Emily de Stewart O'Nan
(Emily, alone)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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La vie à 80 ans
Une lecture lente, vaguement ennuyeuse, avec d’innombrables descriptions sur des sujets de la vie quotidienne, rangés dans des chapitres de taille variable, sans forcément de liaison entre eux.
L’auteur regarde vivre Emily, une femme de 80 ans dans sa maison de la banlieue de Pittsburg. Il nous fait part de son intérieur, ses habitudes, ses réflexions et ses contacts avec sa famille ou ses relations pendant une année. C’est la vie quotidienne jour après jour avec ses détails les plus triviaux et ses opinions sur les personnes qu’elle côtoie. La répétition, l’attente, le peu de nouveauté ou de surprise et dans ce cas, elles sont souvent peu jugées agréables car perturbant l’équilibre rassurant sont omniprésentes.
Le plus intéressant, c’est quand l’auteur nous fait assister à ses petites frustrations avec les blessures non dites quand ce qu’elle juge important ne l’est pas autant pour les autres comme le fait de souhaiter une fête et la façon de le faire sur laquelle elle épilogue longuement. Cela renvoie à la difficulté des relations interpersonnelles, à ce qu’on attend des autres et sur ce qu’ils sont prêts à nous donner en retour, à la déception occasionnée si on les magnifie trop ou on leur prête nos propres sentiments au lieu de les accepter tels qu’ils sont.
Ce qu’on retire de tout cela, c’est le fait de se laisser porter, de glisser sur le présent sans perspective autre qu’à court terme qu’induit la vieillesse, ... enfin pas seulement car il faut remettre les choses en perspective et une partie de la population mondiale lutte juste pour survivre.
IF-0812-3946
Les éditions
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Emily [Texte imprimé] Stewart O'Nan traduit de l'anglais (États-Unis) par Paule Guivarch
de O'Nan, Stewart Guivarch, Paule (Traducteur)
Editions de l'Olivier
ISBN : 9782879298122 ; 13,86 € ; 10/05/2012 ; 334 p. ; Broché -
Emily [Texte imprimé], roman Stewart O'Nan traduit de l'anglais (États-Unis) par Paule Guivarch
de O'Nan, Stewart Guivarch, Paule (Traducteur)
Points / Points (Paris)
ISBN : 9782757833858 ; 7,60 € ; 10/05/2013 ; 380 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (5)
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"Se pardonner de ne pas avoir été meilleur"
Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 21 janvier 2018
Ses deux enfants se sont éloignés doucement, perdus dans leur propre existence, elle ne les voit que rarement et lorsqu'ils viennent lui rendre visite elle ne peut que ressentir de manière plus vive ce sentiment d'éloignement profondément ancré dans leur relation. Les bavardages infusés dans la banalité amicale qu'elle entretient avec sa femme de ménage, Betty, lui sont essentiels pour remplir le vide de sa maison durant quelques brefs instants avant de se retrouver seule. Une solitude qu'elle apprécie pourtant. Son chien, Rufus, vieux compagnon de chaque jour, montre des signes de défaillance organique récurrent, la renvoyant à sa propre déchéance physique.
Elle repense à la relation difficile qu'elle entretenait avec sa mère, une incompréhension ténébreuse et réciproque qui aboutit à un éloignement irréversible, le même que celui qu'elle connaît désormais avec ses enfants. A croire que les blessures et les frustrations se transmettent de génération en génération.
Difficile aussi pour Emily de devoir se rendre à l'église pour assister aux funérailles de ceux qui l'ont accompagnée, à un moment ou un autre, durant toutes les années de sa jeunesse révolue, ces adieux sonnent à chaque fois comme le prélude à sa prochaine disparition.
Aussi quand au cours de l'hiver la maladie la frappe soudainement, elle n'a qu'une obsession, tenir encore jusqu'au printemps suivant afin d'en goûter les saveurs une dernière fois, mettre en ordre ses affaires pour la succession et se réconcilier avec ses enfants et elle-même.
Un magnifique portrait d'une vieille femme dépeint avec tendresse, délicatesse et tout en retenue. Rien de sombre dans ce récit, mais plutôt une luminosité intense qui se dégage à chaque page, comme une douce mélodie du temps qui passe, une invitation à méditer sur la vie que nous nous faisons et qui nous défait à la finale.
"Sarah mangea à peine [..] et bien qu'Emily eût aimé en savoir davantage sur sa vie à Chicago, elle se retint de la questionner. Quant à l'ami de Margaret, elle trouvait déplacé d'en parler à table, alors ils choisirent des sujets insignifiants : l'économie, la guerre en Irak, Guantánamo"
Une année avec Emily
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 7 mai 2014
Première surprise, cela ne se passe pas en Angleterre mais aux Etats-Unis.
