Retour définitif et durable de l'être aimé de Olivier Cadiot

Retour définitif et durable de l'être aimé de Olivier Cadiot

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 20 septembre 2002 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 605ème position).
Visites : 4 380  (depuis Novembre 2007)

"Lapin fluo, je t'aime."

D'abord un titre unique, qui fait rêver. Puis un texte qui, par sa construction, son côté inédit, mine toutes les tentatives d’identification du lecteur. Un texte transgenre, entre poésie, monologue de théâtre, roman (il n’est d’ailleurs pas écrit roman sur la couverture et une adaptation est prévue pour novembre 2002 au théâtre de la Colline à Paris) . Un texte constitué de courts paragraphes d'une phrase, suite de propositions juxtaposées par des virgules que viennent souligner, à la ligne, une phrase brève , souvent : « C’est loin » ou « Il neige » mais aussi : « Je nage », « Silence », « Carpe molle », « Irréel du passé », « C’est dans les livres qu'on parle vraiment » (c’est tellement vrai !).Ou encore :« le grand champion c’est celui qui oublie » Un procédé (mais il fallait le trouver !) qui pourrait être lassant et qui ne l'est pas, qui produit une accélération de la lecture comme dans une centrifugeuse, pour séparer les constituants: au centre, la substantifique moelle littéraire, et sur les bords, les miasmes, écume poisseuse de discours ambiant que ce texte recense.
On se demande longtemps de quoi ça parle, d'une déception sentimentale augurant un retour de son objet, comme l'annonce le titre ? Certainement, mais de manière diffuse, dissoute, discrète.
Il y est question d’un lapin fluo et de vaches, de verdure et de noir, d'un pique-nique et de fouilles, d’un oncle un peu psy-ermite-gourou, d'une poétesse branchée, d’une visite médicale qui inspire inquiétude, d’une sœur rêvée et d’un jumeau recherché.
Le narrateur s’interroge, comme nous. « J'essaye de comprendre ce que je fais » [Nous aussi]
J’explique, j’ai tort, j'en fais trop «[Non, non, on vous assure.) « Je n’aurais pas dû » [Mais si, mais si.] « Pour une fois que je parle » [Nous sommes toute écoute.] « Je ne suis pas en vacances » [Nous non plus, hélas !] « Je prépare un projet important » [Heureux homme !] « J'ai quitté des choses très importantes pour ça, j’aime quelqu’un, j'ai perdu quelqu'un ». Voilà qui est plus clair, vraiment !… Et plus loin (p224), cette déclaration, ce faux aveu d’échec: « Cette fois-ci , je ne le dis pas, je regrette de tout avoir raconté avant , je regrette, cette histoire de lapin fluo est beaucoup trop compliquée, c’est juste une image, c'est tout, j'aurais dû dire : lapin fluo, je t'aime un point c'est tout. » Ca me rappelle le conseil de Lucien à Lolita, (pas dans le roman de Nobokov, sur ce site, je précise) : aimer sans comprendre ! Une bonne façon de commencer à lire ce livre(certainement un des plus novateurs, rentrée littéraire comprise, de cette année 2002) car en fin de course, on voudrait le prolonger, pourquoi pas, avec nos propres mots.
Je livre, puisés dans le dossier de presse web des éditions P.O.L., des extraits, outils de lecture possibles pour appréhender cet objet littéraire encore mal identifié.

