Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
Moyenne des notes : (basée sur 30 avis)
Cote pondérée : (1 168ème position).
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Excellent, vertigineux !
Dire de ce livre qu’il est bien écrit serait le sous-estimer : il est richement écrit ! Quel style, mes amis ! A elle seule, cette puissance de langage vaudrait déjà le détour, mais il faut encore lui ajouter de l’élégance, du souffle, de la profusion ! A nous laisser bouche bée… Les vagues des phrases kilométriques (jusqu’à une page) nous emportent, nous jettent sur un rivage peuplé de mille mots, et lorsqu’on croit que le courant s’apaise, il reprend de plus belle…
Libero et Matthieu, amis de longue date, décident contre toute attente d’abandonner de prometteuses études à Paris pour revenir au pays, la Corse, et y reprendre un bar qui périclitait. Avec l’énergie de la jeunesse, ils arrivent à redonner vie à ce lieu, qui deviendra le must des touristes et des locaux. Parallèlement, l’auteur aborde l’histoire, bien antérieure, de Marcel, cet homme de faible constitution, cet homme chez qui l’acidité n’est pas que dans l’estomac, mais cet homme aussi qui, depuis toujours, sait que la maladie ne le vaincra pas, cet homme qui, devenu vieux, présentera une sagesse toute particulière, proche des uns, compréhensif même, et à côté de ça, dur, brutal dans son attitude et ses propos à l’égard de son petit fils. Marcel qui, au début du livre, contemple une photo de sa famille d’avant sa naissance. Ce premier chapitre est déjà d’une richesse littéraire invraisemblable…
Ce roman tire aussi sa force des liens entre les personnages. Tout d’abord, l’indéfectible et exclusive amitié entre Matthieu et Libero prête à réflexion. Mais il ne faudrait pas oublier les multiples relations tissées comme une toile, se croisant, se décroisant, se déchirant, pour mener à l’inexorable chute. Car c’est bien de cela aussi dont il s’agit, d’où le titre : l’auteur termine d’ailleurs le livre sur le sermon de saint Augustin suite à la chute de Rome. Revient alors au lecteur de saisir la métaphore (et ses limites).
Une de mes meilleures lectures…
Les éditions
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Le sermon sur la chute de Rome
de Ferrari, Jérôme
Actes Sud
ISBN : 9782330012595 ; 1,79 € ; 22/08/2012 ; 208 p. ; Broché -
Le sermon sur la chute de Rome [Texte imprimé], roman Jérôme Ferrari
de Ferrari, Jérôme
Actes Sud / Babel (Arles)
ISBN : 9782330022808 ; 7,70 € ; 17/08/2013 ; 208 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (29)
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Un peu prétentieux, mais...
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 30 juillet 2021
200 pages seulement, en plus. Bon, au moins, ça se lit quand même vite et on ne s'ennuie pas. Pas trop.
Je le relirai, mais j'attendais un peu mieux de ma première lecture de ce livre souvent qualifié de chef d'oeuvre. On verra sur la durée.
Le règne de l'illusion ne peut être parfait
Critique de Homo.Libris (Paris, Inscrit le 17 avril 2011, 58 ans) - 9 novembre 2019
Contrairement à d'autres lecteurs qui ont laissé des avis sur ce site pour ce livre, la longueur des phrases ne m'a pas gêné car elles sont rythmées et coulent parfaitement à la lecture, sans torsion ou tarabiscotage ! En revanche, quand un auteur a une si belle écriture que celle de Jérôme Ferrari, il conviendrait qu'il parle d'UN après-midi*, qu'il n'use pas de "bien évidemment" ou "bien au contraire", etc.
* malgré l'assentiment de l'Académie dans la grande politique actuelle de nivellement par le bas !
une belle plume
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 16 octobre 2018
Deux jeunes gens, natifs du village, ayant tâté à des études de philosophie se décident à reprendre le bar et d'en faire un Éden : de jolies filles y viennent comme serveuses, danseuses et un peu entraîneuses. Le succès est immédiat... mais l'homme vit selon des rythmes comme une lente marée et il a tendance à se saborder lui-même et d'orchestrer son propre naufrage.
Un Goncourt se lit souvent avec méfiance, celui-ci n'échappe pas à la règle. Première constatation, le style parfait de l'auteur. Pas de doute c'est de la qualité.
Tout nous amène à Rome en l'an 410 de notre ère. L'empire romain est devenu chrétien mais vacille. les civilisations sont mortelles, on conviendra qu'il y a tout de même quelques raisons objectives à la chute des Empires. Le péril barbare - vieux fantasme romain se concrétise.
Entrés en Italie depuis près de dix ans, Alaric et ses Goths, comme Hannibal autrefois, tournaient autour de la ville.
La population meurt de faim, et tombe dans le cannibalisme. Quand les troupes d'Alaric investissent la cité, le 24 août, le carnage dure trois jours - meurtres, viols, rapines - mais le chef barbare, qui est chrétien, a interdit à ses troupes de profaner les églises et de pénétrer dans les basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul, qui servent, du coup, de refuge à la population.
