Aventures d'un gourmand vagabond de Jim Harrison

Aventures d'un gourmand vagabond de Jim Harrison
( The raw and the cooked : adventures of a roving gourmand)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Jules, le 4 octobre 2002 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 063ème position).
Visites : 8 152  (depuis Novembre 2007)

Un recueil de textes sur la vie vue par un gourmand...

Ce n’est pas un roman que nous offre Jim Harrison dans ce livre paru en septembre. C’est vraiment tout autre chose, puisqu’il s'agit essentiellement d’un livre consacré à la cuisine, à tout l'amour qu’il a pour cet art, à l'importance que celui-ci prend dans sa vie.
Bon, il n'y a pas que cela non plus ! L'auteur se raconte à travers différents petits textes et, avec la cuisine pour support, il nous donne une certaine vision du monde, des hommes et des peuples.
Il nous dit de l’Etat de New York « …dans cette région où l’exercice sportif le plus populaire est le trekking entre le canapé, la cuisine et la télévision. Dans les trois modestes endroits où je vis avec mon épouse, on me demande souvent pourquoi je marche ou je chasse au moins deux heures par jours pendant toute l’année, et je réponds volontiers : « Afin de pouvoir manger sans que la bouffe ne me tue. » » A ses yeux, pour les trois quarts de la population américaine « … il ne s'agit pas d’un véritable goût pour la nourriture, mais bien plutôt d'une absorption excessive de combustible. »
Mais tout en parlant de viandes, de sauces et de vins, Harrison ne se prive pas de nous faire part d'autres réflexions telles que celle-ci : « Bon, nous savons tous que la réalité est consensuelle et que, si vous ne consentez pas, la réalité se désagrège très vite. La vraie cohérence est un don rarissime, durement gagné par les sages, tandis que le restant d'entre nous habitons un monde rafistolé tant bien que mal par une colle de qualité inférieure… Rien ne ressemble vraiment à autre chose. Rien ne prépare à autre chose. Surmonter une chose ne vous rend pas obligatoirement apte à une autre. »
Et puis, pas de livre de Jim Harrison sans que la nature ne prenne une grande part dans ses cogitations : «
Le monde sauvage ne vous fait pas tant oublier votre existence normale qu'il ne supprime les distractions pour laisser place à d’authentiques remémorations. » Et j'adore son humour quand il poursuit : « J’ai déjà suggéré que le monde sauvage vous prépare à une seule et unique chose : davantage de monde sauvage. Vous ne passez pas quatre jours au Lutèce afin de vous préparer à une longue période au Burger King. »
Un livre que je ne peux que conseiller, mais en reconnaissant que pour l'apprécier il vaudrait mieux être un amateur, non seulement de son auteur, mais aussi de l'art de la table, du bon vin et de tout ce que ces deux choses peuvent représenter comme philosophie de la vie. Un être qui n’est pas sensible à cela ne prend pas l'existence de la même façon que celui qui l’est.
D’ailleurs, Johnny Lundgren, dit Sorcier, héros du livre d'Harrison du même nom, ne surmonte-t-il pas sa période de chômage forcé et de légère déprime en préparant de merveilleux petits plats avant que de se livrer à de superbes exploits sexuels avec son épouse qui, elle, travaille et nourrit le couple ?… Et Harrison d'intituler un de ses textes « Cuisiner sa vie »
Je ne résiste pas à vous donner cette dernière citation qui vient de l’épilogue du livre intitulé « Une grosse faim à Paris » :
« Paris propose un certain nombre d’expériences qui vous poussent à l’humilité, et parmi elles je retiendrai avant tout la beauté et la cuisine de cette ville. Notre folklore nous permet peut-être d'accepter qu'une ville soit forcément laide. Nous avons accompli quelques belles réussites à San Francisco ou à Seattle, mais rien de comparable avec Paris. L'histoire architecturale est un domaine où il est bien difficile de décider à partir de quand nous avons fait fausse route ; néanmoins, une nation obsédée jusqu'à la nausée par le dollar vite gagné restera obstinément sourde à toute considération esthétique. »
Un livre sur la cuisine ?… Oui, si l'on veut !