La seconde est que c'est bien le quotidien d'une octogénaire qui va nous être narré pendant plus de 330 pages.
Et dernière surprise, le quotidien de cette femme est passionnant.
Et pourtant, que ce soit la visite du parc floral, la conduite d'une voiture, les habitudes de sortie, la préparation des fêtes, une forte grippe, les visites si rares et pourtant si attendues des enfants, aucun événement n'est en soi bien original. Mais il est raconté avec tellement de sensibilité, de douceur, de tendresse, de dignité, que l'on ne peut qu'éprouver une profonde empathie pour cette veuve et son chien.
"Elle remarqua , avec plus de stupéfaction amusée que d'apitoiement sur elle-même, que le temps l'avait littéralement oubliée."
On partage sa surprise à être encore en vie, à attendre encore de la vie, alors qu'autour d'elle, ses amis disparaissent.
"Elle était venue parce qu'elle avait aimé Kay parce que, pendant tant d'années, leurs vies avaient été intimement mêlées, et pourtant, en attendant que Jamie ait terminé, elle saisit la raison incontestable de la réunion et se dit qu'elle pleurait autant la disparition de ces temps heureux que celle de Kay. Était-ce là pur égoïsme ou bien, à ce stade, chaque deuil était-il personnel?"
On comprend ses questions, ses réflexions, son sentiment d'appartenir à une espèce en voie de disparition.
"La vente de la maison des Miller officialiserait son statut d'unique survivante de ce temps-là."
Un livre pas forcément très original par le thème mais dont on ne peut qu'admirer le talent de l'auteur pour nous faire partager la vie d'une vieille dame avec autant de tendresse et de justesse.
La vieillesse : entre légèreté et gravité
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 19 octobre 2013
Une vie de femme restée seule, qui doit se satisfaire le plus souvent des contacts épisodiques avec ses deux enfants et ses petits enfants« leurs vies étaient hors de sa portée ». Des sorties avec Arlène sa belle sœur, chacune à son tour devenant l’infirmière de l’autre lorsque un petit problème de santé la contraint à garder la chambre. De bons rapports de voisinage avec la famille d’à côté qui l’aide pour l’entretien de son jardin, des rencontres avec des femmes de son âge au club, la lecture, la visite d’expos, l’écoute quotidienne de musique classique ponctuent sa vie quotidienne. Les jours passent en compagnie de son vieux chien Rufus, alternativement source de réconfort ou d’inquiétude et miroir de ses angoisses de femme seule qui se sent vieillir. L’automne, puis l’hiver et « ses lugubres jours gris » renforcent son impression de solitude, elle attend impatiemment l’arrivée du printemps dont « le soleil la ressusciterait et dissiperait cette sensation d’inutilité »
Tiraillée entre le désir de rester indépendante et le besoin d’être aidée, elle souffre parfois d’être seule. Elle se réjouit d’accueillir sa famille pour Noël, mais se rend compte à son départ qu’ « elle avait oublié combien il était épuisant d’être entourée d’autres gens » . Parfois penchée sur un passé sur lequel elle s’attendrit, elle ne se complait jamais dans une nostalgie déprimante, consciente que si sa vie n’a plus « rien d’urgent ni de nécessaire », il est préférable de se concentrer sur le présent, certaine que « le temps qui la torturait la sauverait avec la même facilité ». Elle s’intéresse d’ailleurs aux élections présidentielles, fidèle à ses engagements républicains. Bien sûr, les amies de son cercle disparaissent « de la bande, il ne restait plus qu’elle », mais elle assiste à leur service funèbre , fière de « son statut d’unique survivante de ce temps-là » . Elle a déjà organisé ses obsèques , mais elle vient d’acheter une voiture neuve qu’elle conduit sans encombres ..
La fin du roman est à l’image de la dualité du personnage. C’est l’été, le moment est venu de quitter Pittsburgh pour la traditionnelle semaine de vacances avec Arlène et Rufus à Chautauqua . Avant le départ, elle se rend d’abord sur la tombe d’Henry , son époux , puis sur celle de ses parents. Les souvenirs reviennent, le passé refait alors surface. Mais le présent l’emporte « Tout au long de l’année, elle s’était accrochée à l’idée de retourner là-bas. Par bonheur le grand jour était arrivé. Elle avait fait ce qu’il fallait. Elle attendait maintenant sa récompense ».