C'est là qu'Augustin, moine érudit, tiendra un sermon mémorable. Il affirme sa foi en Dieu et l'aspect éphémère de la vie.
Ce sont les sept dernières pages de ce livre qui résonnent comme un hallali.
Lecture envoûtante mais je mis suis parfois perdu en route en recherchant le fil conducteur. Des passages magnifiques qui pimentent l’histoire. Le tout se termine par une grande interrogation. N’est-ce pas là une des finalités du plaisir de lire ?
Un roman âpre et somptueux sur la fragilité des êtres et l'inanité de tous les rêves de grandeur
Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 7 août 2018
Tout d’abord l’écriture est sublime. Les phrases, longues et sinueuses (entre Proust et Saramago), sont portées par un souffle puissant qui brasse les descriptions et les dialogues pour restituer toute la densité de situations vécues. La psychologie des personnages, souvent âpre et torturée, est restituée avec une très grande finesse. L’auteur n’élude pas la complexité de nos désirs et les pensées refoulées qui semblent nous rendre, presque de manière congénitale, inaptes au bonheur. J’ai été surpris des reproches formulés dans les critiques ci-dessous : au contraire, il me semble que les portraits dépeints par l’auteur sont criants de vérité et ne constituent pas une galerie de brutes épaisses et caricaturales…
Le récit en lui-même est remarquablement construit. Les évènements s’enchaînent, reliés par une logique contingente qui épouse le rythme du temps dont le flux mène tout ce qui est (les êtres et leurs réalisations) vers l’anéantissement. L’érosion inexorable du temps et la souffrance ontologique des êtres confrontés à leur finitude et à l’inanité de leur passage sur terre sont au cœur du récit. Le tour de force de l’auteur est d’incarner une interrogation métaphysique dans la réalité prosaïque d’un village corse, où deux étudiants expatriés à Paris (Matthieu et Libéro), où ils végètent dans des études de philosophie, vont prendre la gérance d’un bar en quasi-faillite pour se réinstaller en Corse et tenter de donner un sens à leur vie. Malgré la réussite de leur entreprise, tout finira mal. Car tout était mal parti. L’auteur brosse un portrait sur plusieurs générations, qui couvre tout le vingtième siècle. Les incidents et les malentendus s’engrènent les uns aux autres : tout est évident et, pourtant, tout aurait pu être différent si les hommes n’étaient pas si habiles à fabriquer leur propre malheur ou si le monde n’avait pas dressé autant d’obstacles (guerres, pauvreté, etc.). A ce titre, le roman est aussi un portrait, féroce et caustique, de la société contemporaine.
Par ailleurs, l’ombre portée de Saint-Augustin n’est pas un artifice de narration pour donner un vernis de culture et/ou de réflexion philosophique. L’auteur y puise, sans forcer, les arguments de sa démonstration sur la vanité de nos efforts pour nous hisser au-dessus de notre condition. Quoi que nous fassions, tout disparaîtra comme Rome, archétype d’une puissance qu’on croyait éternelle et invincible, fut dévastée. Le trait d’union entre notre monde contemporain et le 5ème siècle est réalisé par Aurélie, la sœur de Matthieu, qui mène des fouilles archéologiques en Algérie. Le roman, dans sa conclusion, ressuscite le sermon de Saint-Augustin et le donne à ressentir avec une éloquence qui m’a fait frissonner. Il y a d’ailleurs, tout au long du récit, des moments extrêmement émouvants, qui mêlent inextricablement l’amour et la mort (Marcel et sa jeune épouse qui meurt après avoir accouché de Jacques, Aurélie et son père mourant d’un cancer, etc.), et des épisodes extrêmement cruels. Les relations d’amitié et d’amour sont presque toujours teintées d’un mélange de mépris et de haine, qui corrode et anéantit tout… Et l’évocation de la France coloniale, par son âpreté et par sa violence, m’a parfois fait songer à « Cœur des ténèbres » de Joseph Conrad.
Enfin, il me semble utile de dissiper un malentendu. Contrairement à ce que j’ai pu lire, le livre ne s’adresse pas à des lecteurs corses, même si l’auteur s’appuie sur l’identité corse et enracine son récit dans l’espace méditerranéen, oscillant entre la France, la Corse et l’Algérie. C’est un roman universel, qui fait honneur au prix Goncourt dont les lauréats n'ont pas toujours été à ce niveau...
Le sermon à l'échelle humaine
Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 10 décembre 2014
Un excellent moment, passé trop rapidement.
« Le Monde est comme un homme, il nait, il grandit, il meurt »
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 12 juillet 2014
Certes, nos deux héros, Mathieu et Libéro, sont étudiants en philosophie, à Paris, lorsque démarre le roman. Mais c’est pour bien vite tirer un trait sur cette vie d’exilés parisiens, pour revenir au pays, un pays plus rêvé et fantasmé puisque si l’un, Libéro, a vécu au pays (et c’est de la Corse dont il est question), l’autre, Mathieu, ne l’a réellement connu qu’à l’occasion de vacances d’été, lors du retour annuel au pays de son grand-père, un grand-père qui n’avait pas élevé son fils, le père de Mathieu. Marcel, puisque c’est ainsi que se nomme le grand-père, joue d’ailleurs un rôle primordial dans notre affaire puisque c’est lui qui avancera les fonds permettant la reprise du seul café du village qui mettait la clef sous la porte. Pour des motifs pas forcément philanthropiques ou bienveillants, mais là, nous sommes dans la chair du roman.
