Un bon musulman de Tahmima Anam

Un bon musulman de Tahmima Anam
(The good muslim)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Elya, le 8 juin 2012 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 855ème position).
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Fondamentalisme religieux et vie de famille

Il est facile de citer des écrivains asiatiques publiés et connus en France : Murakami pour le Japon, Mo Yan pour la Chine, Salman Rushdie pour l’Inde, et tant d’autres bien sûr, y compris pour la Corée ou le Vietnam. Mais si l’on m’avait demandé de citer un écrivain originaire du Bangladesh avant ma découverte de ce livre, cela aurait seulement souligné mon ignorance. Pour tout avouer, j’ai dû vérifier sur une carte où se situait le Bangladesh, le situant vaguement vers l’Inde, mais plus près des pays du Moyen-Orient. Bref, là n’est pas le sujet, et Tahmima Anam a bien d’autre mérite que de seulement m’avoir fait découvrir la situation géographique de ce pays.

Car disons-le tout de suite, ce livre est une excellente découverte ; de celles auxquelles on ne s’attend pas, puisque avant de le voir posé sur un étal de ma bibliothèque municipale je n’avais jamais entendu parler de ce roman. Sa couverture sobre m’a attirée. Il semblait parler de la religion musulmane, thème que je n’ai jamais rencontré je crois comme élément central d’un roman.
Et pourtant, cela peut permettre de construire une histoire tout autant passionnante, émouvante, qu’instructive. Sur ce dernier point, je ne sais pas si l’on peut vraiment considérer que la religion décrite ici est représentative de celle qui est la plus répandue ; je suis même sûre que non, puisque nous sommes ici confrontés à un fondamentalisme religieux extrême, débouchant sur des abus sordides. Mais nous apprenons tout de même des choses, ne serait-ce que sur la situation politique et sociale du Bangladesh autour de la date de son indépendance, dans les années 70.

Nous suivons l’histoire d’un frère et d’une sœur qui ensemble et séparément connaîtront des évènements tragiques, marquant à vie leurs corps, leurs idées et leurs actes. Pour surmonter les épreuves de la vie, et particulièrement celles qu’impose la guerre, avec ses morts, ses injustices et ses infamies, ils prendront une voie différente. Maya fera carrière dans la médecine, voulant aider les plus démunies, et s’affranchir d’un état trop autoritaire. Sohail quand à lui choisira la religion musulmane, dans ce qu’elle a de plus démesuré. Et entre eux deux, leur mère, personnage sensible, emblématique et attachant.

La force de ce roman n’est pas dans le style de l’écrivain, assez simple, mais plutôt dans sa façon de nous livrer les éléments cruciaux de l’histoire. Ils sont délivrés au compte-gouttes, et si l’on en voit venir certains, d’autres sont impénétrables, et leur révélation apporte tout autant d’émotion et de surprise que d’admiration envers cette écrivain qui manie à la perfection son histoire, du début à la fin. Le roman ne finit pas de gagner en intensité, et nous ne pouvons qu’être touché par tout ce qu’ont pu éprouver toutes ces personnes de ce petit pays. L’écrivain est bien loin de tout mélo, elle s’abstient de nous livrer les détails de faits et de scènes qui pourraient être indécentes ou seulement injustes, et nous fait les deviner avec beaucoup de finesse. Elle s’abstient également de tout jugement à l’égard de ces hommes et ces femmes qui ne vivent que par la dévotion envers leur Dieu ; là n’est pas son but.

Excellent roman dont on n'a pas envie de souligner les failles !

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Les éditions

  • Un bon musulman [Texte imprimé], roman Tahmima Anam traduit de l'anglais (Bengladesh) par Sophie Bastide-Foltz
    de Anam, Tahmima Bastide-Foltz, Sophie (Traducteur)
    Actes Sud / Lettres indiennes.
    ISBN : 9782330002305 ; 22,90 € ; 31/12/2011 ; 280 p. ; Broché
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Accouchement douloureux

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 15 novembre 2013

Sohail et Maya, un frère et une sœur très proches, sont séparés une première fois quand la guerre pour l’indépendance du Bengladesh éclate, Sohail prend les armes pour libérer son pays de l’emprise pakistanaise et Maya rejoint les services sanitaires pour soigner les blessés et notamment les femmes victimes de maltraitances et de viols de la part des soldats ennemis. Elle les aide à se reconstruire et souvent à se débarrasser de l’enfant ennemi qu’elles portent et que personne ne veut, pas plus le chef charismatique de l’Etat en construction, que la société en général et que les familles en particulier.