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Les éditions

  • Aventures d'un gourmand vagabond [Texte imprimé], le cuit et le cru Jim Harrison trad. de l'anglais, États-Unis, par Brice Matthieussent
    de Harrison, Jim Matthieussent, Brice (Traducteur)
    Christian Bourgois / Fictives (Paris).
    ISBN : 9782267016338 ; 15,66 € ; 28/08/2002 ; 358 p. ; Broché
  • Aventures d'un gourmand vagabond [Texte imprimé], le cuit et le cru Jim Harrison traduit de l'américain par Brice Matthieussent
    de Harrison, Jim Matthieussent, Brice (Traducteur)
    10-18 / 10-18. Série Domaine étranger
    ISBN : 9782264036780 ; 8,10 € ; 24/05/2007 ; 357 p. ; Poche
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La littérature et la gastronomie : deux expériences dangereuses

9 étoiles

Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 54 ans) - 15 mai 2013

« Le barman n’était pas occupé et nous avons parlé de Jack London. […] Je lui ai rétorqué que j’avais un jour allumé un feu de camp sous un pin couvert de neige et que, comme il fallait s’y attendre, la neige avait dégringolé de l’arbre et éteint mon feu. C’était une expérience littéraire. Mon anecdote a ravi le barman, qui a dit que la littérature était parfois une expérience dangereuse. »

extrait de « une Odyssée américaine » de Jim Harrison


La littérature est en effet une expérience dangereuse, car c'est une expérience qui engage parfois toute l'existence du moins quant à ceux qui sont dotés d'un peu de sensibilité.

Elle est moins dangereuse que les bonnes choses à manger rétorqueront les coachs de diététique, de vie, d'alimentation (on ne parle plus de gastronomie ou de bon goût mais d'alimentation, en mangeant il s'agit surtout finalement de « mettre du carburant dans le réservoir » des machines que sont devenus nos corps à l'époque de la marchandisation d'un peu tout, y compris les gens, les bêtes, les lieux, et même les rêves.

L'auteur de ce texte parfaitement immodeste, lui-même pourtant grand gourmand devant l'éternel, a trouvé en lisant ce recueil de petits articles sur la nourriture, l'alcool, le bien-manger et le bien-vivre en général que Jim Harrison était une sorte d'ogre appréciant tellement la vie qu'il veut goûter à tous les plats qu'elle propose au buffet.

La plupart des grands angoissés, des grands lucides, des inquiets, aiment la bonne table.

C'est encore la meilleure manière de ne pas se laisser effrayer par toutes les épées de Damoclès au-dessus de nos têtes. C'est aussi une excellente méthode pour tourner en dérision les prétentieux qui sombrent trop souvent dans l'esprit de sérieux, les exaltés qui veulent leur conception du salut et du bonheur, même contre notre gré, les jaloux, les envieux, les larbins, les violents, les brutes, comme Athos dans sa cave.

Ce livre très sympathique n'est pas fait pour les couche-tôt, les bonnets de nuit raisonnables, les adeptes de hygiéniquement correct et des cinq fruits et légumes par jour, ceux qui en général ne comprennent rien aux plaisirs de la chère et de la chair, et aussi du bon vin ou aux voyages immobiles que l'on peut faire grâce à de bons alcools. Jim Harrison n'a aucune illusion sur ces frères humains mais dans le même temps, il les aime tous, malgré tout, et tient à leur faire partager un peu de la joie qu'il ressent à partager un bon repas avec des amis ou un bon vin, que ce soit au milieu d'un désert ou au cœur de Beverly Hills.

Pour les imbéciles il ne s'agit que d'histoires de boustifailles, pour eux un bon repas tel que le décrit l'auteur de ce livre ça consiste juste à bouffer jusqu'à s'en faire éclater la panse. Un bon repas éteint l'angoisse, la peur s'éloigne ainsi que la bêtise un peu plus prégnante chaque jour autour de nous. Mais pour apprécier un bon repas, il faut aimer la vie et les hygiénistes la détestent, ils sont incapables de percevoir la beauté toute autour de nous, incapables de comprendre que malgré les guerres, la sottise et la haine, la vie est un cadeau.

Ne parlons pas d'alcool qu'il s'agit de consommer à peine avec modération, les sots se prétendant hygiénistes ignorant vraisemblablement que boire un bon vin, un bon whisky, un bon Cognac, une liqueur odorante, cela ne consiste pas à se bourrer la gueule mais en quelque sorte à louer la nature et les beautés qu'elle procure et partager juste un moment encore un peu de joie avec des personnes pour lesquelles on a de l'affection.