Oui, quand Libéro et Mathieu, depuis leur exil parisien, apprennent la fermeture du café, le lien social du village, une impulsion confortée par l’aide de Marcel les fait passer d’étudiants en philosophie esseulés à Paris en Zorros sauveurs de la vie sociale, retournant au pays comme dans un élan rédempteur.
On se doute bien qu’une formation universitaire en philosophie ne prépare pas idéalement à la tenue d’un lieu de vie et d’un commerce au sein d’une microsociété aussi particulière, en outre, qu’un village corse. Pourtant le succès va être d’abord au rendez-vous, un succès inespéré suite à des conseils économiquement judicieux apportés au bon moment. Et notre nouvelle « Rome » va prendre un essor que n’avait jamais connu le café. L’apport de jeunes et pétulantes serveuses n’y étant pas étranger. Non plus que la dimension « culturelle » d’un guitariste-animateur de nuits débridées.
« Grandeur et décadence » a-t-on pu dire à propos de Rome et de l’Empire romain. C’est à la naissance et à la chute d’une « Rome » en modèle réduit que nous allons assister. « L’enfer est pavé de bonnes intentions » pourrait être un sous-titre adapté.
Tout ceci traité par le style élégant et abouti de Jérôme Ferrari se lit plaisamment et explique le Prix Goncourt 2012 obtenu par « Le sermon sur la chute de Rome ».
Partagé
Critique de Salocin (, Inscrit le 12 décembre 2012, 43 ans) - 12 avril 2014
L'histoire est banale, mais elle recèle des réflexions et des vérités profondes qui interrogent le lecteur.
Certains passages portés par une très belle écriture sont bouleversants. Quand Matthieu assiste à l'enterrement de son père :
"Matthieu partit à la recherche de son propre chagrin mais il ne le trouva nulle part ; il regardait le bois ouvragé du cercueil, le visage momifié de son grand-père, il entendait les sanglots mêlés de sa mère et d'Aurélie et rien ne ne passait, il avait beau fermer les yeux et s'astreindre à des pensées tristes, son chagrin ne répondait à aucun de ses appels, il le sentait parfois passer tout près de lui, sa lèvre en tremblait légèrement et, au moment où il pensait que les larmes allaient enfin se mettre à couler, toutes les sources humides de son corps se tarissaient et il redevenait brusquement impassible et sec, dressé devant l'autel comme un arbre mort".
Dense
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 6 avril 2014
Décevant
Critique de Ichampas (Saint-Gille, Inscrite le 4 mars 2005, 60 ans) - 29 novembre 2013
Un bon goncourt
Critique de Florian1981 (, Inscrit le 22 octobre 2010, 43 ans) - 11 octobre 2013
Alors certes, l'auteur n'a pas pu s'empêcher par moments de sortir un gloubi-boulga pseudo philosophique dans des phrases de 3 kilomètres grotesquement ampoulées pour épater la galerie avec sa virtuosité stylistique -phrases inutiles qui peuvent être lues en diagonale sans dommage - mais globalement le style est fluide et agréable.
Le synopsis est original avec ces 2 jeunes étudiants qui reprennent ce bar en Corse et le parallèle avec le sermon d'Augustin sur la chute de Rome est bien amené.
Les personnages sont bien fouillés et attachants, dommage que le dénouement soit si amer.
Mais bon c'est comme ça : Happy end dans les films américains, soupe à la grimace dans les livres français, au moins on sait à quoi s'attendre!
Grandeur et décadence de la littérature
Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 4 octobre 2013
Mais une bonne âme nous a mis dans les mains le Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari(1).
Alors on s'est sentis un peu obligés de lire, hein ? Ça avait pas l'air bien long et puis faut pas bouder tout le temps.
Et ben si : on aurait dû bouder encore un peu.
Alors on va se permettre de grincer des dents, ça soulage et c'est pas si souvent dans ces colonnes qu'on s'autorise une critique inutilement méchante.
Mais franchement, quelle écriture prétentieuse !
Des phrases interminables qui, à grand renfort de virgules et de conjonctions, s'étirent sur plus d'une demi page, au bas mot, si je puis dire, virgule, et qui convoquent les dieux et les archanges à tout bout de champ, et puis ces références, assénées et répétées, au sermon de Saint-Augustin, virgule et virgule ... Aïe aïe aïe ...
Quand la prof de français expliquait les dialogues et leur syntaxe, le petit Jérôme dormait au fond de la classe(2).
Tout comme les coureurs qui s'entraînent consciencieusement pour leur marathon selon un programme bien établi, certains auteurs français pratiquent avec tout autant d'assiduité le programme imposé en vue des prix qu'on court. Un programme qui veut que les effets de style soient désormais indispensables à distinguer la vraie et grande littérature du reste des “livres”.
