Père en deuil de son fils

N’est pas boxeur qui veut. C’est une question de pif. Si le moindre coup ouvre les vannes de l’hémoglobine, il faut éviter de se présenter comme punching bag, surtout que Rocky Surprenant a déjà le cœur saignant depuis que son fils Nevada s’est noyé. Comme il lui est difficile de panser sa plaie, il n’est pas intéressé à se délester de son sang sur un ring pour suivre les traces de son père et de son grand-père.

En lieu et acte, il met son talent de mathématicien au service de l’entreprise familiale dirigée par son beau-frère, un exportateur de fumier. Comme son emploi n’est pas assez accaparant pour assumer son deuil, il égrène ses nuits devant son ordinateur en confiant aux jeux électroniques le soin de soulager « sa brûlure à l’âme qui ne guérit pas ». Son supplice n’échappe pas à Jesus Chavez, un ami d’enfance, qui lui propose de le suivre dans ses pérégrinations. Le tandem met le cap sur le désert des Majaves, où domine la capitale mondiale du jeu. Las Vegas n’est pas le lieu idéal quand le jeu sert de raison de vivre. Il y a de quoi courir à sa perte, surtout que Jesus est un magouilleur prêt à toutes les aventures rocambolesques.

L’auteur suit les pas dérisoires de ses personnages, qui se sont lancés corps et âme dans une folle équipée exigeante en testostérone. En fait, l’œuvre saisit avec acuité la fibre paternelle. Contrairement au préjugé, Yves Trottier prouve qu’elle existe bel et bien à travers un homme stigmatisé par la mort de son fils. La trame suscite une réflexion sur le deuil que l’on se doit de mener à terme pour sauver sa sérénité. Au fond, c’est la quête d’un homme désespéré, qui mise sur l’adrénaline pour surnager. Ça passe ou ça casse.

Œuvre de la maturité d’un auteur qui maîtrise l’art romanesque, autant au plan de l’écriture que de la facture. Mais le roman étourdit tout de même de par sa tenue littéraire très recherchée.

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  Nevada Est Mort

  de Trottier, Yves
  Hurtubise
  ISBN : 9782896472581 ; EUR 29,75 ; 29/01/2010 ; 315 p. ; Broché

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