Nulle réelle détresse chez Emily, des moments de faiblesse, parfois, mais suivis de sursauts . Chez O’Nan beaucoup d’empathie pour son personnage, beaucoup de tendresse, même dans les moments où elle nous fait sourire car il a l’art d’évoquer les moments graves avec légèreté . Dans un style tout en pudeur et en non-dits, il offre une méditation sur ce qu’on appelle pudiquement « le troisième âge ». S’il révèle les menus événements du quotidien d’Emily, il ne trace pas de portrait physique de son héroïne, laissant au lecteur le soin de lui donner un visage . Cette vieille femme, qui vit à la fois dans son siècle et dans un univers peuplé des ombres de ceux qui lui ont été chers, c’est peut-être votre voisine de palier …..
Demain, tout irait bien !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 24 août 2013
Aussi virtuose dans le roman noir, la fiction pop que dans les récits plus intimistes, il consacre toute son oeuvre à dépeindre la face cachée du rêve américain, celle du quotidien, des actes et des lieux ordinaires, cette vraie Amérique loin de ses propres légendes.
"Tous les mardi, Emily Maxwell remettait le peu qui lui restait de vie entre les mains de Dieu et celles, tremblantes, de sa belle-soeur, Arlène, et elles allaient en voiture au drive-in Eat'n Park, prendre un petit-déjeuner-buffet "deux-pour-le-prix-d'un".
Emily, tiraillée par le désir de revivre le passé et de s'accrocher au présent. Jusqu'alors, elle avait eu tellement de chance qu'elle se retrouvait tragiquement mal préparée à la vieillesse. Toute sa vie était un cycle et ce moment-ci en était la partie la plus dure. Sa vie avait atteint une sorte de stase.
Emily mène une vie bien réglée entre son jardin, son "Club", la musique classique et ses livres.
Elle n'aspire qu'à voir le plus possible ses enfants et petits-enfants.
Rufus, son "trop vieux" Springer lui rappelle sans cesse que la mort rôde. Rufus, son confident, sa béquille...
Un roman d'une immense tendresse. Nostalgie, douceur et inexorable écoulement du temps qui nous rapproche de la fin.
Emily, comme une grand-mère idéale ?
Non, ce n'est pas la direction prise par l'auteur.
La très grande force de ce roman est de parvenir à nous attendrir par les petits actes du quotidien. Il ne se passe rien et pourtant, les infimes détails de la vie de cette nonagénaire nous éclaboussent pour ne plus nous lâcher.
Rares sont les livres que je referme avec un pincement au coeur.
Emily en fait partie et j'aurais tellement aimé que ça dure, encore et encore...
Vivement une suite....
Fin de parcours
Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 6 décembre 2012
C'est plutôt un parallèle littéraire qu'il faut établir.
Emily, c'est un peu le contrepoint du Grondement de la montagne du japonais Yasunari Kawabata dont on parlait il y a quelques jours.
Autant les dernières années du japonais étaient amères et désabusées, autant les dernières années d'Emily sont, certes empreintes de nostalgie, mais pleines de vitalité : la vieille dame va même jusqu'à s'acheter une nouvelle voiture (plus maniable que le paquebot que lui a laissé son défunt mari) afin de retrouver son autonomie lorsque son amie Arlène est hospitalisée qui conduisait jusqu'ici pour elles deux. Il vaut mieux d'ailleurs qu'Emily reprenne le volant, vu la conduite acrobatique d'Arlène dans les rues de la banlieue de Pittsburgh.
Les dialogues entre les deux vieilles dames sont savoureux : acides et piquants. C'est la meilleure partie du livre.
[...] Arlene baissa sa vitre de quelques centimètres. « Ça t’ennuie beaucoup si je fume ?
– Je croyais que le médecin t’avait dit d’arrêter.
– C’est ce que je fais. Il m’a mis un patch. » Relevant sa manche de veste, elle montra à Emily un carré couleur chair, puis alluma une cigarette. « Si ça doit arriver, ça n’arrivera pas en un jour. Il le sait.
– Mais tu vas essayer ?
– Je vais essayer.
– C’est courageux de ta part.
- J’imagine que ça va être désagréable pour tout le monde.
– Mais ça en vaudra la peine.
– Tu dis ça maintenant, mais attends de voir.
– Si je peux t’aider.
– Merci. J’aimerais te demander une chose, si c’est possible.
– Tout ce que tu veux.
– S’il te plaît, ne sois pas trop déçue si je n’y arrive pas.
– Promis », dit Emily, pensant néanmoins que ce n’était pas la meilleure façon de commencer.
Les chapitres avec les enfants sont moins passionnants : Emily n'est pas très heureuse de la tournure prise par sa fille ou son fils, qui ne la visitent guère souvent.
Une belle tranche de vie (même si c'est l'une des dernières tranches du gâteau d'Emily) qui s'écoule, là aussi, au rythme des saisons.
Décidément les parallèles avec le japonais Kawabata sont nombreux, heureux hasard des lectures croisées.
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