Le Sel de la vie : Lettre à un ami de Françoise Héritier
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Laisser venir à soi
« Une semaine de vacances volée en Ecosse ». Ce mot, « volée », écrit par un ami médecin au dos d’une carte postale trahit la dépossession de sa vie, lui qui se donne sans compter pour ses malades. C’est son sens de l’amitié, sa générosité, son plaisir de vivre qui vont conduire Françoise Héritier, anthropologue de grand renom, à écrire cette « lettre à un ami », qu’elle appelle « fantaisie » pour lui dire « ce qui fait, a fait et continuera de faire le sel de sa propre vie » mêlant joliment « sensations perceptions, émotions, petits plaisirs, grandes joies, profondes désillusions et même des peines. »
Et c’est magnifique. Madame Héritier a évité le piège du « discours hédoniste d’une privilégiée » ou celui de la confession impudique pour laisser venir à elle, comme le faisaient les surréalistes, ce que nous ressentons tous un jour ou l’autre, au gré de notre fantaisie, et qu’elle sait parfaitement exprimer. Cette énumération poétique qui va de feuilleter un album de photos à la béatitude de fraîches soirées d’automne, de faire la grasse matinée à humer l’air du petit matin frais, de danser (ah, danser !) aux baisers dans le cou, d’écouter la Callas ou gémir le vent. Ce pêle-mêle souriant ne masque pas des moments plus graves et on peut passer une nuit blanche pour finir un roman mais aussi pour veiller un mort ou être près de son enfant. Ce livre est magnifique car chacun peut s’y reconnaître et je ne résiste pas au plaisir d’en citer quelques exemples personnels : « Aimer Alexandre Vialatte et ses sempiternelles chroniques, revoir « Gens de Dublin », rougir de sa prononciation de l’anglais, bouillir intérieurement devant la bêtise heureuse, aimer les mots, leur consistance en bouche, leur sonorité, vivre dans la fidélité à ses idées, ses amis, ses amours » etc, etc. C’est écrit dans une très belle langue, précise et juste comme l’est celle des grands universitaires, sans aucune afféterie.
On pense bien sûr à l’exercice de Georges Pérec « Je me souviens » mais le texte de Françoise Héritier me paraît plus personnel, plus intime. Perec, autant que je m’en souvienne, garde une certaine distance alors qu’il y a dans « Le sel de la vie » plus de volonté personnelle, celle de « faire de chaque épisode de sa vie un trésor de beauté et de grâce ». Bien qu’elle se refuse d’aborder sa vie privée et l’amour, ces moments choisis révèlent un auto portrait tout en sensualité.
Ce petit livre chante le miracle de la vie. « L’événement s’envole, mais reste l’essentiel, inscrit dans le corps, qui resurgit au charme furtif d’une évocation, au frisson d’une sensation, à la force étonnamment vive et parfois incompréhensible d’une émotion ».
Un livre à garder près de soi et à offrir à tous ceux qu’on aime.
PS : On peut regretter que l’éditeur n’ait pas eu l’idée (mais qu’il la retienne pour les prochaines éditions) d’ajouter quelques pages blanches où le lecteur pourrait écrire sa propre liste, qu’il complétera au gré de sa fantaisie.
Les éditions
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Le sel de la vie [Texte imprimé], lettre à un ami Françoise Héritier
de Héritier, Françoise
Odile Jacob
ISBN : 9782738127549 ; 6,65 € ; 26/01/2012 ; 91 p. ; Broché -
Le sel de la vie [Texte imprimé], lettre à un ami Françoise Héritier
de Héritier, Françoise
Odile Jacob
ISBN : 9782738138668 ; EUR 9,90 ; 03/05/2017 ; 91 p. ; Broché
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Ces petits riens...
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 23 janvier 2018
Puis je me suis complètement retrouvée dans ces petits plaisirs que l'age nous apprend à savourer, à profiter.
Impossible de ne pas en partager certains, le plaisir de marcher dans les feuilles, de sentir un parfum oublié, d'entendre un chant d'oiseau, quelques notes d'une vieille chanson...
