Le symbolisme dans l'Évangile de Jean de Paul Diel, Jeanine Solotareff
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Spiritualités
Et la lumière luit dans les ténèbres ..
"Et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne s'en sont pas saisie." (Jean 1,5)
Paul Diel (1893, 1972), psychologue français d'origine autrichienne, bien que méconnu du grand public est une référence dans le milieux scientifique, principalement pour sa théorie sur la 'Psychologie de la motivation' qui est rapidement abordée dans cet ouvrage. Il a en outre écrit différents ouvrages qui traitent du symbolisme dans les mythes grecs et judéo-chrétien, dont celui-ci.
Son analyse symbolique de l'évangile de Jean est passionnante, on peut parler d'une révélation tellement la lecture habituelle avait rendue ce texte obscur. Une obscurité causée par l'institution de dogmes d'une part (selon l'auteur) et également due au fait que notre culture actuelle à perdu le niveau d'abstraction nécessaire à une compréhension correcte du langage symbolique utilisé par l'évangéliste.
Pour P. Diel, une analyse symbolique de l'évangile, en acceptant sa dimension purement mythique, permet de rétablir la vérité exprimée dans ce texte fondamental pour notre culture. Bien plus, (je cite): "Comprendre la pensée symbolique serait la solution pour tant d'esprits qui s'égarent, soit dans la croyance aux images, soit dans la dérision des images. La réconciliation entre les matérialistes, qui dénient toute signification au symbole mythique de la Divinité, et les spiritualistes qui le considèrent comme une réalité, ne pourra se faire qu'autour de la compréhension du symbolisme [...] L'homme de notre époque scientifique est, quand à sa vie intérieure, en grande partie sous l'emprise de croyances, autant dire de superstitions, qu'elles soient spiritualistes ou matérialiste [...] il risque de régresser jusqu'à une vision simpliste du monde, éliminant la dimension mystérieuse de la vie et son sens biologiquement immanent." (je m'arrête, car je pourrai taper tout le texte).
Selon P. Diel, poser comme un dogme l'existence de Dieu en tant qu'être réel et externe, interpréter le verset 'Le Verbe s'est fait chair' au sens littéral (dogme de l'incarnation, Jésus est Dieu fait homme), conduit inévitablement à des absurdités. Pire, une interprétation basée sur ces dogmes en arrive à masquer la vérité exprimée par l'évangéliste. Et finalement une foi basée sur une telle croyance, qualifiée de superstitieuse, ne peut donner qu'une croyance morte, comme celle des Pharisiens que Jésus combat tout au long de l'évangile.
Je cite: "Ce qui, par la compréhension littérale, par la croyance en l'incroyable, disparaît, ce n'est pas l'obscurité, mais le sentiment du mystère, la condition de toute vraie foi. L'obscurité demeure, elle est seulement remplacée par une autre forme de l'obscur, par le miraculeux, autre expression de l'incroyable [...] Dieu réel, ce revenant anthropomorphe, n'est que l'expression de la prétention vaniteuse du moi accidentel, l'amour exalté de soi-même, le désir insensé que ne disparaisse pas ce moi adoré, et qu'il trouve auprès du Dieu réel quelqu'un capable de comprendre sa grandeur, capable de récompenser selon ses justes mérites".
Intéressant également, le fait que P. Diel qualifie l'évangile de Jean de récit purement mythique (bien qu'il ne nie pas l'historicité de Jésus). Ainsi la tentation de Jésus dans le désert est une 'évolution' du mythe du péché originel, montrant que l'homme doté d'un 'élan évolutif' peut résister à l'exaltation désordonnée de ses désirs, qui conduit à la mort de l'âme (la, je résume assez fort). Par ailleurs, les aveugles et les sourds guéris par Jésus ne sont pas handicapés physiquement, il s'agit des gens incapables (ou qui refusent) de voir/entendre la vérité. La multiplication des pains (pain = nourriture non pas terrestre mais de l'âme), la transformation d'eau en vin,.. ces épisodes, ainsi que la presque entièreté de l'évangile sont traduit verset par verset par l'auteur qui nous met en garde contre une interprétation littérale (c'est-à-dire: ces miracles on réellement eu lieu). Mais notons à ce propos que l'église reconnaît également le symbolisme de ces miracles, même si l'interprétation diffère parfois.
Ce livre est excessivement intéressant, carrément indispensable pour ceux qui s'intéresse de près ou de loin à la bible ou au christianisme. Les croyants (j'en suis) ne seront peut-être pas d'accord avec la thèse soutenue par l'auteur, il n'empêche que le livre leur permettra de remettre leur foi en question, de la mesurer à l'aune d'une 'croyance morte', une foi 'superstitieuse', à l'instar de celle des Pharisiens. Et pour les croyants comme les non-croyants, ce livre redonne à l'évangile de St Jean sa dimension unique: on comprend mieux comment le christianisme a pu se développer sur un texte aussi fondamentalement profond et intelligent.
Pourquoi ce verset en particulier dans l'en-tête de ma critique ? Parce que je le trouve beau, mais à ce propos, le prologue dans son entièreté est un véritable bijoux, d'un point de vue du sens comme d'un point de vue littéraire. Ce n'est pas le moindre mérite de ce livre de nous le montrer.
NB:
1. Un grand merci à Persée pour la référence. J'ai noté d'ailleurs le reste de la biographie de P. Diel pour de prochaines lectures. A ce propos deux autres oeuvres de l'auteur ('Psychologie de la motivation', 'La peur et l'angoisse'), sont régulièrement citées.
2. Ma critique ne donne qu'un aperçu incomplet de l'ouvrage.
Les éditions
-
Le symbolisme dans l'Évangile de Jean de Paul Diel
de Diel, Paul Solotareff, Jeanine
Payot & Rivages / Petite Bibliothèque Payot
ISBN : 9782228888127 ; 7,35 € ; 23/09/1994 ; 245 p. ; Poche
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Forums: Le symbolisme dans l'Évangile de Jean
Sujets | Messages | Utilisateur | Dernier message | |
---|---|---|---|---|
Paul Diel | 2 | Pedro | 27 avril 2004 @ 14:52 |
Autres discussion autour de Le symbolisme dans l'Évangile de Jean »