Leur morale et la nôtre de Léon Trotsky

Leur morale et la nôtre de Léon Trotsky

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Radetsky, le 23 avril 2012 (Inscrit le 13 août 2009, 81 ans)
La note : 9 étoiles
Visites : 3 903 

Faire de nécessité vertu

Le contexte historique : 1938, c'est à dire
- Léon Davidovitch en exil, lui et les siens pourchassés, espionnés, liquidés progressivement par les nervis staliniens,
- les fascismes triomphent en Allemagne, Italie, Portugal, et l'Espagne paie de son sang l'arrivée de Franco, l'Europe centrale est sous la botte de régimes autoritaires, seule la Tchécoslovaquie faisant exception,
- La Russie soviétique est aux mains de Staline, qui organise l'élimination méthodique de la génération de 1917, puis de tout ce qui fait mine de lui résister, puis l'élimination des éliminateurs, et ainsi de suite...
- les nations "démocratiques" tantôt tétanisées, tantôt séduites par les différentes formes de tyrannie qui fleurissent un peu partout, s’empêtrent dans leurs hésitations, leurs lâchetés, leurs contradictions, et en appellent hypocritement à l'éternelle arme des impuissants : la morale, en renvoyant dos à dos tout ce qui leur paraît se ressembler et se fondre dans le ciel idéaliste, puisqu'on refuse de voir que le ressort de la gigantesque lutte en cours ne tient pas dans une quelconque "morale" mais dans l'agressivité de plus en plus violente des classes dominantes toutes nuances confondues, terrorisées ici et là par la perte éventuelle de leurs positions sociales ("...plutôt Hitler que Blum...!", "les terroristes trotskystes alliés au Mikado", "...la peste judéo-maçonnique...", etc. etc.). Les Américains finançaient en sous-main Franco (après Hitler), les Anglais pareillement, en prônant la très "morale" politique de non-intervention.

Lorsque l’oppression atteint un degré insupportable, il reste à l'opprimé assez peu de possibilités afin de la faire cesser ou tout au moins de la diminuer.
- Soit il se résigne et courbe l'échine.
- Soit il esquive et tente une forme d'action ou de non-action qui va le soustraire aux coups de son ennemi : à ma connaissance, on n'a pas encore trouvé la recette, et l'autre en profite pour accentuer l’oppression,
- Soit il décide de se battre. Mais pour se battre, il faut descendre sur le même champ de bataille, il faut fatalement affronter l'autre, hic et nunc avec telles ou telles armes, telle tactique, une stratégie, etc. Et la panoplie est restreinte des moyens opposables à d'autres moyens, fatalement comparables, sinon il n'y a pas de lutte envisageable.
Il y a donc automatiquement un point de rencontre et de conjonction, à tout point de vue, entre deux camps ; ce qui signifie une "anatomie comparée" (et comparable !) des moyens mis au service de telle ou telle fin. Et la morale, la belle morale platonicienne, kantienne, ou ce qu'on voudra, n'est plus qu'un faux-nez agité par les tenants d'une "belle" histoire où le héros (misérable de préférence) se sacrifiera avec les honneurs, justement afin que ladite "morale" soit sauve.
C'est la morale de "série B", la morale des téléfilms, des romans à l'eau de rose, de la littérature de gare, la morale des magazines de salle d'attente, des horoscopes, des consolations religieuses ou idéalistes, la morale des esclaves consentants, la morale des politiciens et des professeurs.

La fin justifie les moyens, et les moyens ne sont pas automatiquement habillables avec les beaux atours de la fin poursuivie pour noble et belle qu'elle soit ... : sinon, on n'a plus qu'à tendre angéliquement son cou au bourreau !
Léon Trotsky, de par sa position d'assiégé perpétuel, de maudit universel (depuis 1924 tout de même !), qui plus est affronté à l'intuition tragique de la catastrophe mondiale imminente, ne pouvait que se rigidifier dans son intransigeance, l'intransigeance du fondateur et chef victorieux naguère de l'Armée Rouge.
Il avait malheureusement raison... et les mouvements de résistance qui allaient naître dans le malheur des temps apprendraient dans le sang et les larmes qu'il n'est pas d'hésitation possible... "à la balle et au couteau" disait notre "Chant des Partisans" !

Les professeurs de morale se trouvent généralement loin, très loin, de la ligne de feu, qu'il s'agisse de la guerre sociale ou de la guerre tout court. Qu'ils pourrissent.
Le texte est daté, il n'en a pas moins gardé sa force démonstrative.

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Forums: Leur morale et la nôtre

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Leur morale et la nôtre".