Il y a bien sûr, des plaisirs qui me sont totalement inconnus, le plaisir d'atterrir à Niamey, celui d'admirer un couple de lions..
Mais cet espèce d'inventaire a le pouvoir de nous faire sourire à tous ces petits gestes de notre quotidien, de notre vie que nous avons faits, que nous faisons sans nous en apercevoir jusqu'au jour où nous ne le pourrons plus ; il a le pouvoir de nous permettre de prêter l’œil, l'oreille autour de nous, peut-être aussi une façon de nous aider à traverser certaines périodes en nous accrochant à ces détails, ces petits riens qui font finalement le "Sel de notre vie".
L'énumération pourrait devenir fastidieuse mais au fil des pages, au fil du temps, ce ne sont pas que des petits plaisirs, mais des choses moins agréables qui font aussi le sel de la vie ; se mettre en colère, éprouver de la haine, de la honte, des remords, oublier, les bêtises que l'on a faites, les douleurs, les maladies, les hospitalisations…
Un recueil qu'il ne faut surtout pas lire d'une traite ; mais dont on peut savourer une ou deux pages avant de s'endormir pour prendre le temps d'éprouver une résonance, de permettre tranquillement à nos propres grains de sel de remonter à la surface, qu'ils soient récents ou qu'ils datent de notre lointaine enfance.
Arrivent ensuite des souvenirs de plus en plus personnels ; loin d'être une autobiographie, une façon de connaître Me Héritier, ses voyages, ses découvertes, à travers ses sensations, ses plaisirs et déplaisirs. Et d'entendre parler de Condillac.
"En quelque sorte, le sensualisme de Condillac prend en chacun de nous tout son sens. Le monde existe à travers nos sens avant d'exister de façon ordonnée dans notre pensée et il faut tout faire pour conserver au fil de l'existence cette faculté créatrice de sens : voir, écouter, observer, entendre, toucher, caresser, sentir, humer, goûter, avoir du "goût" pour tout, pour les autres, pour la vie."
Bric-à-brac sans intérêt
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 26 juillet 2014
En réponse à un professeur de médecine qui a presque du remord de s’octroyer une semaine de vacances, elle répond par sa liste de petits plaisirs de l’existence qui vont de sauter à la corde à voir un livre, regarder un coucher de soleil à manger. Pour lui dire qu’il n’y a pas que le travail qui compte et le convaincre de sentir et ressentir à chaque instant tout ce qui fait le sel du quotidien.
IF-0714-4257
L'inventaire des menus plaisirs
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 14 juillet 2012
Ce petit livre ressemble à un inventaire à la Prévert des charmes discrets et gentiment transgressifs de l'existence.
Proust n'est pas loin, comme elle le dit, avec le lot des souvenirs et de la nostalgie, mais également par son célèbre questionnaire, auquel elle répond quelque peu, à sa manière.
Il est étonnant de voir cette grande scientifique descendre de son piédestal pour devenir plus familière, tout en restant intégralement pudique.
Tout cela n'est pas directement utile, et a besoin d'être analysé, ou comparé avec son vécu, ses émotions, son mode de raisonnement, de vie et d'analyse pour en tirer toute sa vraie saveur, tout son "sel". Ce petit livre n'est donc pas si vain qu'il en a l'air, car il invite à la réflexion sur soi-même, la vie et le temps qui passe. La forme reste évidemment basique, voire élémentaire, ce qui change des écrits habituels de l'auteure, ce qui est vraiment dommage.
Tout ça pour ça ……
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 8 juin 2012
De ce « fatras hétéroclite » ( pour reprendre la formule de Françoise Héritier ), je n’ai retenu que les 4 dernières pages qui permettent de sortir de cette compilation étouffante et d’en dégager le sens et les vertus . Mais 4 pages, fussent-elles brillamment écrites, n’ont pas suffi pour moi, à voir dans cet opus « une sorte de poème en prose en hommage à la vie »,et à compenser l’ennui lié à cette interminable énumération représentant « un florilège intime de sensualité ».