Le résultat est ennuyeux mais visiblement ça paye.
Bon, le bouquin de Ferrari aura au moins le mérite de nous obliger à (ré)viser nos classiques et le rôle de Saint-Augustin, évêque d'Hippone(3), rhéteur et polémiste, qui voulut répondre au désenchantement provoqué vers l'an 400, par la mise à sac de Rome(4) par les immigrés (qui à l'époque venaient du nord) : Rome n'était qu'une cité des hommes sur Terre, ce n'était pas la Cité de Dieu(5), il n'y avait donc pas de quoi se lamenter et surtout pas de quoi renier sa foi, dormez et priez en paix bonnes gens(6).
Pour conserver l'esprit d'Augustin, Ferrari prend soin de situer son roman dans son contexte historique : l'empire colonial prend l'eau, le monde vient de traverser deux guerres, ... tout fout le camp dans ce roman, même les corps en ruine.
Dans cette chronique d'une fin du monde annoncée, deux enfants du pays Corse abandonnent leurs études parisiennes de philo(7) et se mettent en tête de faire revivre le café du village. Ils ont pourtant étudié Saint-Augustin sur les bancs de la Sorbonne mais ils rêvent (même si leur café reste plus modeste que le forum romain) ils rêvent malgré tout de construire l'idéale cité des hommes sur Terre. Plus dure sera la chute.
Pour les prix qu'on court, on sait bien qu'il faut de la prose alambiquée et savante - histoire de montrer qu'on a des lettres et qu'on n'est pas du peuple - mais surtout il faut un peu de provoc racoleuse - histoire de montrer qu'on sait quand même tout de la vraie vie du peuple et qu'on sait chatouiller le bourgeois qui déjeune chez Drouant.
Fidèle à son programme de course de fond, Saint-Augustin-Ferrari, dossard n° 8 casaque grise, n'y est pas allé avec le dos de la main morte : castration des cochons pittoresque et symbolique, scènes de baise inutiles et nauséeuses (entre les humains pas entre les cochons, pfff !), avalanches de gros mots et de crudités, ...
Pire encore, aucune empathie de la part de Ferrari pour aucun de ses personnages, tous plus détestables et égoïstes les uns que les autres, car il sait bien que pour que la tambouille soit appréciée chez Drouant, il est d'usage également de cracher dans la soupe, d’y cracher une bonne giclée de pessimisme cynique et désabusé, façon : on est tous des cons abrutis (mais moi, je l'écris), notre monde pourri court à sa perte (mais moi, j'aurai au moins laissé un livre), rien à sauver de tous nos contemporains (sauf peut-être la littérature en général et mon livre en particulier) ...
Au début de son bouquin, Ferrari aura ces mots très justes, mais qu'il aurait dû relire :
[...] Le monde avait peut-être encore besoin d'Augustin [...] mais il n'avait que faire de leurs misérables exégètes.
On avait prévenu que ce billet, pétri de mauvaise foi, serait inutilement méchant et férocement partial mais on se doit quand même de rester un (petit) brin honnête et objectif, si, si : allez, disons donc qu'on peut quand même lire ce prix, peut-être en sautant les 150 premières pages, pour arriver directement sur les cinquante dernières, celles qu'on a appréciées, celles où les phrases (le marathonien fatigue ?) celles où les phrases retrouvent le goût liquide, suave et sucré, de la belle et bonne littérature :
[...] Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. Le déclenchement d'un obturateur dans la lumière d'été, la main fine d'une jeune femme fatiguée, posée sur celle de son grand-père, ou la voile carrée d'un navire qui entre dans le port d'Hippone, portant avec lui, depuis l'Italie, la nouvelle inconcevable que Rome est tombée.
Ceci dit, Saint-Augustin n'avait rien vu venir lui non plus et n'a finalement écrit son machin que longtemps après la chute de l'Empire.
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(1) - des ingrats diraient que c'est le prix de déjà l'an passé, mais on n'est pas comme ça
(2) - il est d'ailleurs amusant de lire ici ou là combien chacun peut s'extasier devant ces longues et interminables phrases qui sont "finalement, plutôt faciles à lire, et qui ne gênent même pas la lecture" ! ben voyons, oui, on arrive même à lire, malgré le style ! comme si chacun pouvait se sentir fier d'avoir réussi à lire un livre ennuyeux et difficile, parce que ce doit être ça la vraie et grande littérature non ? Non.
(3) - aujourd'hui Annaba en Algérie, près de Tunis
(4) - un Empire récemment converti au catholicisme que l'on accusait de l'avoir conduit à sa perte
(5) - la Cité de Dieu : c'était le titre de l’œuvre de Saint-Augustin
(6) - pour faire bonne mesure, il est également fait référence à la pensée de Leibniz pour qui le mal constaté sur Terre ne devait pas remettre en cause la bonté et la toute puissance de Dieu - dormez et continuez à prier en paix bonnes gens
(7) - Jérôme Ferrari est originaire de Corse et étudiera la philo à la Sorbonne, ...
