relèvent presque du conte. Les personnages ne sont jamais manichéens et sont étonnants (en particulier l'étrange senõr Cruz). La trame narrative est finement tissée, tout s'imbrique parfaitement.
Et puis les thématiques sont d'une très grande richesse. Il y a le printemps arabe bien sûr, mais on sent bien que ce n'est qu'une vitrine, que l'auteur veut nous parler d'autre chose aussi: du sens de la vie tout simplement, du besoin d'évasion, d'amour, des racines...
Pour moi c'est vraiment un très bon livre, d'un très bon écrivain. Et cette fois à mon sens les prix prestigieux reçus par l'auteur ne sont pas usurpés.
le récit attachant d'un jeune héros désemparé
Critique de OSCARWY (, Inscrit le 23 février 2013, 68 ans) - 6 mars 2013
Après le livre prend vite l’allure d’un voyage initiatique et à chaque épreuve l’on se demande comment Lakhdar va s’en sortir, ou s’il va basculer dans l’extrémisme religieux
Le livre nous fait voyager, il se passe en temps réel, dans le monde d’aujourd’hui, sous fond d’attentat, et de révolte des indignés, le style est soutenu, et la plume alerte, le narrateur ne prend pas vraiment parti, son héros etant confronté à plusieurs dualités pour s’en sortir, tomber dans le trafic et la délinquance ?, ou adhérer aux extrémismes ?
un seul bémol, la fin surprenante, me semble assez discutable, je la trouve factice et dans la forme et un peu sèche et impulsive
cela dit ce livre vaut vraiment la peine d’être lu, je ne connaissais pas son auteur, mais je sais désormais que je continuerai à le suivre et à lire ses autres ouvrages
Roman actuel
Critique de PA57 (, Inscrite le 25 octobre 2006, 41 ans) - 12 février 2013
Du Maroc à l'Espagne, ce roman raconte la jeunesse marocaine de nos jours. L'action se déroule en plein printemps arabe et la lecture de son livre nous fait bien comprendre le ressenti des jeunes des pays arabes. Une partie du livre se déroulant en Andalousie, l'on se retrouve plongé dans la crise économique espagnole, en pleine manifestations anti-austérité.
Ce livre, très actuel, est une belle analyse de nos sociétés en crise.
Très bien écrit en plus d'avoir une histoire très intéressante, ce roman est un vrai coup de coeur.
Printemps arabe
Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 5 décembre 2012
Pourtant, le rendu séduit. D’autant plus que le personnage de Lakhdhar interroge sur le poids des traditions et sur la possibilité de monter les échelons sociaux. Cet adolescent esseulé, tentant de s’affranchir de son pénible destin tracé par sa famille, émeut. Le sort de Lakhdhar, comme celui sans doute de beaucoup de jeunes, n’est pas dépendant uniquement de sa volonté ; des contraintes terribles pèsent sur son quotidien, dictées par les systèmes politiques et les lois de l’immigration et du travail.
La langue de Mathias Enard vibre par son authenticité : adjectifs scabreux, incertitudes sur le temps et les faits passés, volubilité…
Sans doute pas le roman dont on se rappelle toute sa vie, mais il se distingue nettement de ce qu’on peut lire aujourd’hui.
Destin écrit...
Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 5 décembre 2012
Avec en toile de fond le printemps arabe, l'auteur nous entraîne sur les pas de cet enfant pourtant débrouillard, qui s'enfonce irrémédiablement dans la vie sans avenir, qui lui est destinée.
Grâce à une écriture plaisante, Mathias Enard nous propose un conte sur le mirage de l'exil, bardé de vrais messages, rendant compte de la société actuelle et de l'impact sur la réalité des innocents. Seule la fin, pour moi décevante, altère légèrement la saveur qu'a laissé ce roman dans mon esprit.
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