La vie posthume de R. W. de Jean Frémon

La vie posthume de R. W. de Jean Frémon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Stavroguine, le 11 septembre 2012 (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans)
La note : 8 étoiles
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Renoncer aux histoires

R. W. n’est selon Jean Frémon pas sans ressemblance avec Robert Walser, poète suisse de la première moitié du vingtième siècle. Robert Walser était un petit poète. Il avait sans doute rêvé de voir son nom attaché à des fulgurances d’esprit et d’esthétisme, mais il ne fut capable que de rester à la surface des choses, de décrire avec finesse des situations banales et ennuyeuses, même pas vraiment des histoires. Alors, puisque Robert Walser est insignifiant, Jean Frémon décide de ne pas écrire son nom. R. W.

R. W. ne fait pas grand-chose. Il regarde par la fenêtre la silhouette allongée de sa logeuse qui étend le linge, il regarde les dames dans les jardins public en lisant un livre, il se promène comme un peintre chinois qui observerait attentivement le rebond de l’eau sur les galets pour le reproduire minutieusement sur sa toile. Surtout, R. W. rêve. « Il aimait les rêves qui ressemblaient aux situations réelles, ceux qui vous donnent, quand vous rêvez, la sensation de vivre pleinement et non de rêver, sensation dont il était assez largement dépourvu dans la vie réelle. »

R. W. parcourt la vie en visiteur, en esthète un peu distrait. Même pas vraiment en poète. Il ne tire pas vanité de sa poésie ; il peut à peine relire ses cahiers. S’il écrit, c’est pour se souvenir des choses, rien de plus : « Que les belles choses sont plus belles si on ne tente pas de les capter. » C’est un apôtre du passif, et peut-être même moins que ça : « Le diable inspire l’action. Voila pourquoi le monde est globalement mauvais. Cependant il est beau, quand on se borne à le regarder. Mais pour moi, c’est décidé, je ne lèverai plus le petit doigt. Il m’est arrivé de croire que l’observation des choses et des êtres était la plus sage des activités. Mais maintenant j’en ai également fini avec l’observation, les choses et les êtres. »

Le joli livre de Jean Frémon, agrémenté de dessins de Voss, est à l’image de R. W. Il ne raconte pas une vie ; encore moins une histoire. Il évoque simplement un écrivain dont ces deux initiales qui parcourent les pages sont le souvenir. Ce faisant, il invite le lecteur à suivre son exemple, à prendre son temps : à prendre le temps de démassicoter les pages soigneusement ; à prendre le temps de s'asseoir sur un banc, dans un jardin public ; à prendre le temps d’ouvrir le livre et de lire quelques lignes, puis de sourire à une dame, puis de lire quelques lignes.

Quelques minutes en suspension avant de retourner à la vraie vie, à la vraie littérature – celle que Robert Walser aurait peut-être voulu écrire et dont il a sans doute rêvé. Un songe. C’est ce que nous offre R. W.

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