Le meilleur des mondes
Critique de Ngc111 (, Inscrit le 9 mai 2008, 38 ans) - 30 août 2013
L'Homme cherche le confort, dans le meilleur des mondes possibles, sans admettre la possible altération, voir l'écroulement de sa création. La notion de démiurge est ici bien représentée, avec les caractéristiques que cela comporte, les différences essentielles qui existent entre ce statut et celui de Dieu, le tout dans un récit moderne ; un récit auquel fait écho un fait historique fort lointain, un sermon de Saint Augustin datant de 410.
L'idée peut paraître étonnante, le début du livre déconcertant, mais petit à petit cela fait effet et l'on se rend compte de la pertinence de la réflexion de Jérôme Ferrari. Le changement est inévitable, tout ce que l'Homme accomplit et réalise n'est pas éternel, car seule la foi en Dieu l'est. Et cela nous est conté à travers l'histoire d'une famille de Corse, notamment celle d'un jeune homme ayant décidé de reprendre un bar sur cette île de Méditerranée au lieu de poursuivre ses études de Philosophie à Paris.
L'écriture mélange le brut de décoffrage de la vie moderne, avec son vocabulaire cru voire vulgaire, avec la douceur et la beauté linguistique des écrits chrétiens anciens. L'agencement est réussi, le fond rejoint la forme et le plaisir de lire s'en trouve plus intense.
On peut se désoler de la mélancolie omniprésente, du ton résolument triste et dépressif, voire fataliste par instant, qu'emploie le narrateur, mais cela reflète l'état d'esprit des personnages, cela démontre la cohérence du propos et fait parfaitement le lien avec le sermon prononcé par Saint Augustin des siècles auparavant, qui était lui-même adressé à des fidèles en pleurs, inconsolables devant la chute de leur monde.
L'auteur a qui plus est le bon goût de ne pas se montrer péremptoire dans son discours, et admet l'hésitation, la tergiversation devant une thèse (ne pas se montrer étonné et triste devant la disparition d'une création humaine) sensée mais que l'on est en droit de juger encore perfectible.
Ce que fait l'Homme n'est-il réellement que du sable ? De la poussière s'échappant de ses mains et disparaissant au gré du vent ? Même la littérature et son objet même ne peuvent que difficilement apporter une réponse à de telles questions.
Mais l'essai est beau et loin d'être inutile...
houellebecq chez les corses
Critique de Bao le thaï (, Inscrit le 30 mars 2013, 65 ans) - 26 juin 2013
je ne le recommanderai pas à un non corse....
De la grandeur des petites choses
Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 29 mars 2013
Ainsi, il en va des bars corses comme des hommes et des empires : ils sont vouées à naître, à grandir, à atteindre leur apogée, puis à péricliter et à mourir jusqu’à leur renaissance. Le bar dont il est ici question semble être né il y a si longtemps qu’on dirait volontiers qu’il a toujours été là, comme ces grands chênes centenaires devant lesquels on passe sans plus les voir ni se demander qui a bien pu les planter, mais dont on remarquerait immédiatement l’absence s’ils venaient à disparaître. Disparaître, c’est justement ce dont le bar est menacé depuis que la dernière tenancière a disparu un beau jour sans laisser d’adresse et que se sont depuis succédés des repreneurs tous aussi mauvais les uns que les autres - et que la finesse de leur psychologie sous la plume de Ferrari qui semble avoir un peu bâclé ce passage tant il nous met aux prises avec une ribambelle de stéréotypes déplaisants sur un panel allant du jeune arriviste obsédé au beauf à gourmette en or.
Heureusement, ce passage n’est qu’une brève introduction et le retour en Corse de Matthieu et Libero sera salvateur pour le bar comme le roman. En pas beaucoup plus d’un jour, les voilà qui rebâtissent Rome et ouvrent avec bonheur un bar dans lequel se réunissent pêle-mêle les habitués de toujours, les touristes et une clientèle jeune branchée. L’affaire est un franc succès et rien ne semble pouvoir menacer le bonheur des deux patrons, qui coulent de beaux jours loin des tracas du quotidien. Trop loin peut-être ; au point qu’ils en oublient, malgré leurs études augustiniennes, que rien, en ce monde, n’est éternel et que, l’apogée atteinte, il ne reste plus qu’à chuter.
Le sermon sur la chute de Rome est donc un bien beau Goncourt, dans lequel le lecteur prend beaucoup de plaisir à se laisser entraîner par la jolie plume d’un Jérôme Ferrari qui manie la langue avec beaucoup de finesse et à coup de longues phrases aussi bien équilibrées qu’intelligibles, même si quelques-unes - notamment celles qui rapportent des conversations - paraissent parfois un peu artificielles, comme si l’auteur voulait vraiment faire s’étirer les choses en mettant une virgule là où un point aurait mieux convenu. Cela ne retire cependant rien au plaisir que l’on prend à suivre cette aventure, même si l’on reste peut-être un peu trop spectateur, plus intéressé par l’entreprise (et la qualité de la langue) que par les personnages eux-mêmes.