Le roman de Tahmima Anam raconte le chemin de ce frère et de cette sœur que les événements ont séparés, ces deux routes parallèles qui se sont brusquement écartées après la fin de la guerre d’indépendance et qui se rejoignent quand la femme de Sohail décède et que Maya retrouve son frère pour l’accompagner dans son deuil. En 1977, Maya est partie brusquement pour un long périple et finalement se fixer dans un dispensaire où elle a aidé les femmes victimes de grossesses à répétition et souvent très seules au moment de l’accouchement. Elle sauve ainsi de nombreuses vies pour compenser, pense-t-elle, celles qu’elle a détruites en aidant les femmes violées par l’ennemi à avorter. Quand elle rentre à Dacca, en 1984, elle ne reconnait pas son frère qui a sombré dans un islamisme ultra rigoriste totalement contraire à leur mode de vie antérieur et fondamentalement opposé à sa lutte pour l’émancipation des femmes. Elle essaie alors de le sauver de cet enferment dans une posture religieuse obscurantiste mais il se réfugie dans les contraintes que lui impose sa pratique et les missions qui lui sont confiées. Maya pense pouvoir sauver la famille de l’enfermement dans la religion en prenant en charge l’éducation du fils attardé de son frère mais celui-ci l’interne dans une madrasa où il est mal traité. Le frère se réfugie dans une religion qui relègue les femmes au rang des utilités reproductrices alors que la sœur livre un véritable combat contre les hommes qui détruisent les femmes sous des prétextes les plus fallacieux. « Au début, tout va bien, mais vient un jour où leur égo se fragilise et vous devez passer le reste de votre vie à les serrer dans vos bras pour qu’ils se sentent mieux. Et là c’est votre vie à vous qui devient merdique ».

Ce roman c’est l’histoire de la fondation du Bangladesh, un pays neuf, nouveau, révolutionnaire, qui a combattu la tutelle du Pakistan et qui s’est transformé en une dictature religieuse encore plus contraignante que l’occupant pakistanais. Cette histoire est racontée en deux temps qui se confondent souvent : au début des années 1970, après la victoire, quand les combattants sont rentrés victorieux mais beaucoup moins nombreux qu’au départ, souvent blessés et toujours très marqués dans leur être par les atrocités qu’ils ont vécues ; et vers les années 1984 et 1985 quand Maya est revenue à Dacca après le décès de l’épouse de Sohail. Tout a basculé dans la guerre, les amis ne sont plus comme avant, la ville a été transformée. Maya veut reprendre la lutte en écrivant dans un journal révolutionnaire alors que le frère digère les horreurs de la guerre dans la lecture du Coran. Toute la difficulté de construire une nation unie avec un peuple bi ethnique fortement marqué par deux religions très opposées.

Comment reconstruire un peuple soudé avec des êtres détruits par les horreurs de la guerre, stigmatisés par le poids de la culpabilité, Sohail n’a pas tué que des ennemis, Maya a participé à de nombreux avortements. Ils sont à l’image de ce peuple à la dérive que seuls la religion, la dictature, l’exil et la recherche de l’argent frivole semblent pouvoir guider. Ces deux destinées, ces deux combats contraires, que tout oppose, pourront peut-être retrouver une route commune, un avenir possible quand tout ce qui a été tu sera dit, quand justice sera faite et qu’on pourra pardonner ou condamner.

Pour sûr un livre intéressant qui évoque de très belle manière, dans une construction ambitieuse, l’accouchement d’un pays nouveau à travers la destinée de ce frère et de cette sœur, seul regret, le texte qui s’égare parfois dans des péripéties qui ne concernent pas vraiment le sujet fondamental du livre et qui rendent ainsi le récit un peu lourd et un peu brouillon. L’auteure aurait gagné à rester plus strictement concentrée sur son sujet principal, la construction littéraire du texte et la forme parabolique du récit suffisaient à constituer l’originalité de ce roman sans y ajouter quelques digressions plus encombrantes qu’enrichissantes.

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