Actuellement on aime bien parler de gastronomie à condition que la forme et la présentation des plats soient forcément déstructurées et dans le vent indiqué par la mode, à savoir de toutes petites portions ridicules dans des cuillères chinoises, des verrines où l'on entasse tout et n'importe quoi, des assiettes carrées où les viandes ou poissons doivent être forcément servis accompagnés d'un trait de sauce forcément géométrique un rien grotesque. La cuisine devient un atelier de petit chimiste avec la cuisine moléculaire qui s'est avérée après quelques maux d'estomac gratinés des clients des restaurants de luxe la proposant au menu plutôt dangereuse pour la santé.

D'ailleurs on ne doit plus parler de gastronomie mais de « fooding » où l'on aime bien également les aliments régressifs : on met des fraises « tagada » (très à la mode dans les soirées bobos où elle voisine avec les cacahouètes et les petits fours salés) dans les gâteaux, des « carambars » dans de la sauce pour poulet, des « malabars ». Il ne faut plus parler de plats il est vrai mais de « foodies ».

On aime bien les « smoothies » sans goût, mais réputés tellement bons pour la santé !

La nourriture devient alors un signe d'appartenance à un statut social, le prolo mange au « Mac Do », le franchouillard se prépare un pot-au-feu bien gras, le bourgeois bohème en recherche de culture partout où il passe lui pratique le « fooding ». La cuisine devient également un lieu de compétition où il s'agit d'en mettre plein la vue à ses invités et non de partager quoi que ce soit avec eux.

Alors bien sûr, les hygiénistes me diront :

« Tu écris ça mais Jim Harrison avoue au début de son livre que toute cette bonne nourriture lui a surtout coûté quelques crises de goutte extrêmement douloureuses et une tension de concours, il a été bien puni comme tous les gourmands ».

Ce à quoi je répondrai que les hygiénistes, comme les autres conformistes, dans ce genre là ressentent toujours une joie mauvaise à faire la liste de toutes les conséquences certes embêtantes pour la santé du comportement parfois déséquilibré des angoissés qui ont un peu trop festoyé dans leur vie pour éloigner les abrutis ou la camarde elle-même, mais que l'on peut tout autant mourir d'ennui.

Ce petit texte est dédié à une jeune femme avec qui je suis allé manger un jour un excellent repas, totalement incorrect au regard des normes mais tellement délicieux, sur les hauteurs de Montmartre non loin du « Lapin Agile » dans un petit établissement tout rose ressemblant à une bonbonnière (photo ci-dessous : "La Maison Rose" à Montmartre, prise ici).

Cette dédicace est là pour rappeler que les plaisirs de la table sont liés à ceux de l'amour, et donc là encore aux plaisirs de la vie en général.

Parfois il n'y a plus que ça pour conjurer le désespoir, comme les personnages de "la Grande Bouffe"

Pour découvrir le personnage Harrison

8 étoiles

Critique de Gnome (Paris, Inscrit le 4 décembre 2010, 53 ans) - 7 décembre 2010

Mon avis :

On aime ou on déteste Harrison. Moi, je l'aime. Ce livre est un excellent moyen pour tenter de découvrir cet homme excessif, gourmand, soiffard et amoureux de la nature. Le style est un peu à l'image du bonhomme : débordant de vie et un peu arrogant... un délice !

Attention, la lecture de ces pages risque de ne pas vous laisser de marbre... Personnellement, j'ai eu faim et soif tout au long de ce bouquin !

Ses chasses et ses bombances

7 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 6 juin 2009

Il est excessif, poseur, politiquement incorrect. Son enthousiasme est contagieux. Il préfère le gibier à plumes. Il met beaucoup d’ail dans ses mets et consomme des quantités à mettre KO toute personne normalement constituée. Ou alors il fait semblant pour effaroucher les bobos. Il pense nous amadouer en évoquant Thoreau.

« Si vous affirmez à un intellectuel américain que vos livres se vendent bien en France, il vous répondra invariablement que les Français adorent Jerry Louis. » Harrison, l’écrivain américain le plus aimé des francophones après Paul Auster ?

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