Au final, un livre très plaisant, même si on se demande bien ce qu’un James Joyce aurait pu pondre sur le même thème...
Dieu n’a fait pour toi qu’un monde périssable …….
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 12 mars 2013
Mais fallait-il tant d’allusions à Augustin, ( la phrase en exergue, le titre de chacun des chapitres provenant de ses sermons , le fameux discours qu’il prononça en décembre 410 à Hippone ) sans compter des extraits des psaumes, de la Genèse, du cantique des Cantiques, et enfin les multiples récurrences du mot chute et de termes appartenant à son champ lexical, en fallait-il donc tant pour justifier un titre et pour conférer sens et noblesse à cette moderne histoire d’échec ?
Si Jérôme Ferrari a voulu faire de son roman une parabole sur la fragilité des entreprises humaines il s’est donné les moyens pour y parvenir et a donné par là même au lecteur les moyens de le percevoir ……. Celui-ci demandait-il tant d’indices ou de rappels ?
PAUVRE GONCOURT
Critique de OSCARWY (, Inscrit le 23 février 2013, 68 ans) - 23 février 2013
Le style est inégal; il arrive même à être aussi vulgaire que ces personnages dont l'histoire nous laisse totalement indifférent, la fin est tragique , mais au fond on s'en fiche et je pense que Saint Augustin s'en fiche aussi
Restaurer un Empire, échapper aux menaces de ruines
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 17 février 2013
L'auteur maîtrise fort bien, il est vrai, la langue française. Pour cela, ce livre est agréable à lire ; aussi est-il riche de références, historiques et religieuses. Le thème n'en demeure pas moins âpre sur le fond, et culturellement exigeant. Mais il est loin, j'en plussoie, d'être dénué d'intérêt.
J'ai eu un peu de mal
Critique de PA57 (, Inscrite le 25 octobre 2006, 41 ans) - 12 février 2013
L'action se situe dans un petit village corse de nos jours. Deux jeunes hommes, Matthieu et Libero, quasiment élevés ensemble, partent sur le "continent" pour faire leurs études. Mais bien vite, bien qu'élèves brillants, ils sont lassés de leurs études et aspirent à autre chose.
En parallèle, dans leur petit village de Corse, le propriétaire du bar cherche un nouveau gérant. En effet, après plusieurs gérances ratées, elle désespère de trouver enfin le gérant idéal.
Les deux jeunes hommes décident alors de prendre cette gérance, grâce à l'argent du grand-père de l'un des deux : Marcel, qui pourtant n'a jamais vraiment été tendre avec son petit-fils. Ils arriveront alors à rendre ce bar un attrait important à la fois pour les locaux et pour les touristes.
L'histoire de Marcel est également évoquée par l'auteur. Marcel, jeune homme chétif et facilement malade (mais qui survit toujours), cherche à se distinguer de la masse, mais sans y arriver.
Un roman qui parle de grandeur et de décadence avec un très joli français. Moralité de l'histoire, dont l'auteur parle d'emblée : tout se termine un jour. "Le démiurge n’est pas le Dieu créateur . Il ne sait même pas qu’il construit un monde ( …) et bientôt sa création lui échappe et le dépasse et s’il ne la détruit pas, c’est elle qui le détruit." Mais chaque monde laisse place à un nouveau monde, l'histoire est sans fin.
Une écriture très jolie, qui se lit un peu comme un conte philosophique. J'ai beaucoup apprécié les parties racontant l'histoire de Marcel, beaucoup moins celles concernant Matthieu et Libero, que j'ai trouvé très fades, surtout Matthieu, qui a vraiment l'air sans personnalité.
Un roman qui n'a pas démérité le Goncourt, mais qui n'est pas mon préféré de la sélection.
Stupeur
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 31 janvier 2013
L’atmosphère du roman est lourde, souvent violente, teintée par une sexualité primaire, basique. On ressort de cette lecture comme atterré, pris par une sorte de torpeur, de vide ; car le néant avale tout, le néant, on le sait pourtant, nous engloutit.
L’écriture de Jérôme Ferrari ressemble à celle d’Albert Cohen dans « Belle du Seigneur », de longues phrases avec peu de ponctuation mais, malgré ce manque de respiration, l’on suit aisément le fil du récit.
Avec « Le sermon sur la chute de Rome «, Jérôme Ferrari a remporté le prix Goncourt 2012.
Extrait :
- La course des astres n’est pas troublée, la nuit succède au jour qui succède à la nuit, à chaque instant, le présent surgit du néant, et retourne au néant (…) Les mondes passent, en vérité, l’un après l’autre, des ténèbres aux ténèbres, et leur succession ne signifie peut-être rien.
- Elle semblait avoir conservé de ses anciennes fonctions la curieuse habitude d’accueillir chaque représentant de sexe masculin qui poussait la porte du bar d’une caresse, furtive mais appuyée, sur les couilles. Nul n’échappait à la palpation. Elle s’approchait du nouvel arrivant, tout sourire, et lui faisaient deux grosses bises claquantes sur les joues tandis que de la main gauche, comme si de rien n’était, elle explorait son entrejambe en repliant légèrement les doigts.