"Dans Retour définitif et durable de l'être aimé, comme dans Mulholland Drive, on ne comprend pas tout. Et ça n'a aucune importance, il ne faut pas s'agripper mais se laisser porter. Et, comme dans le film de Lynch, on éprouve la sensation grisante de jamais vu, jamais lu, l'impression de toucher à la modernité, de découvrir un univers et pas un produit." Olivia de lamberterie, Elle, 14 janvier 2002.
"Castor junior de la survie en "vie mondaine" ou Speedy Gozales de la narration, le livre ressemble à une machine bizarroïde avec fonction hypertexte." Nelly Kaprièlan, Les Inrockuptibles, 15 janvier 2002.
"Il y a tous ces livres qu'on a lus récemment, ceux que l'on va bientôt lire. Passionnants, agaçants, intelligents, drôles, sinistres... Et puis parfois il y a un événement dans nos vies (de lecteurs). Retour définitif et durable de l'être aimé, cinquième livre d'Olivier Cadiot, paraît cinq ans après son Colonel des Zouaves. C'est un livre ouvert, écrit dans le présent le plus présent pour offrir une multitude de lectures possibles ou impossibles." Bertrand Leclair, La Quinzaine littéraire, 15 janvier 2002.
"Des phrases courtes, des images à peine suggérées, des citations mal cryptées: Cadiot travaille sur le rythme. Désormais la poésie peut emprunter toutes les formes; chez lui, elle passe par un langage oral, monologue intérieur, dialogues hachés, choc des contraires, ne jamais expliquer, entraîner le lecteur dans des paragraphes haletants qui atterrissent, comme dans les haïkus, sur un bref leitmotiv, aire de repos, plate-forme pour reprendre son élan." Isabelle Rüf, Le Temps, 4 février 2002.
"Ce roman-poème-théâtre est indéniablement un Cadiot, et en même temps, il nous surprend, nous oblige à réapprendre un peu, à secouer notre horizon d'attente rabougri. On est en rase campagne, la vue est dégagée, slalomant entre des phrases familières et pourtant drôlement installées, comme on dit qu'on installe des sculptures. Les massifs succèdent aux phrases courtes qui déjouent les habitudes de lecture." Eric Loret, Libération, 14 février 2002.
"L'art d'Oliver Cadiot naît ainsi de la canalisation de tous les discours dans lesquels nous sommes plongés pour en détournerr tout ce qui, entre rire et angoisse, fait revenir l'être aimé: la poésie." Alain Nevez, Télérama, 6 mars 2002.
"On croirait lire parfois une histoire d'amour, mais les histoires d'amour existent-elles? On voudrait juste dire au lapin, "je t'aime".Un point, c'est tout. On ne lirait pas le livre qu'on croyait être en train de lire, on lirait quoi? Un livre nous aurait posé un lapin, on s'y retrouverait seul à glisser dans la neige. Ce serait très beau et parfois on entendrait une chanson triste, puis plus rien. On glisserait. La surface du livre n'aurait vraiment pas de fond." Xavier Person, Le Matricule des anges n°38.

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Les éditions

  • Retour définitif et durable de l'être aimé [Texte imprimé] Olivier Cadiot
    de Cadiot, Olivier
    P.O.L.
    ISBN : 9782867447280 ; 10,14 € ; 09/01/2002 ; 264 p. ; Broché
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poète

9 étoiles

Critique de Sterne (, Inscrit le 4 novembre 2013, 54 ans) - 24 février 2016

La critique de Kinbote vaut le détour, le livre critiqué également, Olivier Cadiot est un grand poète, je recommande aussi "Un mage en été" (POL 2010) qui est époustouflant d'inventivité, de fantaisie et d'émotion.

L'ascenseur de Strepy-Thieu

7 étoiles

Critique de Miller (STREPY, Inscrit le 15 mars 2001, 68 ans) - 10 octobre 2002

Olivier Cadiot
c'est comme le colosse de Strepy-Thieu. Le plus grand ascenseur à bateaux du monde. Une capacité de 300 tonnes. Un dénivelé de 73 mètres.
Deux bacs d’acier, longs de 112 mètres et lourds de 7000 tonnes.
Une prouesse technique, assurément. La masse des deux ascenseurs (300000 tonnes) repose sur un hectare de superficie. « Retour définitif et durable de l’être aimé » est un bel ouvrage, un peu chargé, c'est vrai, mais les bateaux qui y passent sont de grandes tailles ! « C’est dans les livres qu'on parle vraiment » Olivier Cadiot.

Kinbote, tu m'bottes!

10 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 20 septembre 2002

Je n'ai pas l'habitude d'écrire moins de cent mots - même pour une critique éclair. Je n'ai pas l'habitude d'écrire des critiques éclairs sur des livres que je n'ai pas lus. Si je déroge à ces deux règles classiques, c'est pour appliquer la troisième de mes règles - romantique celle-là : réagir au coup de coeur. Tout ça pour dire que la critique de Kinbote est superbe et que je salive déjà en songeant à ce "Retour définitif et durable de l'être aimé" que je viens de commander. PS : les étoiles, c'est pour la critique.

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