J'haïs les bébés de François Barcelo

J'haïs les bébés de François Barcelo

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 18 août 2012 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
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L'Instinct maternel

Quand la haine atteint son paroxysme, une femme, qui ne peut blairer les bébés, ne révèle pas ce qu’elle ressent véritablement en disant « je les hais ». Par contre, la langue populaire lui permet d’accentuer son exaspération à l’égard des poupons en affirmant haut et fort qu’elle les « zaït ».

Ils braillent comme si on les saignait comme des porcs. Ils braillent quand ils ont faim, ils braillent quand leur position est inconfortable, ils braillent quand ils veulent un hochet, ils braillent quand leur couche est souillée, ils braillent quand ils ont des coliques. Bref, leur langage se réduit aux braillements. Essayer de comprendre quelque chose à ce mode d’expression. Ce contexte ne peut qu’accentuer la déprime puerpérale.

Même si l’héroïne a depuis longtemps passé l’âge de la ménopause, ses sentiments maternels ne se sont guère métamorphosés. Quand elle apprend que sa fille accouchera pendant le temps des Fêtes, elle emprunte la Lada déglinguée d’une amie pour fuir dans un motel de la Gaspésie. Mal lui en prit, elle trouve à sa porte un panier à pique-nique couvert d’une nappe carreautée (quadrillée). L’hiver se prête mal aux plaisirs du plein air. Le lecteur comprend vite que sa fille lui a joué la scène de Moïse sauvé des eaux, tout en lui adressant une carte de Noël qui dit : « Prand soin de moi grand mamand. »

La malheureuse grand-mère Viviane, qui porte très mal son prénom, se voit bien punie pour son manque de fibres maternelles. Que fera-t-elle d’un bébé plein de merde qui vocifère son désir d’écluser son biberon ? Alors que l’on fête la naissance du Christ, elle songe plutôt au vendredi saint en jetant son petit-fils à la mer qui déferle au pied du motel. Bien mauvaise idée ! Des touristes français, voyageant en ski-doo (motoneiges), ont passé la nuit justement au même motel. Comme ils pourraient la voir, il lui reste le four micro-onde. Au lieu de la dinde, ce sera du bébé de Noël.

Depuis trente ans, François Barcelo exploite avec ironie cette veine lugubre pour stigmatiser les préjugés de la société. Cette fois-ci, il s’attaque à l’instinct maternel, qui est l’apanage des femmes, et à l’instinct meurtrier, qui est du ressort des hommes. Il se moque de ce point de vue en faisant de Viviane une meurtrière, qui a passé vingt ans Là-Bas (prison) pour avoir tué son mari.

D’aucuns sourcilleront devant ce traitement du sujet, qui traîne en longueur malgré les 113 pages du roman. Les autres seront entraînés par la plume divertissante de l’auteur, qui a choisi, avec cynisme, de rire de nos travers plutôt que d’en pleurer.

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