Dur dur au début... puis, grandiose !
Critique de Marafabian (, Inscrit le 11 août 2006, 51 ans) - 30 décembre 2012
belle écriture mais dispensable
Critique de B1p (, Inscrit le 4 janvier 2004, 51 ans) - 30 décembre 2012
Cependant, l'histoire est assez banale et un brin vulgaire, bref tout à fait dans l'air du temps, ce qui n'est pas bon signe. Et les références à Saint Augustin ne permettent pas de faire illusion.
Un roman "actuel" donc, qui se démarque un peu de la moyenne par la qualité de l'écriture, mais pourquoi ô pourquoi décerner le prix Goncourt à un roman dont l'histoire est si dispensable ?
La chute de Rome, La fin du monde, La fin des hommes
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 21 décembre 2012
Licencié en philosophie, ce Parisien de naissance a enseigné sa spécialité en Corse et à Alger. Romancier de talent, il obtient le Goncourt 2012 avec Le sermon sur la chute de Rome ; en 2010, le Prix France Télévisions pour Où j’ai laissé mon âme.
André Lagorce présent dans Où j’ai laissé mon âme se retrouve ici dans ce roman, mais pas à l’avant-plan comme Matthieu et sa sœur Aurélie ou Marcel leur grand-père. Quels personnages ! Une histoire familiale sur trois générations où amour et haine se mêlent d’un continent à l’autre, de la Corse profonde aux vestiges d’Annaba. Le fil rouge : une vie qui s’écoule, d’un bonheur éphémère à une lente délitescence.
Ce roman à tiroirs peut paraître confus de prime abord de par les nombreux personnages qui s’affichent et les sauts dans le temps. Mais peu à peu, le lecteur s’attache à eux et il les suit dans leur lutte pour la vie. De belles longues phrases bien construites agrémentent la noirceur des situations décrites.
Seulement des démiurges...
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 12 décembre 2012
Tout doucement le voile se lèvera sur les épisodes de la vie de Marcel qui ont fait de lui le vieil homme seul qu'il est devenu.
Parallèlement s'écoule la vie de Mathieu quittant Paris, sa licence de philo en poche pour reprendre la gérance d'un café dans la montagne corse.
Des destins croisés où l'on retrouve avec des dizaines d'années d'écart, des fragments identiques ou complètement inversés; la volonté de l'un de fuir son pays natal pour accomplir un destin, vivre une vie digne et pour l'autre de fuir la vraie vie pour s'enfermer dans une « fausse » réalité dont sa sœur Aurélie est la seule à percevoir l'inanité...
Si l'absence de repères géographiques et temporels m'ont quelquefois gênés, je me suis laissé emportée par le plaisir pur de cette écriture splendide. Quel plaisir de laisser les mots se dérouler sous les yeux pour suivre la vie des ces hommes « qui n'étaient pas des dieux mais seulement des démiurges. »
Seule la lecture des 5 dernières pages s'est faite « en diagonale », trop « théorique » pour moi.
Tourner en rond
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 28 novembre 2012
Les phrases inutilement longues m’ont assommé. Par exemple pour simplement dire qu’une serveuse n’est pas douée, il écrit :
« Virginie n’avait jamais rien fait dans sa vie qui pût s’apparenter, même de loin, à un travail, elle avait toujours exploré le domaine infini de l’inaction et de la nonchalance, et elle semblait bien décidée à aller jusqu’au bout de sa vocation, mais, quand bien même elle eût été un bourreau de travail, son humeur maussade et ses airs d’infante la rendaient totalement inapte à accomplir une tâche qui supposait qu’on entretînt des contacts réguliers avec d’autres êtres humains, fussent-ils aussi frustes que les habituels clients du bar. »
Ceci aurait pu être valable si il s’agissait d’une figure principale. Ce n’est pas le cas. D’ailleurs il n’y a pas vraiment de personnages principaux. Et ils sont tous fades, désenchantés, sans envergure. Dans une scène, les deux amis se rendent à l’aéroport pour des vacances à Barcelone. Ils renoncent à la dernière minute et se replient sur leur bled. Une scène qui reflète bien l’ambiance du roman.
C’est distant et froid, strictement axé sur l’enchaînement des fioritures littéraires.
J’aime les émotions avant les mots. Alors je me suis ennuyé.
(Prix Goncourt)
Chute et illusions perdues
Critique de Aliénor (, Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans) - 25 novembre 2012
Marcel est originaire d’un petit village corse, qu’il a fui pour embrasser un destin qui n’a jamais voulu de lui en raison de sa santé fragile. Dans ce village, son petit-fils Matthieu est devenu le meilleur ami de Libero. Entre le petit parisien et le natif du lieu, l’amitié est instantanée et ils ne se quitteront plus, allant jusqu’à poursuivre ensemble, à Paris, les mêmes études de philosophie. Pourtant, contre toute attente, tous deux décident un jour de tout abandonner pour revenir sur l’île, afin de reprendre la gérance d’un bar dont ils vont faire l’endroit incontournable de la vie du village. Malheureusement, le sombre destin de la famille Antonetti ne va pas épargner Matthieu.