Le mérite de cet opuscule aura été, toutefois, de me donner envie de relire LA PREMIERE GORGEE DE BIERE ET AUTRES PLAISIRS MINUSCULES de Philippe Delerm , qui plus de 20 ans après sa parution , me semble n’avoir rien perdu de son charme et qui est aussi, à sa manière, une invitation à l’empathie avec le monde et à garder pleinement en soi la trace des plaisirs furtifs de la vie .
On adore, ou on déteste
Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 7 juin 2012
Je pense que ce livre, son format, ne peut pas laisser indifférent : on adore ou on déteste. Contrairement aux personnes qui en ont laissé une critique, j’ai vraiment détesté !
Pendant 70 pages, il y a des listes, des listes, des listes, séparées par des virgules, qui commencent par des points de suspension et finissent par des points de suspension (ce qui donne des chapitres) et puis on recommence. Ça manque de respiration (j’avais l’impression d’étouffer !) et puis surtout, je ne supporte pas ces exhortations à vivre heureux, de jouir du moindre lever de soleil, du parfum de la fleur, de la douceur du velours, du goût de la fraise. On dirait du Levy avec sa banque qui offre 86400 secondes de vie tous les matins qu’il faut dépenser dans la journée ou Coelho qui explique que c’est à nous de nous accorder notre droit au bonheur. YaKa Fokon !
Je reste persuadée que ces petites choses qui font le « sel de la vie » ne peuvent être que relatives à une expérience, un vécu ; elles sont personnelles et en aucun cas universelles, elles ne sont pas partageables. Quant à la formulation du livre, avec des listes interminables sur des pages et des pages, elle ne m’a pas laissé la place de rêver, méditer, sur mes propres expériences (pour le cas où l’auteure nous proposait de nous essayer à l’exercice).
Ici et maintenant...
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 30 avril 2012
Un livre comme celui-ci interpelle en effet différemment chaque lecteur en fonction de sa personnalité et de son passé ; ainsi, Françoise Héritier, commençant à l’intention de son ami médecin l’énumération de «toutes ces choses agréables auxquelles notre être profond aspire», l’invite-t-elle aussi à se poser la question suivante «Qu’est-ce qui vous manquerait le plus si tout cela devait disparaître à jamais de votre vie ?»
Sans doute le fait pour l’auteur d’avoir connu la maladie et frôlé de peu la mort comme elle le laisse entendre à plusieurs reprises -telle une confidence murmurée au creux d’une oreille attentive- lui a-t-elle appris à apprécier, goûter, savourer chaque moment présent.
Ne déclare-t-elle pas dans sa préface : «il y a une forme de légèreté et de grâce dans le simple fait d'exister, au delà des occupations, au-delà des sentiments forts, au delà des engagements politiques et de tous ordres, et c'est uniquement de cela que j'ai voulu rendre compte. De ce petit plus qui nous est donné à tous : le sel de la vie.» ?
Cette sagesse de l’ici et maintenant (le«hic et nunc» des latinistes) permet notamment de briser le cercle infernal de l’hyperactivité et du zapping spécifiques à notre époque et à la tyrannie consumériste qui nous gouverne. Ainsi, ce livre plaide-t-il pour que «nous ne soyons pas simplement obnubilés par des buts à atteindre, des carrières à faire, des entreprises à commencer, des rentabilités à assurer»
Dans un tout autre ouvrage intitulé «l’art des listes» (publié chez Marabout) l’auteur (Dominique Loreau) évoque, entre autres, le pouvoir d’autoanalyse de ce type d’écriture, proche du journal intime, tout en étant plus aisément partageable que ce dernier, comme le prouve ici «le sel de la vie» ; or, ce guide pratique, essentiellement consacré pour sa part à l’organisation de la vie quotidienne, comporte aussi un chapitre de développement personnel intitulé «les listes des mille et un plaisirs».
A vous donc de conjuguer désormais les bienfaits de cette double démarche en complétant vous-même, comme le suggère ici Jlc, le travail de Françoise Héritier afin de recenser la «provende de souvenirs propres qui ne demandent qu’à resurgir pour vous tenir compagnie et vous soutenir dans tous vos actes à venir».
Vaste programme à mettre et remettre à l’ordre du jour autant de fois que nécessaire !
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