Je n’avais encore jamais lu Jérôme Ferrari, et je regrette aujourd’hui de n’avoir pas cédé plus tôt aux sirènes louangeuses qui avaient accompagné ses précédents romans. Car ce livre est superbe, tant dans sa construction que dans son style. Les phrases longues et belles, qui embrassent et mêlent les différentes époques qu’il évoque, emportent le lecteur sans jamais le perdre. C’est un livre à lire à haute voix, pour goûter pleinement la beauté de ces phrases d’une noirceur absolue. Un roman précis, assez court mais parfait, dont le chapitre d’ouverture et celui de clôture, consacré au sermon qui lui donne son titre et prend place en 410 après J.C., se complètent parfaitement. Marcel et Augustin se retrouvent alors mis en parallèle, et le lecteur complètement subjugué referme le roman en ayant envie de s’y replonger aussitôt pour une seconde lecture.
Contre toute attente
Critique de HAL007 (, Inscrit le 12 novembre 2012, 66 ans) - 12 novembre 2012
étonnant
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 17 octobre 2012
L'histoire se situe en Corse, dans un village montagneux.
Deux enfants du pays reviennent sur l'île pour prendre la gestion d'un bar qui végétait.
Quelle curieuse idée d'autant plus que tous les deux étaient de brillants élèves de philosophie.
Que cherchent-ils? Le retour au pays? Un projet commun ou plutôt réussir à créer un lieu idéal, un paradis sur terre.
L'auteur nous offre une parabole avec le sermon de saint Augustin sur la « fragilité des royaumes terrestres ».
La plume est trempée dans le beau et le soigné, c'est un plaisir pour les yeux.
Le roman nous plonge dans la montée et la décadence d'un projet qui voit des hommes et des femmes chercher le plaisir rapide, au dépend de l'autre...On passe ainsi du paradis à une forme d'enfer.
Faut-il que Matthieu paye de sa personne la faute commise par ses parents, élevés ensemble, cousins proches qui contre toute « convenance » se sont unis et mariés?
Le lecteur peut se permettre des suppositions et des extrapolations en faisant le voyage généalogique que lui offre l'auteur.
Matthieu et son ami Libero « étaient les seuls démiurges de ce petit monde »,ils ne sont ni prédestinés, ni contraints, ils choisissent leur voie.
Jean-François Chalot
Somptueux!
Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 14 octobre 2012
Le récit dont le scénario somme toute ordinaire, est littéralement bercé par cette langue si bien maitrisée par l'auteur, que l'on suit sans interruption la petite épopée des deux amis et de leur bar corse. Cette épopée qui va nous rappeler que tous les choix, que ce soient les nôtres ou ceux de nos aïeux, ont un impact sur notre destin et que toute chose a inévitablement une fin.
Et c'est finalement le lien, pas si évident, avec le sermon sur la chute de Rome de Saint Augustin, qui pourrait être le léger maillon faible de cette oeuvre, tant il apporte peu de valeur ajoutée, à mon goût, à cette démonstration de virtuosité littéraire. Bravo Mr Ferrari!
LA MALEDICTION DE L'ACTION
Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans) - 20 septembre 2012
Le cadre est donc défini pour Mathieu Antonetti et Libero Pintus, deux jeunes étudiants , le premier d’origine corse , le second d’origine sarde qui poursuivent dans un premier temps des études universitaires à Paris , l’un sur Leibniz et son meilleur des mondes possibles , l’autre sur saint-Augustin . Mathieu tombe amoureux de Judith et se sent en grande communion intellectuelle avec elle.
Hélas, les deux amis prennent la mauvaise décision : ils décident d’abandonner leurs études et de racheter un bar dans un village, perdu dans le maquis corse. C’est l’acceptation d’une vie médiocre, faite de beuveries, de trafics avec les salariées du bar restaurant qui monnayent parfois leurs charmes avec les clients.
C’est aussi l’occasion d’aventures , de liaisons diverses , événements qui ne parviennent pas à donner aux vies de Libero, de Mathieu , ou à celle de sa sœur Aurélie un tour plaisant , réussi . On apprend , dans des chapitres qui s’insèrent entre les épisodes présents , que les vies des parents et grands-parents de Mathieu Antonetti ont été manquées , gâchées , telle que celle de son grand-père , qui emprunte le parcours d’un fonctionnaire colonial inclus dans un monde déjà voué à disparaître .
La leçon est amère : tout s’effondre un jour, tout s’arrête et il se peut que nous n’ayons pas ou peu rempli nos vies dans ce laps de temps : »Le démiurge n’est pas le Dieu créateur . Il ne sait même pas qu’il construit un monde ( …) et bientôt sa création lui échappe et le dépasse et s’il ne la détruit pas, c’est elle qui le détruit. »
L’écriture de Jérôme Ferrari est belle, elle ne manque pas d’élégance et d’efficacité, la structure du roman, faisant alterner la description des vies passées et présentes, explique en partie l’échec annoncé de ces dernières. Roman à découvrir.
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